René Flenghi, capitaine des Red Boys qui ont affronté le grand Milan AC en 1972, il y a 50 ans, est le tout premier invité de la nouvelle rubrique de l’équipe des sports du Quotidien : «C’était mieux avant».
Ce samedi, l’entraîneur Marc Boreux ainsi que les onze joueurs encore vivants de cette double confrontation (6 septembre 1972 à Oberkorn, 27 septembre à San Siro), se retrouveront à 16 h afin de déposer une gerbe au Thillenberg, à la mémoire de leurs coéquipiers disparus.
René Flenghi, Gabriel Christopher, August Klein, Johny Kirsch, Bruno Girardin, Erhard Berkefeld, Julien Wampach, Jim Goerres, Fernand Giacomini, Marcel Klein et Louis Chiuminato, héritiers de ces deux défaites (1-4, 3-0) face aux Rossoneri de l’illustre Gianni Rivera, déposeront des fleurs pour ceux qui ne sont plus là : Marcel Barthel, Gilbert Dussier, Bizzi Klein, Jeannot Lamberty, Jean Calmes, Jean Welter et Lionello Carlevaris. Avant cette réunion d’anciens combattants, nous avons croisé leur capitaine, qui a remué le passé.
Quel est le joueur le plus fort avec lequel vous ayez évolué?
René Flenghi : Sans hésiter Bizzi Klein! Il y a eu un moment où le Stade de Reims (NDLR : alors en D1 française) le voulait et avait même envoyé des émissaires pour lui proposer un contrat. Ils étaient là, au stade, quand nous avons affronté le Milan AC et qu’il a inscrit notre seul but, pleine lucarne. Mais quand ils lui ont proposé, il s’est retourné vers nous et a dit « non, je viens boire des chopes avec vous au café« . C’était son caractère…
Quand je pense qu’après il a joué sous les ordres de Ferenc Puskas aux États-Unis (NDLR : aux Vancouver Royals). Il en était revenu avec une grande voiture américaine qu’il a dû revendre après six mois parce qu’il n’avait plus d’argent… C’est le seul joueur que j’aie jamais vu se faire applaudir par un gardien – François Magnani, de The National – après lui avoir mis un but tellement c’était beau.
Ses faits d’armes
René Flenghi, embrigadé très jeune aux Red Boys, a passé 13 années au plus haut niveau, cumulant 218 matches de Division nationale, conquérant au passage une Coupe en 1972. Le défenseur en a profité pour disputer 8 matches européens (dont le Milan AC et l’Olympique lyonnais) et engranger 37 sélections avec les Roud Léiwen, affrontant notamment les Pays-Bas, la Belgique, l’URSS ou l’Italie.
Et le plus fort que vous ayez affronté?
Oh et bien là, sans aucun doute, Johan Cruyff (NDLR : en 1971)! Je me suis retrouvé directement face à lui et pendant une mi-temps, j’ai réussi à tenir. Mais en deuxième, ce n’était plus possible. Physiquement, il était trop fort, je n’ai jamais vu quelqu’un aller aussi vite avec un ballon. Il réagissait plus vite que les autres et c’était impossible de faire une individuelle sur lui. À un moment, il dribble trois joueurs, élimine le gardien et pense marquer, mais je l’ai sauvée sur la ligne. Je l’ai clairement entendu dire « merde« . Il ne pensait pas que je la sortirais!
Je suis croyant, mais je n’aurais jamais pensé que la place d’un prêtre était dans un vestiaire
Quel aura été votre déplacement le plus fou?
Mon tout premier en sélection : Malte! Parce qu’on est allés chercher le match nul (NDLR : 1-1, en janvier 1970) mais surtout parce que dans le stade, il y avait un truc curieux : un double grillage. Et au milieu, entre les deux grillages, il y avait six policiers à cheval qui patrouillaient le long des tribunes. On a compris pourquoi en voyant que les supporters étaient si chauds. Ils lançaient des pièces de monnaie sur l’arbitre. Il a fini par se baisser, en ramasser une et la mettre dans sa poche. Encore que, pour revenir à Milan, je me rappelle ce déplacement à San Siro : il y avait une piscine dans le vestiaire! Une vraie piscine! On pouvait tous y entrer! Toute l’équipe!
Quel est votre meilleur souvenir footballistique?
Il est lié à un résultat : un 0-0 en Yougoslavie (NDLR : en 1971), qui venait d’être finaliste de l’Euro-1968. Maintenant, si toutes les balles qui sont passées au ras des poteaux étaient rentrées, alors on aurait perdu 6-0. C’était à Titograd, un endroit où il était très difficile d’obtenir quelque chose à manger, surtout au petit-déjeuner.
Et le pire?
Je ne dirais pas le pire, mais le plus curieux : quand on est allé à Milan, on a visité leur centre d’entraînement et on a eu la surprise d’y découvrir qu’ils avaient un prêtre systématiquement aux côtés de l’équipe. Leur confesseur quoi. J’ai l’impression qu’il était très apprécié des joueurs, mais je me demande, du coup, s’il fallait être croyant pour jouer dans cette équipe. Je suis croyant, mais je n’aurais jamais pensé que la place d’un prêtre était dans un vestiaire.
Aujourd’hui
Après avoir arrêté sa carrière à 37 ans, après… sept années en tant qu’entraîneur-joueur (Pétange, Mamer, Oberkorn), René Flenghi est devenu arbitre pendant 25 ans. «Le terrain me manquait trop», sourit-il. Puis ce fut au tour des stades de lui manquer : il est depuis devenu superviseur d’arbitres et continue, à 73 ans, d’écumer les pelouses de DN afin de noter les hommes en noir.
Quel est le joueur le plus méchant avec lequel vous ayez joué?
Pas le plus méchant, mais le plus dur : Marcel Barthel. Il était dur, y compris avec lui-même, au point de se mettre en danger. Il ne ménageait pas son corps. Si bien qu’un jour, en déplacement à Ettelbruck, il s’est cassé la jambe… lui-même, en taclant. Il s’est un peu calmé après.
Votre plus grand fou rire au football?
Je n’ai jamais vraiment compris pourquoi, mais un de nos joueurs, un Français, Gabriel Christophe, aurait dû repartir de Milan en voiture, en 1972. Et nos dirigeants ne lui avaient donc pas pris de billet de train. Mais finalement, il est parti avec nous et quand on s’est retrouvés en France, le contrôleur a bien vu qu’il nous manquait un billet. Alors notre président de l’époque, Fernand Reckinger, m’a dit de noter le numéro qui était écrit sur sa casquette. Je crois qu’il a paniqué et qu’il a eu peur qu’on se plaigne de lui : quand il m’a vu faire ça, il a replié ses affaires et il a filé!
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