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France : au Parlement comme dans la rue, la bataille des retraites s’accélère


Les motions de censure doivent être déposées moins de vingt-quatre heures après le déclenchement de l'article 49.3. Soit avant vendredi en milieu d'après-midi. (Photo AFP)

Après le déclenchement du 49.3 décidé par Emmanuel Macron sur la réforme des retraites, le gouvernement doit composer avec une crise politique: les oppositions vont déposer vendredi des motions de censure et de nouvelles manifestations sont annoncées, les leaders syndicaux mettant en garde contre de possibles « débordements ».

Jeudi soir, en « colère » ou « révoltés », plusieurs milliers de manifestants se sont rassemblés dans diverses villes de France, des manifestations émaillées de tensions et d’incidents. Un peu plus tôt, l’exécutif a opté pour la « grosse Bertha », selon l’expression du sénateur LR Bruno Retailleau: l’article 49.3 de la Constitution.

Cette procédure, déclenchée pour la 100e fois dans l’histoire de la Ve République –la 11e pour Élisabeth Borne–, permet l’adoption du texte sans vote à l’Assemblée, sauf si une motion de censure venait à renverser le gouvernement.

Le Rassemblement national doit déposer sa motion vendredi. Le groupe des députés indépendants Liot projette également de déposer une motion de censure « transpartisane », particulièrement surveillée par l’exécutif, même si la barre de la majorité absolue pour faire chuter le gouvernement paraît difficile à atteindre.

Plusieurs milliers de manifestants

Les motions de censure doivent être déposées moins de vingt-quatre heures après le déclenchement de l’article 49.3. Soit avant vendredi en milieu d’après-midi.

Une fois déposées, elles ne peuvent pas être débattues avant quarante-huit heures. Soit pas avant dimanche. « Un vote aura bien lieu, ce lundi », a avancé le secrétaire général du parti présidentiel Renaissance, Stéphane Séjourné.

En attendant, l’annonce du 49.3 a ravivé les oppositions, mais aussi la contestation dans la rue : les forces de l’ordre sont intervenues jeudi soir pour évacuer la place de la Concorde où s’étaient rassemblés plusieurs milliers de manifestants. A 23h30, 217 personnes avaient été interpellées, selon la préfecture de police.

« Tout le monde grogne mais ça manque d’action »

Des incidents ont aussi éclaté à Rennes, Nantes, Amiens, Lille ou encore Grenoble. A Marseille sur la Canebière, des jeunes masqués ont fracassé la vitrine d’une agence bancaire et un panneau publicitaire tandis que d’autres ont mis le feu à des poubelles aux cris de « à bas l’Etat, les flics et le patronat », a constaté un journaliste de l’AFP.

La patronne des députés Renaissance Aurore Bergé a demandé jeudi soir au ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin de « mobiliser les services de l’Etat » pour la « protection des parlementaires » de la majorité.

« Je m’étais dit qu’ils respecteraient un peu la démocratie. A priori je suis très naïve donc j’ai été surprise, je croyais qu’ils n’allaient pas oser user du 49.3 », a protesté Karen Mantovani, manifestante à Grenoble. « Tout le monde grogne mais ça manque d’action », a-t-elle regretté, se disant « révoltée ».

Règlements de comptes

L’intersyndicale a appelé à « des rassemblements locaux de proximité » ce week-end ainsi qu’à une neuvième journée de grèves et de manifestations le jeudi 23 mars.

Les syndicats ont dénoncé un passage « en force » et « mesurent avec gravité la responsabilité que porte l’exécutif dans la crise sociale et politique qui découle de cette décision, véritable déni de démocratie ».

Dans un communiqué distinct, le syndicat étudiant L’Alternative a appelé les étudiants à tenir des assemblées générales dès vendredi « pour bloquer leurs lieux d’études » et « à se rapprocher des secteurs en grève, à repérer et bloquer les axes routiers, les gares, les ports et aéroports à proximité pour soutenir les travailleurs ». Plusieurs responsables syndicaux dans les secteurs du transport et de l’énergie ont par ailleurs mis en garde contre de possibles « débordements » ou « actions individuelles » de salariés de la base.

A l’Assemblée, l’heure est aux règlements de comptes. D’abord au sein des Républicains, dont les divisions sur ce texte –pourtant façonné par leurs collègues LR du Sénat– ont lourdement pesé sur la décision de l’exécutif. Mais aussi au sein de la majorité, où le 49.3 risque de laisser des traces.

« Il faut une dissolution »

A droite, le président du parti Eric Ciotti a assuré jeudi que les députés LR ne s’associeraient ni ne voteraient « aucune motion de censure ». Avant d’être contredit quelques minutes plus tard par le député LR Aurélien Pradié, en pointe parmi les frondeurs sur ce texte.

« Nous avons un problème de démocratie parce que ce texte, qui va changer la vie des Français, va être adopté sans qu’il y ait eu le moindre vote à l’Assemblée nationale », a déclaré le député LR auprès de BFMTV. « Que chacun mesure la gravité de la situation et le risque de rupture démocratique qu’il y a dans notre pays ».

Des députés « abasourdis »

Dans la majorité, l’amertume était palpable, notamment chez les alliés de Renaissance. « C’était une erreur de faire le 49.3 sur un texte comme ça vu l’état de notre démocratie. Il fallait aller au vote, quitte à perdre. Je suis sous le choc », a réagi le député MoDem Erwan Balanant. La situation « s’approche de la crise de régime ».

Certains élus macronistes ne cachent pas aussi leur incompréhension. A une réunion Renaissance peu avant l’officialisation du 49.3, les députés étaient « abasourdis », selon un participant.

Pour un responsable du groupe majoritaire, sous couvert d’anonymat, « c’est un crash. Il faut une dissolution ». Une hypothèse évoquée mercredi soir à l’Elysée par le chef de l’État… avant le 49.3.

Un commentaire

  1. Pour la première fois, Macron a avoué la raison fondamentale de cette réforme et de son apparente fermeté: les créanciers de la France l’exigent.
    Or, quand on a 3000 milliards de dettes, on écoute ses créanciers.