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[Gardiens de la nature] Avec Drëpsi, l’eau potable sous haute surveillance


Avec Drëpsi, les habitants peuvent savoir si leur fournisseur a bien sécurisé l’approvisionnement en eau potable.

Il est entendu que la qualité de l’eau qui sort du robinet va de soi. Mais il s’agit d’un luxe auquel beaucoup de personnes sur le globe n’ont pas accès. Avec Drëpsi, l’administration de la Gestion de l’eau veut aller plus loin.

Ne tournons pas autour du pot : l’eau potable est excellente au Luxembourg et «il s’agit même de l’aliment qui est le plus contrôlé», relève Brigitte Lambert, chef de division à l’administration de la Gestion de l’eau (AGE). Où que vous vous trouviez au Grand-Duché, vous n’avez aucune crainte à avoir.

Au contraire, l’eau du robinet est souvent de meilleure qualité que celle de beaucoup de marques en bouteille, dont les analyses sont beaucoup moins complètes. La preuve par les chiffres : plus de 99,9 % des quelque 6 500 analyses effectuées sur l’eau potable luxembourgeoise chaque année sont conformes aux normes.

Vous aurez d’ailleurs peut-être remarqué qu’elle a meilleur goût ici qu’en France, notamment. L’eau distribuée dans le pays, comme en Allemagne, n’est en effet pas systématiquement chlorée.

On ne rajoute cet élément chimique que s’il est nécessaire, pas avant. En France, tant que le plan Vigipirate est activé à un niveau élevé, l’eau subit ce traitement préventif.

Maintenir une parfaite qualité de l’eau est un défi technique de très grande ampleur. Pour récompenser les meilleurs fournisseurs (communes ou syndicats intercommunaux), le ministère de l’Environnement, du Climat et du Développement durable a remis cette année ses premiers Drëpsi, une goutte d’eau qui personnifie le certificat d’excellence pour la bonne gestion du réseau et des infrastructures en eau potable (du lieu de captage au robinet), ainsi que des zones de protection des sources ou de l’eau de surface (le lac d’Esch-sur-Sûre).

En mars dernier, 42 fournisseurs (37 communes et 5 syndicats) se sont donc vu attribuer des Drëpsi argent, or et platine. Les trois qui ont atteint le plus haut niveau sont les communes de Mertert et de Stadtbredimus ainsi que le Sebes (le syndicat qui gère et distribue l’eau du barrage d’Esch-sur-Sûre).

Puisque la qualité de l’eau est assurée en amont, les Drëpsi récompensent les efforts afin de la maintenir telle quelle dans le temps. Il s’agit ici d’analyser les risques pour pouvoir y remédier si besoin avant de se trouver dans une situation d’urgence.

Vingt autres candidats en 2024

Précurseur sur cette thématique, le Luxembourg a lancé l’étude systématique des risques dès 2018 alors que l’Europe, à travers la directive de 2020 sur les eaux destinées à la consommation humaine (transposée en droit luxembourgeois par la loi du 23 décembre 2023), la rendra obligatoire à partir de 2027.

C’est en effet en 2018, après trois ans de travaux préparatoires, que le logiciel WebWsp est devenu opérationnel. Partagé entre l’administration et les fournisseurs, c’est grâce à lui qu’ont été décernés les Drëpsi. WSP est l’acronyme de «Water Safety Plan» et WebWsp est une interface qui permet aux fournisseurs de renseigner la configuration et l’état de leurs infrastructures, depuis les ouvrages de captage jusqu’aux robinets des consommateurs.

«Il s’agit d’un questionnaire très complet, parfois une centaine de points par ouvrage, qui est rempli par les communes, explique Brigitte Lambert. C’est un travail qui peut être compliqué pour les grosses agglomérations et les communes qui disposent de nombreuses zones de captages, mais il permet d’avoir une vue exhaustive de l’ensemble du réseau. Le but est de pouvoir identifier tous les risques et de les prévenir en amont. Le grand avantage de WebWsp est qu’il émet une liste très claire des aménagements à prévoir avec, quand c’est possible, une estimation des budgets pour les réaliser. Il s’agit donc aussi d’un outil de planification pour les fournisseurs.»

Le champ des questions est vaste, il peut aller de la présence d’un système d’alarme dans un réservoir à des problèmes d’étanchéité ou de maçonnerie. Dès que les communes ont rempli le questionnaire, des auditeurs de l’administration de la Gestion de l’eau viennent vérifier sur place l’exactitude des renseignements transmis. C’est à l’issue de ces vérifications que sont attribués les Drëpsi.

Ces certifications honorent les communes qui ont été prévoyantes dans l’entretien et la sécurité de leurs infrastructures, mais les Drëpsi ne récompensent pas à proprement parler la qualité de l’eau en elle-même, qui est surveillée en amont.

Quelle que soit la couleur de la gouttelette, sa conformité est de toute façon acquise. De même, une commune qui ne dispose pas aujourd’hui de son Drëpsi n’est pas nécessairement défaillante.

Seul environ un tiers des fournisseurs a jusqu’à présent rempli le questionnaire. Les autres ont jusqu’à 2027 pour le faire. Il existe deux raisons principales à ce délai. Tout d’abord, beaucoup souhaitent réaliser en amont les aménagements qui leur permettront d’obtenir le meilleur classement, une preuve — soit dit en passant — de l’importance qu’ils donnent à ce label.

Ensuite, de nombreuses petites communes n’ont simplement pas les moyens humains pour répondre rapidement au questionnaire, leurs services techniques devant d’abord gérer les urgences.

Si 42 fournisseurs ont été récompensés cette année, 20 nouveaux ont fait leur demande depuis. Certains audits ont déjà été effectués, d’autres le seront d’ici la fin de l’année. La remise des certificats d’excellence aura lieu au printemps prochain.

«Le but est que tous les fournisseurs, à terme, reçoivent un Drëpsi platine, soutient Brigitte Lambert. Cela prendra nécessairement un peu de temps parce que parvenir à ce niveau peut demander des travaux longs et coûteux, mais le Water Safety Plan a justement été pensé pour les aider.»

Avec le Drëpsi, l’administration de la Gestion de l’eau a créé un outil qui permet au grand public de visualiser les efforts consentis par les fournisseurs d’eau potable. Et aussi un moyen d’instiller une mise en concurrence entre les communes et les syndicats sur un sujet de préoccupation majeur de la population.

Craint-on une pénurie d’eau potable?

Le Grand-Duché a doublement de la chance, la qualité de l’eau potable est assurée et sa quantité, jusqu’à présent, aussi. Néanmoins, à l’administration de la Gestion de l’eau, on n’est pas euphoriques non plus.

«Nous ne sommes pas à l’abri du changement climatique, fait observer Brigitte Lambert. Nous remarquons que les périodes de recharge des nappes phréatiques sont de plus en plus courtes. Nous le voyons bien cette année, où de nombreux arbres sont encore bien verts. Lors de l’hiver 2022/2023, la période de recharge n’a commencé que début janvier, au lieu de novembre. Comme la sècheresse estivale avait desséché les sols en profondeur, une bonne partie des pluies d’automne n’a servi qu’à saturer d’eau ces terres plutôt qu’à remplir les nappes. Nous n’avons pas vécu de pénurie, mais cela n’empêche pas d’être responsable et d’économiser l’eau. Il ne s’agit pas d’un bien qui est garanti ad vitam æternam…»

Carte d’identité

NOM : Brigitte Lambert

ÂGE : 44 ans

FONCTION : chef de division à l’administration de la Gestion de l’eau

PROFIL : Brigitte Lambert est ingénieure de l’environnement, un diplôme qu’elle a obtenu à Stuttgart. Dès ses études, elle s’est spécialisée sur l’eau.

Ses examens réussis, elle est revenue au Grand-Duché pour travailler sur la directive cadre Eau potable. Elle devient chef de division à l’administration de la Gestion de l’eau en 2010.

Photo : brigitte lambert