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Festival 33,7 à la Kulturfabrik : pour un plein de contemporain


Le festival qui se tiendra à la Kulturfabrik est une initiative d'United Instruments of Lucilin, collectif qui depuis plus de vingt ans défend la musique contemporaine. (Photo : Lucilin)

La musique contemporaine s’affiche en grand et avec aplomb à la Kulturfabrik, sous l’impulsion de Lucilin, pour deux jours non-stop de concerts, d’installations et de sessions d’écoute. De là à espérer être populaire?

Juste avant l’été, le compositeur français Raphaël Cendo s’offrait dans Le Monde une tribune incendiaire et piquante sur l’état de la musique contemporaine, à ses yeux sclérosée et trop éloignée des attentes du public. Dans la foulée, vingt-six jeunes compositeurs et compositrices lui rétorqueront qu’au contraire, elle foisonne d’idées et continue d’explorer de nouveaux chemins, sans se soucier des gardiens du temple (Stockhausen, Cage, Reich, Boulez…).

Certes, vue de loin, elle traîne souvent une allure radicale, faisant du pied à un public d’initiés, mais ce serait vite oublier toute la ressource de cet écosystème aux innombrables potentiels.

C’est sur cette abondance que mise United Instruments of Lucilin en cette rentrée, collectif qui depuis plus de vingt ans défend cette musique exigeante, son répertoire pour le moins panaché et ses artistes de l’ombre. Au Luxembourg et plus loin.

L’important, c’est de proposer quelque chose, sinon on ne fait rien!

«On aime tout et on assume!», dit le toujours souriant Guy Frisch, son codirecteur qui apprécie que la musique créée aujourd’hui émeuve, tranche et fasse réagir. «L’important, c’est de proposer quelque chose, sinon on ne fait rien!, clame-t-il. C’est notre mission». Qu’importe alors les moues désapprobatrices ou les postures intellectuelles de chaque camp : l’essentiel reste de créer et constituer «un répertoire» qui, régulièrement, sortira des tiroirs pour être joué.

2022 minutes, montre en main

Afin, comme le poursuit la codirectrice Florence Martin, que Lucilin soit à la «hauteur d’un ensemble national», il lui fallait un rendez-vous à la hauteur de ses prétentions. Ainsi, début 2019, l’idée d’un «concert géant» bourgeonne, avant que celle d’un festival ne la supplante, «sans vraiment qu’on s’en rende compte».

Un format pourtant parfait pour satisfaire cette envie de reconnaissance à domicile, favorisant en effet la curiosité, le divertissement et l’ouverture, et renvoyant par là même aux oubliettes tous les clichés (et aussi les vérités) qui pèsent sur la musique contemporaine.

Mieux, en enracinant ce projet estampillé Esch 2022 à la Kulturfabrik, lieu de tous les possibles, Lucilin ouvre grand les chakras et s’éloigne de la sacro-sainte Philharmonie (où a déjà lieu tous les ans en novembre le festival rainy days).

Bref, tous les éléments sont réunis pour afficher, en grand, avec aplomb et sans retenue, toutes ces bonnes intentions. «On veut montrer tout ce qui existe en musique contemporaine», clame Florence Martin qui, avec son équipe élargie à une trentaine de membres, ne se contente pas d’une simple formule.

Au point que les chiffres donnent le tournis : une centaine d’œuvres (dont seize en première mondiale) signées de quelque 62 compositeurs pour des concerts en pagaille (dans un court format de trente minutes), agrémentés d’installations interactives, de vidéos, de sessions d’écoute et même d’un bal! Un programme gargantuesque qui porte bien son nom : le festival 33,7 comme autant d’heures non-stop de musique – soit 2022 minutes, clin d’œil à l’année culturelle donc.

Cartographie du sud du pays

Histoire de ne pas s’éloigner de cette référence (et de l’un des partenaires financiers du festival), Lucilin a pensé cette manifestation, gratuite, comme une gigantesque cartographie représentant la mixité de population si caractéristique du sud du Luxembourg et de sa région voisine française.

La tête dans les statistiques, les calculs et autres tableaux Excel, voilà comment s’est élaborée l’affiche, englobant 122 nationalités avec une forte proportion, ça va de soi, de compositeurs locaux (quinze en l’occurrence), portugais et italiens. Une rare mixité, «massive» même, qui va squatter tous les recoins de la KuFa, terrier décidément insondable.

Dans ce généreux assortiment, on trouve des figures connues et appréciées au pays (Gast Waltzing, Camille Kerger, Roland Wiltgen, Pascal Schumacher) et d’autres, internationales, à la réputation établie (François Sarhan, James Dillon, Philippe Manoury).

On profite d’Esch 2022 pour attirer un public le plus large possible

Difficile, en outre, de dégager des temps forts dans un festival qui, justement, doit s’apprécier dans son ensemble, en dehors de deux moments uniques : la présence, à distance, d’Éliane Radigue, aujourd’hui 90 ans, pionnière française de l’électronique, à travers son hypnotique Ile Re-Sonante, ultime pièce composée au synthétiseur ARP2500. Et encore le «mashup» proposé par l’incontournable Francesco Tristano, qui condensera tout ce qu’il a entendu durant le festival en seulement 2022 secondes.

Un public difficile à caractériser

Guy Frisch résume : «Oui, ça va loin!», rigole-t-il, avec ce menu qui joue au «grand écart» entre musique classique, conceptuelle, électronique, expérimentale ou grand public.

À cela s’ajoute, enfin, un double appui, plutôt bienvenu : celui, d’abord, de la radio 100,7 qui, pour les insomniaques, prendra le relais sur les ondes dans la nuit de samedi à dimanche. Ensuite, celui de la plateforme Kultur | lx qui, dans une habitude éprouvée, invitera une délégation de professionnels étrangers pour apprécier la qualité de la création luxembourgeoise. Sans oublier le soutien, sur place, de médiateurs pour faciliter la transmission.

Malgré tout, il reste une question, insoluble aux yeux des organisateurs : qui écoute de la musique contemporaine au pays et à qui s’adresse le festival? Après une réponse facile – «aux mélomanes et aux curieux» –, Florence Martin enchaîne, sans langue de bois : «On ne fait pas une offre qui répond à une demande! On profite d’Esch 2022 pour attirer un public le plus large possible.»

En somme, proposer une «grande fête» subventionnée – sans risque financier majeur donc – censée attirer de nouveaux publics, dont les plus sceptiques. «Oui, c’est un vrai pari!» Guy Frisch prend le relais : «Pas sûr que l’on attirerait plus de monde si on avait décidé de faire ça à la Philharmonie.» Apparemment, l’audience reste toujours aussi difficile à définir que la musique elle-même. Restera toutefois ces commandes et créations, qui seront «réutilisées» plus tard cette saison. C’est toujours ça de pris.

Festival 33,7
Kulturfabrik – Esch-sur-Alzette.
Les 17 et 18 septembre.

Le festival en chiffres

33,7 heures de musique, soit 2022 minutes

33 projets sur 10 scènes

30 musiciens «live» et 20 artistes en coulisses

16 premières mondiales

Plus de 100 œuvres de 62 compositeurs

122 nationalités représentées

15 compositeurs du Luxembourg

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