Accueil | A la Une | Esch veut soutenir l’Ukraine avec un jumelage

Esch veut soutenir l’Ukraine avec un jumelage


Vendredi dernier, la commune a reçu une délégation de la ville de Stryï. Une visite qui devrait déboucher sur un jumelage. (Photo : ville d’esch-sur-alzette)

Le jumelage qui devrait bientôt naître entre la Métropole du fer et Stryï, près de Lviv, sera le premier du pays avec une ville ukrainienne. Pour l’ASBL LUkraine, ce n’est qu’un début.

Quel est le point commun entre Stryï, dans la région de Lviv en Ukraine, et Esch-sur-Alzette ? A priori pas grand-chose, pourtant les deux villes pourraient bientôt être jumelées. C’est le souhait du collège des bourgmestre et échevins de la Métropole du fer qui a reçu vendredi une délégation de Stryï à la demande de Nicolas Zharov, président de l’ASBL LUkraine

Bien sûr, la guerre qui ravage l’Ukraine est au cœur de cet engagement. «C’est un jumelage de soutien au peuple ukrainien qui subit l’agression Russe», explique Daniel Codello, coordinateur de la politique transfrontalière et européenne pour Esch-sur-Alzette. «La ville de Stryï qui compte 60 000 habitants est près de la frontière polonaise et reçoit beaucoup de réfugiés de tout le pays, elle a besoin d’aide humanitaire.» Et c’est bien ce que compte développer la deuxième plus grande ville du Luxembourg. «Derrière ce jumelage, il y a l’idée de multiplier l’aide», note Dan Codello. Les prochaines rencontres des édiles devront déterminer comment cela va se traduire concrètement.

La proposition de jumelage a été très bien accueillie côté ukrainien : «Ils étaient très contents», assure le coordinateur de la politique transfrontalière et européenne. Étant donné la situation, «toute aide, même symbolique en faveur de l’Ukraine, est bonne à prendre».

Lors de la rencontre, le bourgmestre Georges Mischo a réitéré le soutien d’Esch au peuple ukrainien à la suite de l’agression russe de février dernier et rappelé la solidarité unanime du conseil communal, exprimée dans une motion votée en date du 4 mars dernier. Un point de collecte a également été installé pour permettre de rassembler des dons de vêtements, médicaments et autres. Prochaine étape, le collège des bourgmestre et échevins proposera au conseil communal de signer un serment de jumelage avec la ville de Stryï lors de la séance du 17 juin. Dans les jours à venir, la commune de Stryï communiquera aussi la date à laquelle elle mettra le vote du jumelage à son ordre du jour.

«Nous espérons que cela va inspirer d’autres villes, d’autres responsables politiques», souhaite Daniel Codello. «Esch devrait être la première ville à franchir le pas.» Actuellement, «aucune ville du Grand-Duché n’est jumelée avec une commune d’Ukraine», confirme Nicolas Zharov. «Lydie Polfer veut un jumelage entre Luxembourg et Kiev, mais après la guerre. Il nous paraissait essentiel qu’un tel évènement ait lieu pendant la guerre, tout de suite.» Un acte symbolique qui véhicule un message de soutien. C’est pour cela que l’ASBL a servi de rôle d’intermédiaire et organisé la rencontre de vendredi avec une délégation composée notamment de Holod Yuriy, vice-président du Conseil régional de Lviv, Kanivets Oleh, maire de la ville de Stryï, et Claude Radoux, consul honoraire d’Ukraine au Grand-Duché de Luxembourg. «Nous travaillons en collaboration étroite avec les institutions gouvernementales ou non d’Ukraine», explique le président de l’ASBL.

Une autorisation spéciale pour quitter le pays

Et ce travail s’est fait dans des conditions pour le moins compliquées. «La loi martiale est toujours décrétée. Pour quitter le pays, les hommes ont besoin d’une autorisation spéciale.» La guerre ne permet pas de choisir n’importe quelle ville, d’ailleurs le choix idéal de l’association se portait sur la ville de Kryvyi Rih où ArcelorMittal est implantée depuis longtemps, faisant écho à l’histoire des Terres Rouges. La ville, qui se situe au sud-est, comprend un site métallurgique avec une mine de fer souterraine et à ciel ouvert et une unité de production intégrée d’acier. Habituellement, 26 000 personnes contribuent principalement à la fabrication des produits longs pour le bâtiment. L’activité y a cessé début mars pour des raisons de sécurité, même les hauts-fourneaux ont dû être mis à l’arrêt. L’ASBL a tout de même voulu trouver une ville de même grandeur. C’est le cas de Stryï, à l’ouest, dans une zone plus sûre qui reçoit des mouvements massifs de population et même des entreprises. Le partenariat devrait aller au-delà des simples villes en prenant effet dans les deux régions, pas seulement au niveau humanitaire, mais aussi niveau culturel, sur le le plan de la science et de l’éducation. Les universités de Belval et de Lviv pourraient ainsi créer des liens.

«C’est un premier pas pour une future coopération entre l’Ukraine et le Luxembourg», souligne Nicolas Zharov qui voit par ce biais l’opportunité de développer les possibilités économiques de l’Ukraine notamment au travers de l’import-export. «On voudrait organiser avec la Chambre de commerce une foire des entrepreneurs en partie en ligne.» Il pense notamment à l’approvisionnement de denrées qui manquent actuellement comme l’huile de tournesol. «Le marché luxembourgeois n’est pas très grand, alors on essaye d’attirer l’attention sur le Grand-Duché.» Ces projets prennent du temps à se mettre en place car l’urgence est ailleurs, dans l’aide humanitaire. LUkraine, composée uniquement de bénévoles, se consacre en ce moment principalement «à sauver des vies et aider les réfugiés».

Que ce soit l’ASBL ou la ville d’Esch, une chose est sûre, cette collaboration a vocation de perdurer bien au-delà de la guerre, quand ce ne sera plus la crise humanitaire qui dictera les besoins et que les Ukrainiens pourront se projeter plus sereinement dans l’avenir.

Les autres villes jumelles d’Esch

«Cette coopération s’inscrit dans le programme de solidarité et diversification des projets de jumelages de la ville d’Esch», explique Daniel Codello, coordinateur de la politique transfrontalière et européenne pour Esch-sur-Alzette.

Le jumelage de villes est une initiative qui date de la période de l’après-guerre et qui vise à créer des liens d’amitié et de solidarité à travers l’Europe, pour garantir la paix et favoriser la construction européenne. Les liens de jumelage se tissent souvent entre des villes qui se ressemblent, soit par leur taille ou par des liens historiques. C’est pour cette raison qu’Esch est déjà engagée dans des jumelages avec cinq villes industrielles, Cologne (Allemagne), Liège (Belgique), Lille (France), Rotterdam (Pays-Bas) et Turin (Italie). Le jumelage avec la ville portugaise de Coimbra est lui motivé par le nombre important d’habitants d’origine portugaise à Esch. Cinq autres villes font également déjà l’objet d’un jumelage avec la Métropole du fer, Puteaux (France), Velletri (Italie), Zemun (Serbie), Offenbach-sur-le-Main (Allemagne), Mödling (Autriche).

Le 4 mars 2022, la Ville d’Esch a voté un nouveau jumelage avec la ville de João Monlevade (Brésil). Trois semaines plus tard, le 21 mars 2022, une délégation de la ville de João Monlevade, a remis ses clés à Georges Mischo, bourgmestre. Cette clé a été réalisée avec de l’acier provenant de l’usine sidérurgique de la ville de João Monlevade. Il y a 100 ans, le géant sidérurgique implanté au Luxembourg, l’ARBED (aujourd’hui ArcelorMittal) inaugurait sa filiale brésilienne au cœur de l’État de Minas Gerais. À cette époque, le manque de main-d’œuvre qualifiée a provoqué l’exode de centaines de migrants luxembourgeois vers le Brésil.

La Ville d’Esch veut redynamiser son réseau de villes jumelées et créer de nouveaux liens avec des villes partageant les mêmes valeurs ou un passé commun.