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[Exposition] Des machines et des hommes


Chez Stéphane Halleux, chaque œuvre est exécutée avec le regard de l’artiste et le savoir-faire de l’artisan. (Photo : galerie schortgen)

Vingt ans après ses débuts, dix ans après l’Oscar, le créateur de Mr Hublot, Stéphane Halleux, présente à la galerie Schortgen un panorama de son univers dystopique et absurde.

Sept ans que Stéphane Halleux n’avait plus exposé au Luxembourg! L’artiste belge est de retour pendant un mois «là où (il est) né en tant qu’artiste», à la galerie Schortgen, pile-poil vingt ans après sa toute première exposition. Durant ces deux décennies, l’artiste n’a jamais cessé d’inventer de nouveaux archétypes de personnages et de les décliner sous différentes versions, ou dans différentes situations. Le plus célèbre d’entre eux, Mr Hublot, avait fait la fierté du Luxembourg quand, en 2014, le film dont il était le héros, réalisé par Laurent Witz et Alexandre Espigares avec les personnages de Stéphane Halleux, avait remporté l’Oscar du meilleur court métrage d’animation.

Le personnage phare de Stéphane Halleux est le grand absent de «Home Sweet Home», cette nouvelle exposition au titre on ne peut mieux approprié, mais on y retrouve tous ses frères, cousins, voisins et collègues, ainsi que des «artworks» et une collection de fausses publicités réalisés par l’artiste, pour un panorama in extenso de son univers.

Si c’est la galerie Schortgen qui fait office de «maison» pour Stéphane Halleux et ses œuvres, ces dernières avaient trouvé une place de choix en investissant de manière éphémère, en avant-première de l’exposition, la Halle des poches à fonte d’Esch-Belval, décor industriel à la fois familier et hors du temps. Les sculptures de chiens-robots dont la peau est en cuir, son Batman «steampunk» ou encore ses fonctionnaires, mallette à la main et coiffés de casques à la hauteur surdimensionnée en haut desquels est plantée une hélice, semblaient tous vivre ici. On entrait dans le haut fourneau comme on entrait chez eux. Du reste, n’était-on pas accueilli par Chesterfield, génial personnage au corps interminable et filiforme, assis jambes croisées dans le fameux fauteuil au cuir capitonné?

Dystopie et naïveté

Stéphane Halleux, né en 1972, a créé un univers empreint de science-fiction, mais dans lequel vivent des personnes on ne peut plus ordinaires. Influencé principalement par la pop culture américaine et les comics, son imaginaire renferme des traces de Jules Verne, d’Alan Moore mais aussi du cinéma de Tim Burton. Sans oublier Terry Gilliam, dont il a hérité du goût de l’absurde et de la représentation cynique du monde.

Le comptable, le représentant ou le fonctionnaire, personnages généralement acceptés comme barbants, sont devenus ses icônes, comme d’infinies itérations du Sam Lowry de Brazil, le film de Gilliam qui mettait en scène l’épopée de cet employé de bureau dans un monde totalitaire et rétrofuturiste. Dans le même ordre d’idées, une publicité propose «un comptable livré chez vous en 15 minutes» pour «8 bitcoins de l’heure seulement», si vous avez des difficultés à remplir vos déclarations d’impôt. Ailleurs, un formulaire pour des «abonnements démocratiques» à des magazines spécialisés (dans la robotique, la taxidermie, les armes…) est illustré par une photo de Stéphane Halleux, tout sourire, aux côtés de… Donald Trump. De l’humour belge, grinçant, et qui fait mouche.

L’impressionnante War Machine ou la Beauty Machine – que teste une dame obèse – sont les expressions les plus abouties de l’univers dystopique de l’artiste. Mais «Home Sweet Home» met aussi à l’honneur ses créations plus naïves, comme ce personnage en Vespa ou encore la sculpture de cet homme promenant son animal-robot de compagnie, intitulée avec beaucoup d’humour Goldman & Sachs. Puis il y a l’amour pour les véhicules, Monza City 61 et sa bécane que l’on enfourche couché sur le ventre, cette voiture monstrueuse qui semble être issue du croisement entre une Rolls-Royce et un dangereux animal marin…

L’histoire, sa «matière première»

Chez Stéphane Halleux, chaque œuvre est exécutée avec le regard de l’artiste et le savoir-faire de l’artisan. Mais le Belge précise qu’il est «maintenant entouré d’une équipe» qui a commencé à se former autour de lui il y a quelques années, notamment pour l’aider à travailler le cuir qui habille presque tous ses personnages. Réalisés seul ou à plusieurs, ses travaux restent époustouflants de précision, en particulier ceux qui incluent de la mécanique, les plus belles preuves de son effort d’orfèvre.

Face à la richesse des techniques et des matériaux employés, Stéphane Halleux assure que sa «matière première», ce sont les histoires qu’il invente pour chacun de ses personnages et qui seront la principale référence pour la réalisation de la sculpture. «Quand je fabrique un personnage, un fonctionnaire à hélice ou un expert-comptable, j’imagine sa vie, son environnement, son appartement, le trajet pour aller bosser…» Au bout de vingt ans, ces histoires mises côte à côte ont créé un univers désarmant d’originalité, d’humour et d’authenticité. Alors, même dix ans après l’Oscar, le cinéma n’est jamais très loin du créateur de Mr Hublot : récemment, il a créé les robots du court métrage belge Puzzle (Olivier Pairoux, 2018), avec Philippe Katerine, et le studio luxembourgeois La Fabrique d’images porte à l’écran son univers dans The Defects, un long métrage actuellement en production.

Jusqu’au 27 mai. Galerie Schortgen – Luxembourg.

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