Le président de la République française a reçu nos confrères du Républicain lorrain à la veille de sa venue à Florange, ce lundi. Il confie sa détermination, alors que les doutes s’installent sur sa capacité à représenter la gauche à l’élection présidentielle.
Vous revenez aujourd’hui à Florange, où s’exprime toujours un certain ressentiment après la crise qui a marqué le début de votre quinquennat. Que voulez-vous dire aux gens de Florange ?
François Hollande : Je viens leur dire que j’ai respecté l’ensemble de mes engagements. Je m’étais rendu à Florange lors de la campagne présidentielle. Je leur avais fait deux promesses : sauver le site et éviter tout plan social. Elles ont été tenues. Les 650 salariés qui travaillaient sur le haut-fourneau ont été reclassés sur place et aucun n’a été licencié. Non seulement, il n’y a eu aucune perte d’emploi à Florange, mais des embauches ont été réalisées en 2015 et 2016.
Vous aviez à l’époque refusé de nationaliser les hauts-fourneaux, solution que privilégiait votre ministre du Redressement productif de l’époque, Arnaud Montebourg…
J’ai préféré négocier un compromis robuste avec le groupe ArcelorMittal pour qu’il investisse 180 M€ à Florange. 200 M€ d’investissements ont déjà été réalisés, c’est-à-dire plus que prévu. En 2013, j’avais annoncé la création d’une plateforme publique afin d’inventer les aciers de demain. 20 millions d’euros ont été apportés par l’État à ce projet que j’inaugure aujourd’hui à Uckange. Voilà pourquoi je reviens régulièrement à Florange pour faire l’évaluation de la mise en œuvre de mes engagements.
Malgré tout, pour beaucoup, Florange reste le symbole d’une trahison…
Les hauts-fourneaux étaient déjà à l’arrêt en 2012. C’est vrai, ils ne sont pas repartis. Ce sont les hauts-fourneaux de Dunkerque qui approvisionnent l’usine de Florange. Je suis attaché à Florange comme je le suis aux sites de Fos-sur-Mer et de Dunkerque. J’aurais manqué à ma parole si j’avais sacrifié un site par rapport à un autre. J’aurais manqué à ma parole si j’avais laissé faire des licenciements. J’aurais manqué à ma parole si j’avais laissé les investissements diminuer au point de ne plus assurer la pérennité du site. Aujourd’hui, il y a davantage de production d’acier à Florange qu’en 2012.
Mais comment expliquer ce décalage entre la réussite que vous décrivez et l’impression d’échec d’une majorité de Français ?
Ce sentiment n’est pas propre à Florange. Dans notre pays, on ne valorise pas assez ce qui est acquis par la loi, ce qui arraché par la lutte ou amélioré par la négociation. Or, c’est essentiel pour la démocratie. Je lance un appel : si les gouvernements, les syndicats, les forces politiques républicaines ne disent pas ce qu’elles ont pu obtenir grâce à leurs actes, ce sont les démagogues et les extrémistes qui rafleront la mise.
La France doit avoir confiance dans ses atouts et dans ses réussites. Florange est la preuve que la mobilisation de l’État, des élus et des partenaires sociaux peut convaincre un grand groupe de renoncer à un plan social. Ce devrait être cela le symbole de Florange.
Ces dernières semaines, vous n’avez pas hésité à utiliser les deniers et la commande publics pour sauver in extremis Alstom à Belfort…
Quel était le risque à Belfort ? Une fermeture de l’usine et un transfert d’activité vers d’autres sites. Ce que j’ai voulu, avec le gouvernement, ce n’est pas favoriser une ville par rapport à une autre, privilégier Belfort contre Reichshoffen ou Valenciennes. C’est préparer l’avenir. L’État a donc commandé des rames de TGV en anticipant de deux ou trois ans leur construction. C’est donc un plan cohérent qui a été mis en place pour sauver Belfort. Imaginez ce qui aurait été dit si nous avions baissé les bras ! J’ai voulu que l’État prenne ses responsabilités.
L’assemblée nationale entame cette semaine l’examen du budget. Les frondeurs socialistes disent déjà qu’ils ne le voteront pas. Comment rassembler les Français, si vous ne rassemblez pas les députés socialistes ?
Le budget qui est présenté est un budget de progrès, un budget de gauche. Les crédits de l’éducation, de la culture, de l’emploi et de la sécurité augmentent. Les prélèvements diminuent, notamment l’impôt sur le revenu, et les déficits se situent enfin en dessous de 3 % de PIB et la sécurité sociale est à l’équilibre. Je ne vois donc pas comment un député de la majorité pourrait ne pas voter un tel budget. Il prépare l’avenir, donne priorité à l’emploi et réduit les inégalités.
Nous avons fait le calcul : depuis 2012, il y a eu 140 000 emplois industriels perdus. Est-il envisageable d’inverser cette tendance ou est-ce une fatalité ?
Nous créons aujourd’hui plus d’emplois qu’il n’en est détruit, avec au total une progression de 160 000. Ensuite, nous ouvrons plus d’usines qu’il ne s’en ferme. C’est exactement l’opposé de la situation de 2012. Au cours des vingt dernières années, la part de l’industrie a décliné de 20 à 12 % de la production nationale. Voilà la situation que j’ai trouvée. J’ai donc pris des mesures pour renforcer la compétitivité de nos entreprises et préparer l’industrie de demain avec le CICE, le pacte de responsabilité, l’amélioration des marges des entreprises, l’élargissement du crédit d’impôt-recherche à l’innovation, le lancement d’une alliance pour l’industrie du futur… L’industrie est redevenue un pilier de la croissance.
Justement, si des députés de votre Parti socialiste disent qu’il n’est pas bon, cela donne une terrible impression de désunion…
Depuis quatre ans et demi, les critiques d’une minorité, c’est vrai, nuisent à la perception de la cohérence. Mais, avec le recul, nous pouvons maintenant apprécier l’action menée depuis 2012. Nous avons redressé le pays tout en préservant notre modèle social (la santé et les retraites). Nous devons revendiquer ce bilan.
La période est cependant particulière, avec une forte impression de flottement. Écoutez par exemple ce que disait dans notre journal l’un de vos fidèles, le député socialiste de la Loire Jean-Louis Gagnaire : « Je suis déboussolé, et même abasourdi »…
Il ne faut jamais se laisser emporter par tel ou tel bout de phrase, sorti de son contexte. Ce qui m’importe, et je ne cesserai de le faire, c’est de restituer la cohérence de mon action. Ce que je veux démontrer, c’est que malgré les difficultés rencontrées nous avons fait avancer le progrès social, avec la retraite à 60 ans pour les carrières longues, la reconnaissance de la pénibilité, la complémentaire santé, le tiers-payant et la prime d’activité.
Et nous pouvons comparer ce que nous avons fait avec ce que nos concurrents proposent de défaire, non seulement les avancées des cinq dernières années, mais aussi les fondements de notre modèle social, si j’en juge par le programme commun de la droite qui a été présenté lors du débat des primaires.
Il dit aussi, parlant de vous : « Il vaut mieux qu’il renonce à une candidature »…
Je prendrai ma décision au début du mois de décembre. Et d’ici là je me consacre à ma tâche de Président de la République.
Mais cela exprime un doute fort chez vos proches…
Je peux entendre les doutes et les impatiences, mais mon devoir, avec le gouvernement de Manuel Valls, est d’avancer et d’agir sans relâche pour les Français et notamment pour faire baisser le chômage.
Ce doute est plus fort qu’à l’encontre de vos prédécesseurs ?
Aucun de mes prédécesseurs n’a été réélu, sauf situation de cohabitation. Depuis 2012, notre pays a été confronté à de nombreuses épreuves. J’ai fait face à de nombreuses crises, celle de la zone euro au début à celle des réfugiés aujourd’hui. Nous avons affronté des attaques terroristes sans précédent qui ont endeuillé notre pays et qui nous ont obligés à renforcer notre législation et à augmenter les moyens de nos armées et ceux de nos forces de police et de gendarmerie. Je n’ai eu aucun répit.
Mais j’ai toujours tenu bon. Ce qui me mobilise, ce sont les Français, leur sécurité, leur emploi et l’avenir de leurs enfants. Et ce qui justifie mon déplacement à Florange, c’est de montrer que nous sommes capables de surmonter les difficultés. Je veux que les Français sachent que leur pays peut réussir.
il est vraiment coccasse