Le parquet a requis mercredi trois ans de prison ferme à l’encontre de l’ex-ministre du Budget Jérôme Cahuzac pour fraude fiscale et blanchiment, estimant que c’était le juste prix de la « trahison » pour avoir « sacrifié tous les principes pour l’appât du gain ».
La procureur Eliane Houlette a aussi demandé une peine d’inéligibilité de cinq ans contre l’ex-étoile montante de la galaxie socialiste, ancien maire et ancien député, qui a « trahi tous ses serments ». Elle a requis deux ans de prison ferme à l’encontre de Patricia Cahuzac, qui a « surpassé » son mari « dans la dissimulation de ses avoirs au fisc ». « Le seul élément qui distingue vos situations, c’est que lui était ministre », a-t-elle lancé.
L’ancien héraut de la lutte contre l’évasion fiscale, à l’origine du plus retentissant scandale du quinquennat, est jugé depuis le 5 septembre devant le tribunal correctionnel de Paris pour ses comptes cachés à l’étranger, au côté de son ex-épouse et de leurs anciens conseillers, le banquier François Reyl et l’homme d’affaires Philippe Houman.
A l’encontre du banquier suisse et de l’intermédiaire, accusés d’avoir « organisé l’opacité » des avoirs, passés de Suisse à Singapour via des sociétés offshore, le parquet a requis 18 mois de prison avec sursis et 375 000 euros d’amende. Contre la banque Reyl, qui a « mis sa technicité au service » de la fraude, il a demandé 1,875 million d’amende et une interdiction d’exercer toute activité bancaire en France pendant cinq ans.
Pendant dix jours, le procès a mis à nu les secrets bancaires d’un couple dans la tourmente, « conscient de l’illégalité » de montages toujours plus sophistiqués. Patricia et Jérôme Cahuzac ont reconnu une fraude « familiale », une plongée dans l’opacité offshore comme une fuite en avant, mais nié avoir construit « un système organisé ».
« Vie familiale enracinée dans la fraude »
Au contraire, le procureur Jean-Marc Toublanc a dénoncé « l’organisation d’une vie familiale enracinée dans la fraude pendant 20 ans »: « à aucun moment il n’y a eu une prise de conscience. Pas même quand Jérôme Cahuzac devient président de la commission des Finances de l’Assemblée nationale » en février 2010 et « se fait remettre 20 800 euros en espèces sur le trottoir parisien ». Jusqu’au bout, Jérôme Cahuzac a ménagé ses effets. Mardi, il a affirmé n’avoir « pas menti au président les yeux dans les yeux » car François Hollande ne lui avait « jamais demandé » s’il avait « oui ou non un compte à l’étranger ». L’Elysée a démenti.
Dès le premier jour, il avait fixé une nouvelle ligne de défense, affirmant à la surprise générale avoir ouvert un premier compte à l’Union des banques suisses (UBS) de Genève en 1992 par l’intermédiaire d’un ami pour « financer les activités politiques » de feu Michel Rocard. Une stratégie risquée au procès du mensonge, celui d’un homme enferré dans ses secrets et dont la « vérité » sera jugée « sur pièces », comme l’a prévenu le président Peimane Ghaleh-Marzban.
Au fil des jours, l’ex-ministre s’est expliqué sur les circuits de l’argent: l’ouverture dès 1993 d’un compte en son nom propre chez UBS, nom de code « Birdie ». Compte très vite géré par la banque Reyl, qui organise en 2009 le transfert de tous les avoirs – quelque 600 000 euros – à Singapour, via des sociétés offshore au Panama et aux Seychelles. La banque Reyl a nié toute « volonté d’opacité », assurant n’avoir répondu qu’au désir de « confidentialité accrue » du client.
Patricia Cahuzac a décrit une fraude familiale bien rodée: « De même que je savais qu’il y avait un compte en Suisse – sur lequel j’avais procuration -, le compte à Man était pour nous deux, à nos deux noms », a dit l’ex-épouse. « On était très conscients de l’illégalité de tout cela ». Le couple de médecins versera aussi, de 2003 à 2010, des chèques de patients de leur clinique d’implants capillaires sur les comptes de la mère du chirurgien gagné par le virus de la politique.
A eux deux, les Cahuzac ont subi un redressement majoré d’environ 2,5 millions d’euros. Quand l’affaire éclate en décembre 2012, Jérôme Cahuzac, qui a « peur de tout perdre », nie. Il finira par démissionner le 19 mars 2013, par avouer le 2 avril. Trois ans et demi plus tard, il assume « une faute impardonnable » et assure qu’à 64 ans, sa « vie politique est terminée ».
Le Quotidien/afp