Les acteurs du secteur médical ont listé les actions nécessaires pour améliorer la prise en charge des patients en fin de vie. Le gouvernement s’engage à suivre leurs recommandations et à adapter le cadre législatif.
Si l’euthanasie et le suicide assisté sont autorisés au Luxembourg depuis 2009 – encadrés par trois lois qui englobent soins palliatifs, accompagnement de fin de vie et droits des patients –, sur le terrain, les professionnels de santé restent confrontés à des difficultés au quotidien pour appliquer ces dispositions.
La prise en charge de la fin de vie, proposée dans différentes structures et milieux, n’est en effet pas gérée de la même façon par tous les prestataires, chacun ayant sa propre conception. De l’avis des acteurs du monde médical mandatés par le ministère de la Santé pour plancher sur le sujet, il est donc urgent d’homogénéiser les règles en vigueur.
Après des mois de concertation, ils ont listé leurs recommandations dans un plan national à dérouler sur trois ans, et le gouvernement a d’ores et déjà annoncé qu’il suivra cette feuille de route.
Une bonne nouvelle pour le docteur Jean-Claude Schmit, qui a présidé les travaux du comité de rédaction : «C’est un sujet compliqué et délicat à aborder, qui a suscité par le passé une forte opposition. Mais ces dernières années, les mentalités ont changé. Le comité s’est aussi rajeuni et s’est montré plus ouvert. On a pu avancer sereinement», explique-t-il.
Le plan couvre de nombreux axes à travailler. L’information au public tout d’abord, avec une semaine de sensibilisation, une brochure – Ma volonté en fin de vie, disponible en ligne – qui détaille toutes les options possibles, et l’incitation à désigner en amont une personne de confiance. «On constate souvent que les familles sont perdues dans ces moments-là et ne sont pas d’accord sur les décisions à prendre. Mieux vaut avoir choisi au préalable qui sera responsable», souligne le médecin.
Les professionnels pointent aussi le besoin de formation, à tous les niveaux, y compris pour les aidants, maillons essentiels de la chaîne de soins. «Lors des études de médecine, la fin de vie est abordée peut-être une heure à peine, ce qui est bien sûr insuffisant, donc il y a une réflexion à mener en termes de formation continue.» Une meilleure supervision clinique est évoquée, pour soulager les personnels de leur lourde charge émotionnelle, notamment via des groupes de parole.
Des soins palliatifs ouverts aux mineurs
Très attendue et promise par l’accord de coalition gouvernemental, la création d’une offre de soins palliatifs destinée aux mineurs fait partie des recommandations du comité, qui propose la mise en place d’une équipe mobile de la Kannerklinik permettant d’assurer les soins nécessaires au plus près de l’enfant, et prône par ailleurs un accompagnement sur le long terme pour les jeunes atteints de maladie rare ou de handicap.
Du côté de l’accès à l’euthanasie, le comité note que trop peu de médecins acceptent de la pratiquer actuellement et défend la simplification des démarches pour transférer la demande du patient en cas de refus. Enfin, pour fluidifier la sortie des produits médicamenteux nécessaires du milieu hospitalier, les professionnels recommandent de s’inspirer du modèle français qui fonctionne bien.
34 euthanasies en 2022
L’an passé, 34 euthanasies ont été pratiquées au Luxembourg, un niveau record depuis la dépénalisation en 2009. La plupart de ces patients étaient atteints d’un cancer ou d’une maladie neurodégénérative. Des chiffres encore loin des autres pays autorisant cette pratique, et c’est le manque d’information qui semble être en cause : «Certains patients ne savent même pas que c’est autorisé», note le docteur Jean-Claude Schmit.
Parmi les 4 000 décès enregistrés en 2021 dans le pays, 95 % étaient dus à des cancers et des maladies de l’appareil circulatoire. Avec le vieillissement de la population, le nombre de cas de démence est, lui, en forte hausse, et les experts prévoient qu’il va doubler d’ici 25 ans. Les soins palliatifs sont aujourd’hui proposés dans les hôpitaux, au Haus Omega, dans les hébergements pour personnes âgées, et à domicile. Le pays n’autorise pas l’euthanasie ou le suicide assisté pour les mineurs – contrairement à la Belgique ou aux Pays-Bas –, les personnes atteintes de handicap mental, de démence ou de troubles cognitifs.