Sept concerts et deux activités jeunesse, le tout tourné vers les musiques lusophones : c’est Atlântico, le nouveau festival imaginé par la Philharmonie, qui se déroulera du 8 au 15 octobre. À ne pas rater.
Du jazz, de la musique populaire brésilienne, du fado, de la morna, des spectacles pour enfants… Atlântico se veut le pendant «jazz/world music» de Rainy Days, le festival de musique contemporaine de la Philharmonie.
Autrement dit, un moment spécifique dans la pléthorique saison de la salle du Kirchberg dédié quasi entièrement à ces styles musicaux. Pour compléter le tableau, les responsables ont décidé de célébrer, à cette occasion, les musiques lusophones. Dans un pays comme le Luxembourg, ça fait sens, comme l’explique le programmateur, Francisco Sassetti.
Le Quotidien : Le festival Atlântico est une nouveauté pour la Philharmonie. Mais un festival de musiques lusophones au Luxembourg, le plus étonnant dans le fond, c’est qu’il n’y en avait pas jusque-là, non?
Francisco Sassetti (Senior Manager – Artistic Planning Jazz & World Music) : Précisément! Il y a deux dimensions dans la décision de faire ce festival. Une regarde la programmation interne : on s’est dit que, même si on a des cycles d’abonnement, ça pouvait être bien de prévoir un moment dans la saison, particulièrement dédiée au jazz et aux musiques du monde. Un peu comme le Rainy Days pour la musique contemporaine. Quand on a commencé à chercher à mettre ça en place, c’est assez naturellement qu’on est venus à la conclusion que le thème devait porter sur les musiques lusophones car quelque 20 % de la population luxembourgeoise est d’origine portugaise, brésilienne, cap-verdienne, etc.
Ça tombe bien, vous êtes portugais…
…Oui, mais l’idée vient de notre directeur général, Stephan Gehmacher. Mais c’est vrai que ça tombe bien que je sois portugais pour mettre le festival en place. Mais encore une fois, je trouve tout à fait logique qu’il y ait, à la Philharmonie, c’est-à-dire un établissement public, un moment, non pas dédié – parce que ce n’est pas un festival pour les communautés lusophones, mais au contraire, une manifestation ouverte à tous les publics avec du jazz, de la world music, des évènements jeune public, etc. – mais qui célèbre les cultures et les traditions musicales lusophones.
Expliquez-nous ce nom, Atlântico…
L’océan Atlantique est ce qui relie ces pays : Portugal, Brésil, Angola et Cap-Vert. Bon, il y a l’aspect historique aussi qui en a fait des pays lusophones – avec la colonisation qui n’a pas toujours été très positive, mais on ne va pas refaire l’histoire; il y a aussi cette langue, avec ses différents accents, qui est peut-être même plus grande et plus vaste que ses différentes communautés et des frontières. La musique, chantée surtout, nous apporte justement cette dimension très intéressante.
Après, pour revenir à votre question, il existe également ce côté, disons très poétique du paysage. Le Portugal, le Brésil et l’Angola, en tout cas pour leurs zones côtières, et le Cap-Vert pour son entièreté, ce sont des pays qui ont toujours un œil tourné vers l’océan Atlantique et vers l’autre côté de celui-ci, en tout cas dans son côté lusophone. Les pays et les sociétés sont très différents de nos jours, mais en même temps complètement liés. C’est ce côté à la fois géographique et poétique de l’Atlantique qui nous a intéressés au moment de chercher un nom pour le festival.
Le festival dure une semaine, propose du fado, bien sûr, mais aussi de l’afro-pop, du cante alentejano, de la musique populaire brésilienne, du folk, du jazz, de la musique cap-verdienne et même des spectacles pour les tout-petits… Bref, il ne manque que la musique classique. Il n’y en a pas dans le monde lusophone?
Évidemment qu’il y a de la musique classique lusophone, mais pour cette première édition du festival, on a voulu se concentrer sur le jazz et les musiques du monde.
Waldemar Baston vient d’Angola, Antonio Zambujo est portugais, comme Julio Resende ou encore le groupe Dead Combo, Moreno Veloso est brésilien, comme Maria Gadù, tandis que Mayra Andrade est cap-verdienne… Comment avez-vous choisi ces artistes? Par rapport au style? À la nationalité?
Bon, en dehors des aspects pratiques pas très intéressants : il faut que l’artiste soit disponible, qu’il ait un projet intéressant, qu’on puisse aussi intégrer ses concerts dans les différents abonnements de la Philharmonie, etc… On voulait avoir, pour la programmation de ce festival, une ou deux personnalités majeures de ce monde lusophone : le premier c’est Antonio Zambujo, de nos jours, peut-être le meilleur musicien portugais de musiques traditionnelles, fado et cante alentejano; puis Mayra Andrade, une des très grandes jeunes voix du Cap-Vert. Après, l’autre idée du festival c’est de créer des ponts ou du moins encourager les artistes à les créer…
Effectivement, il y a plein de « special guests », des concerts en commun, etc.
Il y avait déjà cette idée dans le choix de certains projets. Mayra Andrade, par exemple, est une chanteuse cap-verdienne, mais née à Cuba, qui a vécu au Sénégal et à Paris… Bref, elle chante en portugais, mais c’est une chanteuse du monde. Antonio Zambujo a, lui, invité Marcello Gonçalves, qui n’est pas très connu ici, mais qui est un très grand guitariste de sept cordes – une tradition brésilienne – qui a d’ailleurs participé au dernier album de Zambujo dédié à Chico Buarque.
Autre pont logique, Julio Recende-Moreno Veloso avec le Portugal, d’un côté, le Brésil, de l’autre, le jazz, d’un côté, la musique populaire brésilienne, de l’autre… Moreno Veloso est non seulement le fils du mythe de la musique brésilienne, Caetano Veloso, mais aussi une des voix les plus remarquées de la jeune scène brésilienne. Autre pont : Mayra Andrade et Maria Gadù, qui était au Luxembourg il n’y a pas très longtemps, mais que Mayra tenait à avoir à ses côtés.
Et ces artistes partagent la scène ou c’est une première partie et puis le concert principal?
Non. C’est un concert où Zambujo et Mayra ont, en invité spécial, respectivement Marcello Gonçalves et Maria Gadù sur quelques thèmes pour des duos spéciaux, sur proposition de la Philharmonie. Resende et Veloso, par contre, c’est un peu différent, dans le sens où c’est un projet préexistant, avec une dramaturgie prévue pour tous les deux.
Vendredi 14 et samedi 15 octobre, il y a, en plus, des doubles soirées, avec un concert à 20 h et un second à 22 h…
Effectivement. Vendredi, il y aura Mario Laginha Trio, un grand nom du jazz portugais, avec là encore un invité spécial, le saxophoniste Julian Argüelles qui est britannique – car les invités ne devaient pas nécessairement être des artistes lusophones! Ce sera donc un pur concert de jazz avec juste une petite tonalité lisboète. Après, dans l’espace découverte, il y aura Dead Combo, un groupe de Lisbonne lui aussi, un peu underground, sombre, avec une ambiance très cinématographique.
Ce sera une ambiance très différente, plus club, avec très peu de places assises, des tables hautes, la possibilité de boire un verre. Samedi, après le concert de Mayra Andrade, il y aura dans le Foyer le trio Fala Brasil. Un concert, gratuit celui-là, de ce groupe luxembourgeo-brésilien qui, non seulement, rappelle que le Grand-Duché fait désormais aussi partie de la lusophonie – pas officiellement bien sûr –, mais qui sert aussi de grande fête de fin de festival. Un concert informel et relax avec les gens qui sortent du grand auditorium, mais aussi des personnes qui peuvent venir de l’extérieur sur ce coup-là.
Dead Combo / Lisboa Mulata
Et puis il y a ce spectacle, pour les 0 à 3 ans, From Renaissance to the Countryside – Portuguese Music for Babies . De quoi s’agit-il?
C’est un projet de mes collègues du département éducation, car la Philharmonie ne se résume pas qu’aux concerts traditionnels. Il y aura donc ce spectacle pour enfants et un atelier de body percussions. Le concert est un projet très intéressant sur la musique portugaise de la Renaissance pour bébés.
Il y aura finalement un peu de musique classique alors?
Oui, mais que pour les bébés et leurs parents (il rit) .
Pablo Chimienti
Festival Atlântico. Philharmonie – Luxembourg. Du 8 au 15 octobre. Infos sur www.philharmonie.lu
Trio Fala Brasil from Marc Hammer on Vimeo.