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[Gardiens de la nature] Attention, traversée de crapauds


Des groupes de bénévoles vont aider les crapauds à traverser les routes pour éviter qu’ils soient écrasés.

Les températures qui se réchauffent annoncent une grande migration : celle des crapauds qui quittent leurs quartiers d’hiver pour retrouver les zones humides où ils vont se reproduire. Mais le danger guette…

La période de froid hivernal est dernière nous (espérons-le) et le mercure grimpe. À priori, le thermomètre ne devait plus afficher de valeurs négatives la semaine prochaine, y compris les nuits. Les conditions sont donc réunies pour que les crapauds se réveillent. «Selon les années, cela se passe en janvier, février ou en mars», relève Tom Van den Bossche, conseiller nature et environnement pour natur&ëmwelt.

En effet, lorsque l’hiver arrive, les crapauds vont chercher un bon endroit pour hiberner. Certains creusent dans le sol (parfois jusqu’à 2 mètres) ou occupent des terriers abandonnés. D’autres s’enfouissent sous les feuilles, se cachent dans un tas de bois, un pierrier ou une cave. Le site est important puisqu’ils n’y bougeront pas de tout l’hiver.

Quand les gelées se conjuguent au passé, ils se réveillent et s’apprêtent à vivre le moment le plus dangereux de l’année. Car «les amphibiens se reproduisent dans les mares ou les étangs où ils sont nés, lorsqu’ils existent encore», précise Tom Van den Bossche.

Or pour accéder à leur pouponnière, les crapauds ont souvent une route à traverser. «C’est un des problèmes du Luxembourg, soupire le scientifique. Le pays est le plus fragmenté d’Europe, avec la Belgique. Ce qui signifie que c’est celui où les obstacles sont les plus nombreux : routes, clôtures, murs et même pistes cyclables.»

Comme leur nom l’indique, les amphibiens sont des animaux qui vivent dans deux éléments, dans l’eau et sur terre. Leur développement jusqu’à l’âge adulte a lieu entièrement dans l’eau. Les femelles y pondent dans leurs œufs, d’où vont naître des larves qui respireront à l’aide de branchies. En grandissant, les pattes vont se développer, les branchies disparaître au profit des poumons et ils découvriront la terre ferme.

Crapauducs et huile de coude

Les crapauds migrent en quelques jours seulement par groupes parfois grands de plusieurs centaines d’individus. Avec la traversée des routes, la mortalité peut être terrible. Plusieurs actions sont cependant menées pour les aider lors de ces instants critiques.

«Lorsque l’on refait des routes dans des endroits où il y a des crapauds, les Ponts et Chaussées construisent parfois des crapauducs», souligne Tom Van den Bossche. Les crapauds sont guidés vers ces gros tuyaux qui passent sous l’asphalte grâce à des barrières en plastique fixées le long de la route.

La technique est excellente… lorsque les crapauducs ne sont pas bouchés, ce qui arrive régulièrement. Leur entretien n’est que trop rarement au programme des cantonniers.

Lorsqu’il n’est pas possible d’installer des crapauducs, natur&ëmwelt met en place une autre stratégie. Les mêmes barrières en plastique sont installées, mais cette fois, des bénévoles vont vérifier chaque jour à la tombée de la nuit si les crapauds arrivent.

Dès qu’ils sont là, la cellule de veille est activée et les bénévoles affluent avec des seaux. Ils récupèrent les crapauds, traversent la route, et les relâchent pour qu’ils retrouvent leurs mares préférées.

«Nous avons 5 ou 6 groupes de bénévoles très motivés qui nous aident, comme à Remerschen, à Bettembourg ou autour de la capitale par exemple, se félicite le conseiller, ravi de la participation de ces collaborateurs enthousiastes. Ils ont d’autant plus de mérite que ce n’est pas facile. Les migrations ont lieu en pleine nuit, il faut froid, souvent humide…»

Même si natur&ëmwelt aimeraient beaucoup recruter de nouvelles personnes pour prêter main-forte aux habitués, Tom Van den Bossche ne cache pas qu’il s’agit là d’une mission pour les adultes, pas pour les enfants. «Il faut faire attention, nous sommes au bord de la route, c’est dangereux… et à cette heure-là, ils devraient plutôt être au lit!» Les motivés peuvent se rendre sur www.naturemwelt.lu et remplir le formulaire «Migration des batraciens» s’ils souhaitent participer à ces opérations de sauvetage.

Mais tous ces efforts seront inutiles si, à côté, on ne prend pas garde de l’environnement dans sa globalité. La qualité des eaux stagnantes est un vrai problème. Trop de nitrates, de pesticides ou d’autres produits chimiques et c’est tout une population qui disparaît. L’assèchement des zones humides à des fins agricoles est également rédhibitoire pour tous les batraciens, et pas que les crapauds.

Un dernier conseil, si vous êtes en voiture sur une route où vous voyez que des crapauds traversent, diminuez votre vitesse. «Lorsque l’on roule à 30 km/h plutôt qu’à 50, on réduit la mortalité de 90 %, explique Tom Van den Bossche. À 30, seuls les crapauds écrasés sous les roues meurent. À 50, l’effet de sol les aspire tous sous la voiture et pratiquement aucun ne peut survivre.»

Et une fois chez vous, n’hésitez pas à donner un coup de fil à natur&ëmwelt pour leur indiquer précisément l’emplacement de cette migration, ce simple appel pourra peut-être en sauver plusieurs centaines de crapauds!

Comment se porte cet animal?

Malheureusement, les bonnes nouvelles sont rares en matière de biodiversité. Les crapauds ne font pas exception. «Globalement, leur population diminue, constate Tom Van den Bossche. Mais nous manquons de données scientifiques pour bien connaître leur nombre.»

Il existe quatre espèces au Grand-Duché. Le sonneur à ventre jaune à pratiquement disparu. Il ne resterait plus que trois populations. Le crapaud calamite est très rare, uniquement présent dans quelques endroits du Gutland. Le crapaud accoucheur vit dans le nord du pays, mais pas dans le Sud. Le crapaud commun, qui est aussi le plus gros, est le mieux représenté : on le retrouve un peu partout.

Carte d’identité

Nom : Tom Van den Bossche
Âge : 26 ans
Poste : conseiller nature et environnement à natur&ëmwelt
Profil : après avoir obtenu son diplôme d’ingénieur agricole à Gembloux (Belgique), Tom Van den Bossche a été embauché à l’Oekozenter Pafendall en tant que conseiller écologique. Il a rejoint natur&ëmwelt en 2023, en tant que conseiller nature et environnement.

Photo : dr