Sans témoin des faits et malgré un témoignage poignant de la victime, Hamidou campe sur sa position. Il n’a pas fait basculer sa vie en la défenestrant. Il semble être le seul de cet avis.
Hamidou est accusé par son ex-épouse de l’avoir défenestrée. Le Guinéen de 57 ans prétend qu’elle a tenté de se suicider et que, sans lui, elle n’aurait pas survécu. «Elle a menti», accuse le prévenu, qui continue d’affirmer que la jeune femme de 40 ans «a sauté toute seule». Jeudi matin, il a tenu bon face aux questions répétées du président de la 12e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg. Hamidou réfute tout.
«Pour quelle raison est-elle passée par la fenêtre ?», reformule le président pour la troisième ou la quatrième fois. «Votre femme ne ment pas.» «C’est facile de m’accuser», répond le prévenu. «Je ne pense pas que son témoignage ait été facile. Je ne pense pas que son état actuel soit facile», s’emporte le juge en faisant référence au témoignage poignant de la victime présumée à la barre mercredi. «Vous n’êtes pas ici parce que vous lui avez sauvé la vie.»
Hamidou s’entête, se contredit. Tout le monde ment sauf lui. L’enquête a été mal menée.
L’audience précédente
➡ Un homme est accusé d’avoir défenestré son épouse à Bereldange
Le prévenu n’en démord pas : il est incapable d’avoir fait ce dont on l’accuse. «Je jure par Allah jusqu’à la fin du monde ne jamais avoir eu l’intention de lui faire du mal», s’entête-t-il, levant la main droite vers le ciel. Depuis le 9 mai 2021, son ancienne épouse est clouée dans un fauteuil roulant. L’ambiance dans la salle d’audience est insoutenable.
Frappée alors qu’elle ne pouvait plus se défendre
«Je l’ai tenue dans mes bras jusqu’à l’arrivée de l’ambulance», assure Hamidou alors que les rares témoins des faits affirment qu’il aurait sauté du premier étage de leur résidence de Bereldange à sa suite et aurait continué de la frapper alors qu’elle ne pouvait plus se défendre.
Il pensait sa femme infidèle et aurait voulu la confronter. Il l’a enfermée dans leur chambre à coucher où un couteau de cuisine était caché dans le lit pour l’intimider parce que, dit-il, il se doutait qu’elle n’allait pas répondre à ses questions. Ensuite, ses versions ont changé à plusieurs reprises.
Il reconnaît uniquement l’avoir giflée. Elle serait tombée et se serait cogné la tête contre une table de nuit avant de passer toute seule par la fenêtre pendant qu’il cherchait son téléphone tombé sous le lit. «Ce n’est absolument pas crédible», affirme la représentante du parquet qui s’appuie sur les déclarations des témoins et les résultats de l’enquête.
Les déclarations poignantes et détaillées de la victime sont, selon elle, déterminantes dans la manifestation de la vérité. «Il l’a menacée de mort avec son couteau. Il l’a étranglée au point qu’elle est tombée par terre. Il a posé le couteau et l’a poussée. Elle est tombée par la fenêtre en arrière, la tête la première», décrit-elle. «Il l’a rejointe en bas et lui a tapé la tête à deux reprises contre le sol. (…) Ce n’est que quand il a entendu que son fils est entré dans la chambre qu’il a arrêté de la frapper. Son fils qui lui a sauvé la vie.»
«On se croirait au Moyen Âge»
Des déclarations plus que parlantes qui contrastent avec celles du prévenu, selon la parquetière. «Personne ne saute la tête en avant! Ce n’est pas un réflexe, même en panique. Elle a été poussée!», s’emporte-t-elle avant de conclure à la tentative de meurtre ainsi qu’aux coups et blessures ayant entraîné une incapacité permanente et de requérir une peine de 18 années de prison à l’encontre du père de famille.
«On se croirait au Moyen Âge», proteste Me Knaff, l’avocat d’Hamidou, qui dénonce «une enquête particulièrement mal faite», «des contradictions flagrantes» et un parquet qui «se base uniquement sur des déclarations qui, seules, suffisent à entraîner la condamnation de l’accusé». Il souligne des «zones d’ombre» que personne n’aurait cherché à éclaircir. Notamment la position des volets ou ce qui s’est réellement passé dans la chambre.
«Mon client a reconnu avoir créé une certaine ambiance dans la chambre pour avoir des réponses. Il connaissait son épouse et savait qu’en obtenir ne serait pas facile», explique l’avocat. «Si la porte n’avait pas été fermée, elle serait sortie de la chambre pour fuir la confrontation. Bêtement, il a cru pouvoir l’intimider avec un couteau.»
«Une scène de ménage aggravée»
Hamidou serait accusé à tort. «Il lui a mis une pression telle qu’elle a pu tenter de s’enfuir en plongeant par la fenêtre pour se soustraire à lui.» Une décision volontaire pour s’échapper et une hypothèse crédible, selon l’avocat.
La configuration des lieux, la position des volets et la résistance de la victime rendraient la défenestration impossible. En outre, «rien ne prouve qu’il a poussé son ancienne épouse», insiste Me Knaff, «ou qu’il avait l’intention de la tuer». Il y aurait tout juste eu «une scène de ménage aggravée». «Il avait les moyens de la tuer : le couteau. Et il ne s’en est pas servi», souligne l’avocat.
Son client est tout au plus coupable de coups et blessures simples et ne devrait pas être condamné à une peine de prison qui excède la durée de sa détention préventive. Soit deux ans.
Le prononcé est fixé au 30 mars.
Contrairement à ce qu’on pense, ce n’est pas au Moyen-Age, mais tout de suite après qu’on a commencé à chasser les sorcières et c’est effectivement dans cette époque qu’on se croirait transporté en lisant les explications de la défense!