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Fond-de-Gras : le steampunk à toute vapeur!


(Photo : Tania Feller)

Le succès du steampunk et son élégant folklore ne se démentent pas. Preuve en est au Fond-de-Gras, une nouvelle fois théâtre de ce mouvement hors du temps.

Sous un épais nuage de fumée, le Train 1900, attractivité et fierté historique du Minett Park, crache par paquets d’étranges figures, comme débarquées d’une époque ancienne. Il y a là des hommes bien mis en redingote, des femmes en corsets et dentelle, et toute une panoplie de personnages d’un autre temps, fictifs ou tenant du mythe, comme une sorcière nommée Brigitte, venue selon ses dires «envoûter» l’endroit avec ses sortilèges et ses fioles magiques. Il lui faudra toutefois du courage pour ébranler la Steampunk Convention «made in Luxembourg», manifestation enracinée au Fond-de-Gras depuis 2011, et dont le succès, à chaque édition, se confirme toujours un peu plus.

On est dans le futur d’un passé… qui n’a jamais existé!

Pour mieux saisir le mouvement, il faut déjà avoir l’œil aiguisé pour tomber sur un maigre panneau pédagogique sur lequel apparemment seuls les néophytes se penchent. On y apprend ainsi que le nom est une contraction du mot anglais «steam» (pour vapeur) et de «punk» (pour l’univers cyberpunk), et que les deux instigateurs bien involontaires sont deux écrivains célèbres : Jules Verne et H.G. Wells. On est donc à la croisée de l’Histoire et de l’imaginaire ou mieux, selon la formule préférée et empruntée à Frédéric Humbel, coordinateur général du lieu et instigateur du rendez-vous, dans «le futur d’un passé… qui n’a jamais existé!».

Des costumés qui prennent la pause

Si l’on met de côté les définitions lâchées au gré des rencontres sur place – «cosplay», «rétrofuturisme», «réalité alternative» – disons, pour faire simple, qu’à partir de la littérature de science-fiction du XIXe siècle s’est forgée toute une communauté qui apprécie les beaux habits de facture classique, période victorienne, sur lesquels se greffent des accessoires (parlons même de fétiches) comme des masques, des lunettes d’aviateurs (goggles) ou encore de petites roues dentées en pagaille (clockwork). Les tromblons répondent ici aux ombrelles, les chapeaux melon aux amples robes colorées, tous portés par des fans de machines et défenseurs d’un monde dans lequel le pétrole n’aurait pas existé.

Concrètement, alors que le train parti de Pétange s’arrête dans un fracas métallique et déverse sur le quai cette foule bariolée, on a l’impression d’être dans la reconstitution filmique et burlesque des Mystères de l’Ouest, avec Will Smith et Kevin Kline dans la peau du fameux Artemus Gordon, inventeur cocasse (Wild Wild West, 1999). Sauf qu’au Fond-de -Gras, les deux hommes, avec Salma Hayek, éviteraient les cascades et prendraient la pause devant chaque appareil. C’est même le jeu favori de cette convention, entre les amateurs costumés et ceux qui ne le sont pas : les premiers, élégants, s’arrêtant à tout bout de champ pour plaire aux seconds et aux algorithmes d’Instagram.

Vêtements faits main et surnoms à rallonge

De quoi faire au passage les affaires de Marilyn, dite «Lady», confectionneuse de vêtements rencontrée sur l’un des cinquante stands présentés au Minett Park, transformé pour le coup en un vaste marché où se répondent des accessoires en tout genre, dessins, bijoux, livres et moult objets ésotériques. La Vosgienne est conquise : «Je viens avec plaisir tous les ans depuis 2017», année où elle reconnaît avoir découvert que de tels festivals existaient. «Il y a toujours du monde, des connaisseurs aux novices, tous sympathiques!» Et pour les portefeuilles les moins garnis (il faut dire que sur certaines échoppes, les prix piquent les yeux, «fait main» oblige), «on peut revenir tous les ans» et ainsi «compléter son costume».

Celui de Frank (au surnom à rallonge, très courant dans le milieu), est déjà rodé, lui qui fréquente depuis quelques années, chez lui à Lyon, le festival Yggdrasil dit des mondes de l’imaginaire. Avec son écriteau publicitaire qu’il porte sur les épaules (visible à la ronde), il se définit comme un «détonniste éparpilleur». Un peu obligé, il précise : «Je suis artisan en explosifs. Disons que je règle les problèmes de manière expéditive!», selon un adage qui lui est propre : «Pourquoi jeter la pierre à son voisin quand on peut lui lancer une grenade?». Moins rompu à l’exercice, Thomas se présente, casque de plongée très DIY (Do It Yourself) visé sur la tête, comme le capitaine Victor Hublot. Un scaphandrier promis à des débuts «fracassants», soutient son ami dans un rire.

Le «décor» parfait du Fond-de-Gras

Régulièrement coupé par les départs et arrivées de locomotives, le rassemblement patiente dans plusieurs langues, preuve, selon les organisateurs, que la convention grand-ducale est l’une des plus prisées d’Europe, toutefois derrière l’Angleterre où la communauté est «importante» et «en avance». Les chiffres ne mentent pas : en 2011, lors de la première, on comptait 600 participants. Dès lors, on est aux alentours de 10 000, répartis sur deux jours et sur un site qui a atteint ses limites en termes d’exploitation. Parmi les raisons du succès, beaucoup évoquent d’ailleurs le «décor» parfait du Fond-de-Gras et ses nombreux fantômes industriels, clairement dans le ton et l’esprit.

Pour compléter cette réussite, le voyage tout en rêve et fantaisie, sous les sonorités de rock allemand ou d’orgue de Barbarie, se fait dans un généreux brassage de générations, les jeunes comme les plus âgés se prenant communément au jeu, dévoilant tatouages, barbes taillées, maquillage clinquant et autres ustensiles médiévo-fantastiques avec les mêmes légèreté et authenticité. Dommage que les affiches des prochaines élections législatives, disséminées sur le parcours, rappellent la dureté de la réalité. Celle d’un XXIe siècle «dont on se passerait bien», clame Clara, la trentaine apprêtée. Raison de plus pour soutenir une manifestation en plein boom («en plein boum», rectifie Frank), de prendre rendez-vous l’année prochaine et de se glisser, une nouvelle fois, dans la faille spatio-temporelle.

 

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