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François Jagut, chef de l’année 2025 : «J’ai mille idées»


Le quadragénaire associe à son prix toute son équipe, composée de huit personnes.

Derrière les fourneaux du Restaurant Les Roses à Mondorf depuis quatre ans, François Jagut vient d’être récompensé pour son travail. Le Gault&Millau Luxembourg l’a sacré chef de l’année 2025.

François Jagut est un chef heureux. Nous l’avons rencontré dans son restaurant gastronomique Les Roses situé au sein du Casino 2000 de Mondorf-les-Bains, quelques jours après que le Gault&Millau lui eut décerné le prix de chef de l’année et l’eut décrit comme «un chef curieux et observateur de nature, qui aime se remettre en question». Heureux de cette reconnaissance, à 44 ans, pour lui qui vingt ans auparavant était engagé dans ce même restaurant en tant que chef de partie.

Vous vous attendiez à recevoir ce prix prestigieux ?

François Jagut : Quand on apprend, quelques semaines avant, que l’on doit préparer un plat pour le gala de remise des trophées du Gault&Millau, on sait qu’on a un prix, mais chef de l’année, non, je ne m’y attendais vraiment pas.

Qu’est-ce que cette distinction représente pour vous ?

Une reconnaissance de tout ce qu’on met en place tous les jours ici pour nos clients. On travaille énormément, on se met beaucoup de pression. Et là, on voit que ça marche, la mayonnaise prend. Le Gault&Millau reste une institution, on peut certes aller toujours plus haut, mais on atteint là un grade très élevé. Donc ce prix fait très, très plaisir.

Aviez-vous repéré l’inspecteur quand il est venu dans votre restaurant ? 

(Il rit) Non, du tout, on ne le connaît pas, ce n’est vraiment pas un mythe.

Parlons de votre parcours. Vous êtes né en Bretagne et avez commencé vos études pour devenir cuisinier, à 14 ans, dans un lycée à Saint-Nazaire.

Oui, c’était un choix, je n’avais aucun restaurateur dans ma famille, mais l’idée me plaisait bien. Et tout de suite, ce qui m’a attiré, c’est la gastronomie. Prendre le temps de dresser, passer du temps à peaufiner les détails, à apporter des petites touches, ça m’a toujours intéressé.

Est-ce que la cuisine occupait une place importante dans votre famille ?

Pas du tout, ma maman avait un métier prenant, elle était aide-soignante. Mais elle aimait recevoir et elle faisait les choses bien, cherchait la petite recette idéale. J’ai toujours aimé l’effervescence quand on a des invités, une belle table, du temps pour manger et faire à manger…

En tant que Breton, le plat préféré de votre enfance, c’étaient les galettes ?

La galette chez ma grand-mère avec les gros œufs de la ferme, c’est extraordinaire. Je lui ai demandé la recette, il n’y a pas longtemps. Elle m’a dit : « Tu mets un peu de ça et un peu de ça ». Moi, je suis cuisinier depuis 20 ans, mais je n’y arrive pas (il rit). Donc, il y a certainement quelque chose qui manque encore. Les galettes ont toutes un goût différent, et pourtant, ça reste de la farine de sarrasin, de l’eau et du sel.

Vous avez travaillé dans des restaurants prestigieux. Qu’en avez-vous tiré ?

J’ai commencé par un stage chez Marc Veyrat. Il avait trois macarons à l’époque, il était au sommet, il avait eu 20 sur 20 je crois. Un autodidacte à 100 %, il s’est fait renvoyer de dizaines d’écoles hôtelières. Il voulait cuisiner les herbes, les aromates, c’était fou, un vrai précurseur. Je me suis dit : « On peut faire des milliards de choses, ça n’a pas de fin ». Tout de suite, je suis tombé dedans. Et ensuite, j’ai travaillé dans des étoilés en Normandie et des étoilés un peu plus près de chez moi à Lorient.

Vous ne restiez pas longtemps dans une même cuisine ?

Je restais deux ans en moyenne, le temps de m’imprégner de la cuisine du chef, d’apprendre énormément, puis j’allais apprendre autre chose. Je l’ai fait six ans.

Comment vous êtes vous retrouvé au Luxembourg ?

Par hasard. J’ai commencé comme chef de partie, je gérais un seul poste, celui des légumes, et j’ai fini par devenir le second d’Alain Pierron, mon prédécesseur, pendant presque 15 ans. Ce qui était génial, c’est qu’on faisait une carte et puis la suivante, elle était différente, on cherchait et cherchait encore. En travaillant ainsi, on ne voit pas le temps passer. Et c’est pour ça que je suis encore là aujourd’hui.

On n’a pas la visibilité d’un restaurant traditionnel

Quand on est second, on décide aussi des plats sur la carte ?

Il y a différentes écoles. Quand j’ai démarré, c’était totalement fermé. Vous étiez second, vous faisiez ce que le chef disait. C’était militaire. Et depuis une quinzaine d’années, ça a bien changé. Les chefs sont ouverts et les seconds apportent beaucoup plus. C’est aussi pour cela que je suis resté avec Monsieur Piron, mes idées n’étaient pas balayées. Et aujourd’hui, je mets beaucoup en avant Loïck Martinez, mon second. J’ai réussi, je pense, à presque opérer un pas en arrière : en faire un peu moins et laisser un peu plus faire les autres. J’essaye d’être un chef d’orchestre, sans donner le tempo sans arrêt, juste en essayant de mixer toutes les idées pour que ça soit cohérent.

Comment définiriez-vous votre cuisine concrètement ?

C’est d’abord un produit, une sélection des fournisseurs – locaux pour la plupart –, une cuisson simple, des techniques simples. Et on apporte beaucoup de goût et une touche dans chaque assiette qui fait « wow ». C’est notre marque de fabrique. Par exemple, le plat qu’on a préparé pour le gala, ça reste un filet de bœuf, mais maturé. Accompagné d’une pomme de terre frite, c’est simple. Et une petite prune lacto-fermentée pour l’acidité, c’est un mélange de goût, jusque-là c’est accessible. Et à côté, on a fait un tartare avec un sabayon d’huître. Qu’est-ce que ça vient faire là l’huître, pourquoi? On mange et là, il y a quelque chose.

Vous servez un menu unique pour tout le monde ?

J’ai fait cela pendant presque 20 ans, mais j’ai évolué. On a travaillé sur un menu carte. L’idée, c’est d’avoir deux tarifs, pour un trois plats ou un quatre plats. On a trois entrées, deux plats végétariens, trois poissons, trois viandes, trois desserts. Et là-dedans, le client fabrique son menu en fonction de ses envies du moment. On en change tous les deux mois environ et on ne refait jamais la même recette.

En quoi est-ce différent d’être le chef d’un restaurant qui se trouve dans un casino ?

Ça change beaucoup de choses, en bien et en mal. On n’a pas la visibilité d’un restaurant traditionnel, on n’a pas pignon sur rue et pour certains clients, c’est un frein de devoir traverser un casino. Mais à côté de ça, on a un très bel établissement, un très bel endroit.

Selon vous, que va vous apporter cette nouvelle reconnaissance ?

On va acquérir un peu plus de notoriété, donc plus de réservations. (Il sourit) Et un peu plus de pression, mais je vais la garder pour moi. On va continuer de faire ce qu’on faisait avant, se remettre sans cesse en question pour évoluer. J’ai mille idées.

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