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Droits des locataires : «Le Luxembourg est à la traîne»


Jean-Michel Campanella pointe une situation déséquilibrée entre les droits des propriétaires et ceux des locataires. (photo Julien Garroy)

En amont des Assises nationales du logement du 22 février à Neimënster, l’association Mieterschutz Lëtzebuerg, qui défend les intérêts des locataires, liste les dossiers prioritaires à mettre sur la table.

Avec l’association Mieterschutz Lëtzebuerg portée par une vingtaine de bénévoles, les locataires du parc privé au Luxembourg, soit environ 70 000 ménages, disposent enfin d’un porte-voix pour défendre leurs intérêts. L’un de ses cofondateurs, Jean-Michel Campanella, qui a longtemps travaillé dans la gestion locative sociale, interviendra lors des prochaines Assises nationales du logement organisées par le ministère du Logement le 22 février. Il décrit la réalité du terrain, alors que se loger au Grand-Duché prend des airs de parcours du combattant, et appelle le gouvernement à agir.

Combien le pays compte-t-il de locataires ?

Jean-Michel Campanella : En gros, on parle de 30 % de locataires au Luxembourg pour 70 % de propriétaires. Dans les pays voisins (NDLR : France, Allemagne), ils sont 40 à 50 %. Cela dit, leur part grossit ces derniers mois à cause de la crise du logement : beaucoup de gens n’ont tout simplement pas les moyens d’acheter.

Quels sont les problèmes récurrents ? 

Nous sommes régulièrement sollicités par des locataires qui n’arrivent pas à récupérer leur garantie locative. L’état des lieux n’a pas été fait ou pas dans les règles, et ça pose souci. On nous contacte aussi pour des augmentations de loyer. Quand les locataires protestent, les bailleurs prétextent un besoin personnel ou des travaux pour récupérer le logement et y installer une nouvelle personne qui, elle, va accepter un prix plus élevé. On intervient aussi en ce qui concerne les fins de bail problématiques, avec déguerpissement par exemple.

Constatez-vous beaucoup d’abus de la part de propriétaires ?

Disons que certains sont très respectueux des lois, mais un grand nombre abusent de leur position. Ça arrive plus souvent qu’on ne le pense, car la situation est complètement déséquilibrée. Les lois ont tendance à aller dans le sens des propriétaires, largement majoritaires au Luxembourg, mais les locataires aussi ont des droits.

Prenez le gel des déguerpissements, cette mesure de solidarité actée à l’automne dernier dans l’accord tripartite pour une très courte période (jusqu’au 31 décembre) : il a fallu trois mois pour obtenir une loi, avec un texte vidé de sa substance, comportant une série d’exceptions, le motif du besoin personnel inclus. Si le locataire veut contester, il doit engager des démarches auprès de la justice, fournir des preuves, pour espérer avoir gain de cause. Le propriétaire, lui, n’a qu’à affirmer qu’il a besoin du logement pour le récupérer. Des expulsions ont ainsi eu lieu cet hiver.

Les droits des locataires doivent donc être améliorés ?

C’est ce qu’on défend, oui. Ces derniers mois, les cas abusifs se multiplient, avec des locataires victimes d’agences immobilières douteuses ou de propriétaires qui n’hésitent pas à profiter de la situation tendue sur le marché. Les gens se retrouvent coincés, ils n’ont aucune solution pour se reloger. Les plus vulnérables sont contraints de rester dans des logements insalubres, et de se taire. C’est là le danger. Les propriétaires sont conscients qu’il y a une certaine impunité.

À quelles autres difficultés sont-ils confrontés ?

Les logements à prix correct qui disparaissent du marché : on voit que beaucoup de biens sont vendus ou changent de propriétaires à la suite d’un décès, et les nouveaux bailleurs cherchent à mettre les locataires à la porte, soit pour habiter eux-mêmes les lieux, soit pour en faire quelque chose de luxueux, car l’immobilier rapporte beaucoup d’argent. Au final, ce logement qui était abordable devient inaccessible.

L’insalubrité aussi. On n’imagine pas ce qui se cache derrière les façades : il y a une grande partie des logements qu’on ne peut pas considérer comme habitables et on voit aussi des habitations improvisées dans des caves, des taudis avec fenêtres cassées, sans chauffage ni eau chaude, etc. Là encore, il est compliqué de sanctionner le propriétaire fautif. Peu de locataires saisissent la justice, et si vous regardez les chiffres, vous voyez qu’ils ne gagnent quasiment jamais.

Les outils sont limités au Grand-Duché pour lutter contre ces cas. On ne peut pas faire baisser le loyer sans passer par un tribunal. Même si la situation est attestée par les services sanitaires et la commune. Il n’existe pas non plus de possibilité de consignation du loyer auprès d’une instance neutre, pour faire bouger le propriétaire qui ne mettrait pas son logement aux normes. Par rapport à d’autres pays, le Luxembourg est à la traîne au niveau des droits.

Quels sont les dossiers que vous mettrez sur la table aux Assises du logement ?

L’encadrement des loyers, dont la réforme est très critiquée et que le gouvernement veut faire adopter avant les élections. On a du mal à comprendre le calcul du ministre qui permettrait à des logements de plus de 20 ans qui n’ont jamais été rénovés d’afficher un loyer similaire à du neuf. Au Luxembourg, la différence de prix entre un clapier et une résidence neuve est assez mince. Il y a bien des écarts entre quartiers ou localités, mais dans une même rue, des locaux vétustes sont loués dans la même fourchette de prix que des espaces modernes et confortables. Comment le justifier?

On réclame aussi des changements au niveau des commissions communales des loyers, seul endroit où on pourrait régler les litiges liés au bail et au logement, en instaurant la médiation. Pour cela, il faut élargir leurs missions, les régionaliser et les professionnaliser. Il n’y en a pas dans chaque commune et celles qui existent ne fonctionnent pas bien, avec des délais à rallonge, etc. Nous plaidons pour la conciliation et le dialogue, afin d’éviter la case tribunal. Souvent, ça règle les choses.

Enfin, nous soutenons la réduction de la garantie locative à deux mois au lieu de trois, et la facturation des frais d’agence aux propriétaires et plus aux locataires, comme c’est le cas aujourd’hui. Sur ce point, la nouvelle loi prévoit un partage, ce qui est déjà une avancée.

Des conseils pratiques en ligne

En deux ans, l’association s’est imposée parmi les acteurs importants du secteur, et vient de recevoir un crédit de 30 000 euros du ministère du Logement pour assurer une permanence par mail et téléphone. Invitée aux Assises nationales du logement le 22 février à Neimënster, elle s’exprimera sur les enjeux du marché privé. Ces prochains mois, ses bénévoles comptent développer l’accompagnement des locataires via des fiches pratiques, des modèles d’état des lieux et des lettres-types téléchargeables en ligne. Cotisation annuelle de 20, 40 ou 60 euros en fonction des revenus. Plus d’infos sur le site.

mieterschutz.lu

Un commentaire

  1. JOSETTTE@
    Oui c’est le système d’enrichissement de cause extraordinaire ici au Luxembourg.
    Les Locataires sont toujours les perdants dans ce litige bail et loyer. Chez nous ici la même situation, le propriétaire nous laisse dans un état dangereux avec des tuyaux de l’étage allant jusqu’en dans la cave d’une perte de gaz avec des tuyaux poreuses. Avec une déclaration cachet rouge du Ministère…… La commune (COMISSION DES LOYERS) m’avait proprement dit que moi je dois faire le nécessaire pour me débrouiller ici. Qu’ils peuvent pas intervenir à m’aider ou d’aller en justice de la paix. Je ne peux pas payer un avocat au moment, (ca. 10.000.- euros) pour condamner le propriétaire. Donc horriblement appauvrissement des locataires fidèles.

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