Emile Eicher, confirmé à la tête du Syvicol, remet dans leur contexte les grandes attentes placées dans les communes pour contrer la crise de l’immobilier. Un soutien plus appuyé de l’État est revendiqué.
Une délégation du Syndicat des villes et communes luxembourgeoises (Syvicol) sera assise, le 22 février, à la table de la grande réunion nationale sur le logement. Comptant sur leur contribution à une relance du secteur de la construction et une revitalisation du marché du logement, le nouveau gouvernement CSV-DP place les entités locales et régionales devant leurs responsabilités. Emile Eicher, le président du Syvicol, pose des conditions, notamment financières, pour que les 100 communes du pays puissent relever ce défi de taille, qui vient s’ajouter à bon nombre d’autres obligations.
Début janvier, vous avez été réélu à la tête du Syvicol. Quelles sont les grandes priorités que le bureau renouvelé s’est fixées ?
Nous allons continuer à nous battre pour bénéficier d’une plus grande reconnaissance à l’échelle nationale. On veut être davantage écouté. Il y a certes eu du mieux ces dernières années. Une circulaire du 21 juin 2019 émise par l’ancien Premier ministre Xavier Bettel a ouvert la voie à une plus large consultation. On maintient toutefois notre revendication d’un ancrage dans la loi du statut du Syvicol en tant que représentant national des communes, comme cela est le cas dans bon nombre d’autres pays. On ne demande rien d’extraordinaire, mais uniquement ce qui nous semble être une évidence. La consultation doit, bien entendu, se limiter aux projets de loi et autres textes qui concernent directement les communes.
Le Syvicol ne vise donc pas un statut équivalent à celui des chambres professionnelles, appelées à livrer leur avis sur l’ensemble des textes de loi ?
Non. Par exemple, il faut que l’on soit consulté sur le volet des finances communales. Il existe néanmoins aussi toute une série de projets qui nous concernent de manière plus indirecte, ce qui n’empêche pas les communes d’être amenées à devoir apporter des réponses aux défis qui se posent. C’est notamment le cas dans le domaine social, où les obligations ne cessent d’augmenter. Travailler ensemble sur ce genre de textes constitue un avantage pour tout le monde.
Dans votre feuille de route, qui comprend 36 points, le renforcement du statut des élus locaux reste une priorité. Où en sont les travaux ?
Cela nous tient très à cœur. D’ailleurs, les discussions avec le nouveau gouvernement ne vont plus trop tarder à débuter. Sur ce point, le Luxembourg accuse également un grand retard par rapport à l’étranger. Le Syvicol a déjà mis sur la table un tableau permettant de comparer le statut de l’élu local dans nos trois pays voisins et de montrer où se trouvent les différences. Il existe certainement de bons exemples à suivre. L’idée est de les adapter à nos besoins, avec pour objectif final d’offrir enfin une plus grande sécurité, notamment sociale, aux mandataires communaux.
Un pas dans cette direction a été fait avec l’élargissement du congé politique, mis sur les rails lors de la législature écoulée. S’agit-il d’un vrai soulagement pour les édiles ?
Le dispositif élargi n’est pas encore en œuvre. Le nouveau ministre des Affaires intérieures a récemment annoncé vouloir soumettre une nouvelle proposition à la Chambre des députés pour augmenter le contingent. On attend de savoir quelle sera la teneur de cette adaptation du projet initial.
Une première entrevue avec Léon Gloden a eu lieu mi-décembre. Avez-vous l’impression que le nouveau ministre de tutelle des communes est à l’écoute des doléances du Syvicol ?
En tant qu’ancien bourgmestre (NDLR : de Grevenmacher), Léon Gloden sait très bien quelle est la situation dans les communes. La qualité de la discussion est différente si vous côtoyez quelqu’un ayant acquis de l’expérience à la tête d’une commune. Mais nous n’avons pas seulement eu des entrevues avec le ministre des Affaires intérieures. On a aussi déjà rencontré les ministres Meisch (Logement et Aménagement du territoire), Delles (Économie et Tourisme), Roth (Finances) et Wilmes (Environnement) dans le cadre d’une réunion interministérielle. En outre, nous avons eu une entrevue à part avec M. Meisch en sa qualité de ministre de l’Éducation nationale. Ce premier tour nous a permis de comparer le programme gouvernemental avec notre feuille de route de 36 points, de chercher des points communs et d’identifier, aussi, les éléments qui nécessitent une discussion plus approfondie. Les échanges que nous avons eus furent très positifs.
Quel bilan tirez-vous du travail effectué lors de la législature écoulée avec l’ancienne ministre de l’Intérieur, Taina Bofferding ?
Taina Bofferding et Léon Gloden ont des styles différents, ce qui est dû à leur caractère personnel. Je dois néanmoins dire que nous avons eu une relation de confiance avec l’ancienne ministre de l’Intérieur. Nous avons pu mener beaucoup de discussions et nous avons souvent été consultés en amont sur des textes de loi en préparation. Cela ne fut pas le cas avec tous les ministres du gouvernement sortant. D’où notre souhait d’un ancrage légal du Syvicol, ce qui empêcherait que l’on doive courir derrière des ministres pour livrer notre avis. Un automatisme serait ainsi mis en place.
La réforme globale de la loi communale, entamée par l’ancien gouvernement, va-t-elle dans le bon sens ?
Il existe certainement encore des points à réviser. Cela vaut particulièrement pour les finances communales. Depuis la réforme de 2016, une partie des petites communes rurales se voient confrontées à d’énormes problèmes pour garder la tête hors de l’eau, pour le dire ainsi. Il faut maintenant avoir le courage pour avancer de manière tout à fait objective et factuelle, afin d’identifier où se situent les problèmes et mettre en place les solutions pour aider les communes les moins bien loties. Ensuite, il nous faut remettre en question la gouvernance auprès de l’État, mais également dans les communes. Pour nous améliorer, nous allons lancer dans les mois à venir les discussions sur la simplification des procédures. Je pense que la volonté pour aller de l’avant est présente.
Le nouveau gouvernement n’est pas le premier à clamer vouloir réduire la lourdeur administrative. Qu’est-ce qui vous fait croire que, cette fois, ce sera la bonne ?
La pression est devenue tellement importante, notamment dans le domaine du logement, que l’on ne peut plus se permettre de ne pas trouver de solutions. Des solutions qui doivent produire plus rapidement leurs effets. Après analyse du programme de coalition, nous avons proposé de mettre en place une plateforme technique réunissant les collaborateurs de quelques communes et des différents ministères, avec en tête les Affaires intérieures et l’Environnement. Il est extrêmement important que l’on ne réunisse pas uniquement les politiciens, qui ont une autre vue sur les choses que ceux qui doivent exécuter et mettre en œuvre les décisions dans les administrations. Cette entité est amenée à faire l’analyse de la situation actuelle et à identifier les problèmes qui existent. L’objectif doit être d’éviter un genre de ping-pong entre les administrations. Chacun doit se sentir concerné et amener de la transparence dans les procédures, notamment pour permettre aux gens de savoir quel est l’état d’avancement de leur dossier.
Dans le domaine du logement, précisément, les attentes placées dans les communes sont importantes. L’actuelle lenteur des procédures serait aussi due au fait que les 100 communes du pays ont 100 règlements sur les bâtisses différents. Faut-il limiter dans ce domaine l’autonomie communale ?
Les PAG (NDLR : plans d’aménagement généraux) récents utilisent des zones standardisées. Il existe en outre un règlement-type sur les bâtisses, les voies publiques et les sites, ce qui facilite déjà le travail des bureaux d’études et autres acteurs actifs du logement. Si d’autres allègements sont possibles à ce niveau, on ne va certainement pas nous opposer à une discussion sur ce point.
Il faut être clair dès le départ sur les normes qui doivent être respectées
Un règlement sur les bâtisses uniforme à l’échelle nationale n’est donc pas envisageable ?
Une commune n’est pas l’autre. On ne peut pas toutes les jeter dans un même pot. Il faut laisser aux communes une marge de manœuvre dans le domaine de leur aménagement. Néanmoins, il faut être clair dès le départ sur les normes qui doivent être respectées si l’on veut construire une école, une maison relais ou des logements.
Le Syvicol est convié à participer, le 22 février, à la très attendue réunion nationale sur le logement convoquée par le Premier ministre. Quelles sont les attentes que vous placez dans ce rendez-vous ?
Cette réunion sera une réussite si, en fin de journée, tous les acteurs assis autour de la table auront réussi à s’accorder sur un objectif commun. Nous connaissons une partie des mesures que le gouvernement compte entreprendre. Le chemin pour les mettre en œuvre doit encore être défini. Je m’attends, donc, en dépit d’approches qui peuvent diverger, à ce que nous nous accordions sur la création de plus petites entités ou plateformes, similaires à celles que le Syvicol a mises en place avec les Affaires intérieures et l’Environnement. Il faudrait peut-être étendre ce concept à d’autres ministères et partenaires.
Le Premier ministre exhorte les ministres appelés à relancer le marché du logement – Affaires intérieures, Finances, Environnement et Logement – à travailler étroitement. N’aurait-il pas été préférable de créer un superministère du Logement, comme l’a proposé le DP dans son programme électoral ?
Une bonne chose est déjà que les ressorts Logement et Aménagement du territoire soient à nouveau réunis. Les programmes directeurs donnent les lignes directrices pour établir les PAG dans les communes. Il revient à l’État de définir quelles activités et infrastructures sont créées, et dans quelles régions du pays. Il vous faut cette base avant de pouvoir lancer un projet.
Avez-vous le sentiment que les communes sont vraiment disposées à enfin s’investir davantage dans la construction de logements, comme le réclame le gouvernement ?
Pour le moment, on ressent encore une grande réticence, toujours en raison des mêmes craintes. Les communes hésitent à se lancer dans la construction de logements, car elles ne sont pas sûres de pouvoir s’en sortir. Les aides accordées par l’État constituent un autre frein. En raison du plafonnement des coûts de construction, le taux de subside réel reste souvent loin en dessous du taux annoncé par le gouvernement. Il faut aussi à ce niveau procéder aux bonnes analyses et identifier les problèmes. Puis le gouvernement devra décider où et comment il souhaite aider les communes. On revient ici au problème plus global des finances communales. Pour le moment, les communes qui ne parviennent déjà plus à joindre les deux bouts décident de se concentrer davantage sur les projets d’infrastructures, comme les écoles. Pour elles, le logement n’est pas prioritaire.
État civil. Emile Eicher est né le 30 juin 1955 (68 ans) à Clervaux. Il est marié et père de trois enfants.
CSV. Fils d’agriculteurs et conseiller de gestion de formation, Emile Eicher devient, en 2006, membre du CSV.
Chambre. Emile Eicher est une première fois élu, en 2009, à la Chambre. Le député nordiste est confirmé aux législatives de 2013, 2018 et 2023.
Commune. Bourgmestre depuis 1994 de Munshausen, Emile Eicher prend aussi, en octobre 2011, la tête de la nouvelle commune fusionnée de Clervaux. Battu aux communales de juin 2023 par Georges Keipes, Emile Eicher siège désormais comme échevin dans sa commune natale.
Syvicol. En 2012, Emile Eicher succède à Dan Kersch (LSAP) à la présidence du Syndicat des villes et communes luxembourgeoises (Syvicol).
Les terrains sont échangés entre les plus hauts fonctionnaires communaux et leurs amis commanditaires.