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[En coulisses] L’envers du décor de la Loterie nationale


Les locaux de la Loterie nationale se trouvent à Leudelange. (Photos : hervé montaigu)

Acheminement et création des jeux à gratter, accueil des gagnants… L’institution luxembourgeoise nous a ouvert ses portes et dévoilé ses quelques secrets.

Entouré de champs d’un côté et de plusieurs bâtiments administratifs de l’autre, le siège de la Loterie nationale se veut quelque peu discret. Car c’est ici qu’est acheminée une partie des jeux de grattage et où sont accueillis les fameux gagnants. Il est à peine 10 h quand nous arrivons, ce matin-là, à l’accueil de la Loterie. Dans le hall d’entrée qui ressemble à s’y méprendre à celui d’un hôtel, on trouve aussi le guichet de l’institution luxembourgeoise. Là, les clients viennent faire des réclamations, vérifier leur ticket et parfois faire valider leurs gains. «Les points de vente ne peuvent pas donner plus de 750 euros en espèce. Quand le lot dépasse cette somme, ils doivent venir ici», explique Léon Losch, directeur de la Loterie nationale.

À quelques étages de l’accueil, nous découvrons les différents secteurs d’activité dans lesquels travaillent plus d’une cinquantaine de personnes. Le domaine de la vente gère, par exemple, les contrats de commercialisation avec les 450 points de vente au Luxembourg. «Les commerciaux font aussi des visites sur le terrain pour voir si tout fonctionne bien», précise le directeur de la Loterie nationale. Quelques bureaux plus loin et après quelques portes sécurisées passées, nous découvrons la zone marketing.

Des salles aux airs de casino

C’est ici que sont notamment créés les jeux de grattage de la Loterie nationale. Car, aussi étonnant soit-il, ces jeux sont à 100 % luxembourgeois. «Nous faisons tout ici. Il est vrai que nous nous inspirons également de ce que font les autres loteries, mais ces jeux ne sont pas exportés et sont commercialisés uniquement au Luxembourg», indique Léon Losch. Un peu plus loin, dans des salles aux airs de casino, on retrouve, par exemple, les fameux jeux à gratter, mais aussi des terminaux virtuels. Si, dans certaines zones, les jeux peuvent être testés, d’autres sont reliés au réseau de la Loterie. «Nous pouvons, ici, vérifier si un ticket est gagnant, par exemple», précise Léon Losch.

Direction, maintenant, les sous-sols. Ici sont stockés l’ensemble des jeux commercialisés et distribués par l’entreprise de divertissement luxembourgeoise. Mais avant d’être acheminés jusqu’au Grand-Duché, ils sont produits par une société extérieure hautement sécurisée. Celle-ci est située à Leeds en Angleterre. «Il y a trois firmes qui peuvent faire cela dans le monde», explique le directeur de la Loterie nationale. Une fois que les tickets sont imprimés, découpés des bobines et mis sous carton, ils peuvent être envoyés dans les différents pays. «Après la livraison, nous gardons une partie de la marchandise à Leudelange et l’autre dans un autre lieu. Puis, tout est envoyé aux revendeurs», détaille Léon Losch. Et que les cambrioleurs soient avertis, tous les tickets acheminés ou stockés à la Loterie, n’ont aucune valeur. «Pour qu’ils en aient une, il faut que le revendeur puisse mettre le ticket à la vente pour qu’il soit intégré à notre réseau.»

Les anecdotes du directeur

Après plus de vingt ans de carrière, Léon Losch a de nombreuses histoires à raconter.

Quand internet n’existait pas encore, il y a 20 à 30 ans, certains joueurs enlevaient les couches de latex des tickets à gratter pour essayer de percevoir les résultats. «Évidemment, ce n’est pas quelque chose qui est possible aujourd’hui, car tout est relié à un système informatisé», explique Léon Losch. Dans un temps aussi révolu, le directeur de la Loterie se souvient d’une personne qui avait utilisé un outil de montage très connu pour obtenir les trois télévisions du Picobello. «Il n’est pas allé à la télévision tourner la roue puisque nous l’avons vu très vite.»

Quand un gagnant, très rare au Luxembourg, remporte le jackpot de l’EuroMillions, les appels défilent à la Loterie nationale. «Des personnes se font passer pour lui, mais nous arrivons en quelques questions à voir les fausses identités. Il y a aussi une procédure très précise par la suite.»

Léon Losch se souvient très bien du premier grand jackpot au Luxembourg. En 2013, il avait accompagné le gagnant à sa banque. «J’avais dit : « Je vous ramène un super client, le plus riche du Luxembourg. » Ce qui n’était absolument pas le cas!» Enfin, quand un couple de personnes âgées pense avoir gagné un million d’euros et que, finalement, ils en ont obtenu près de 11, la surprise est de mise. «Ils avaient obtenu tous les chiffres du Lotto, mais n’avaient pas regardé le complément. Je leur ai dit « Félicitations, vous avez l’ensemble des gains. » Ils n’en revenaient pas!»

Un jackpot de 83 millions d’euros en 2023

Nous nous dirigeons ensuite vers le célèbre escalier de la Loterie. Ici, des affiches d’époque rappellent l’histoire de cette institution qui fut créée après la Seconde Guerre mondiale pour aider à la reconstruction du pays (voir encadré). On peut aussi découvrir les plus gros gains du Lotto et de l’EuroMillions. Au Luxembourg, le dernier record date de 2023. Un résident a en effet gagné, l’année dernière, la modique somme de 83 millions. Et cela, tout juste dix ans après le premier grand jackpot de 66 millions d’euros. «Au Grand-Duché, peu de personnes ont réussi à décrocher des sommes aussi conséquentes, contrairement à d’autres pays, comme la France, qui a un nombre d’habitants et de joueurs beaucoup plus élevé», explique Léon Losch.

Mais alors, comment les millionnaires sont-ils accueillis à la Loterie? «Nous avons eu plusieurs cas de figure. Certaines personnes sont venues directement à l’accueil, d’autres ont emprunté la porte arrière. Mais, ce que je conseille toujours, c’est de prendre contact avec moi pour organiser un rendez-vous et surtout de ne pas trop en parler autour de soi», explique Léon Losch. Pendant l’entretien avec le futur millionnaire, deux personnes seront présentes, le directeur de la Loterie et le directeur financier. «Nous contrôlons le ticket et une fois que c’est validé, on discute sur quel compte et via quelle banque nous allons effectuer le virement. Certains gagnants choisissent d’ouvrir un compte à l’étranger ou chiffré pour garder leur anonymat.»

Bienvenue au club des millionnaires

Quelques jours plus tard, le gagnant reçoit, pour son plus (grand) bonheur, son gain. «Les gens sont évidemment très contents. Nous proposons tout de même un accompagnement psychologique pour la suite, car c’est quelque chose qui peut être très perturbant. Mais nous leur disons systématiquement de ne pas avoir honte de profiter de leur argent, sans forcément faire des folies», indique Léon Losch.

Dans certains cas, la Loterie peut aussi mettre en relation les gagnants avec un club de millionnaires (et oui, cela existe bel et bien). «Nous faisons aussi des rendez-vous après le gain pour savoir s’ils ont des questions, veulent être aidés juridiquement, etc.», complète le directeur. Mais, alors, que deviennent ces millionnaires? «Cela dépend de la situation dans laquelle ils sont lorsqu’ils gagnent. S’ils sont pensionnés, ou en couple avec des enfants. Tout est différent. Mais tous ne changent pas radicalement de vie. Par exemple, je pense à certains gagnants qui sont toujours au Luxembourg et sont restés des personnes tout à fait normales.»

Avec des bénéfices record en 2023 (78,6 millions d’euros), la Loterie continue de faire rêver les Luxembourgeois, et ce, même si les chances de gagner restent très faibles. «Tout le monde veut tenter sa chance, parce qu’évidemment, qui ne rêve pas un jour de remporter le jackpot? Mais les probabilités restent infimes, de l’ordre de 1 sur 139 millions ou 500 000 pour les jeux à gratter». L’espoir fait vivre, non?

La Loterie, c’est aussi pour la bonne cause

Les bénéfices des jeux sont redistribués à l’Œuvre nationale de secours de la Grande-Duchesse Charlotte.

La Loterie nationale luxembourgeoise a été créée il y a 79 ans, en juillet 1945. Après la Seconde Guerre mondiale, le pays, saccagé par les conflits, doit impérativement se reconstruire. Mais encore faut-il trouver de l’argent. C’est dans ce contexte que l’idée de création d’une loterie nationale émerge. Les bénéfices des jeux serviront à la reconstruction et aux missions philanthropiques de l’Œuvre nationale de secours Grande-Duchesse Charlotte. Aujourd’hui, cela est toujours le cas. Même si la communication a changé. «C’est quelque chose qui est connu surtout chez les personnes plus âgées, mais pas vraiment auprès des jeunes. On essaie de ne plus mettre en avant cet argument, avec le souci de l’addiction. Car oui, je joue pour la bonne cause, mais il ne faut pas non plus que je me ruine pour cela», explique Léon Losch.

Si une partie des gains est redistribuée aux bénéficiaires de l’Œuvre, comme la Croix-Rouge, Caritas, le Comité olympique et sportif luxembourgeois, l’autre moitié est entièrement distribuée au vainqueur du jackpot. «Par exemple, pour l’EuroMillions, la somme du gros lot est en fait liée aux ventes des billets. Avant chaque tirage, les loteries impliquées communiquent et décident après coup de la somme des gains. En fait, le chiffre d’affaires est destiné à moitié pour les gagnants et à moitié pour l’entreprise. La société redistribue ensuite les gains, nous, ici, c’est à l’Œuvre. Cela nous arrive parfois de ne pas tout vendre», précise le directeur de la Loterie nationale.

Depuis 1945, la Loterie nationale a généré près de 543 millions d’euros de bénéfices qui ont été distribués dans le cadre des missions de l’Œuvre.

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