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Digital Inclusion, la porte d’entrée numérique du Grand-Duché


Partie de quelques bénévoles, l’association compte aujourd’hui 17 salariés.

L’association Digital Inclusion lutte, comme son nom l’indique, pour l’inclusion numérique. Une mission qui s’adresse notamment aux réfugiés qui arrivent au Luxembourg.

Les débuts de Digital Inclusion ressemblent presque à ceux, souvent fantasmés, des grandes entreprises de la Silicon Valley. Ici pas de fondation dans un garage, comme pour Apple, mais à l’inverse dans un grenier, celui de Patrick de la Hamette. Cet ingénieur en électronique et docteur en sciences de l’informatique a l’idée, fin 2015, de lancer un appel sur Facebook pour récupérer de vieux ordinateurs. «J’ai récolté une douzaine de machines, de gens que je ne connaissais ou non, et j’ai installé un atelier de réparation chez moi.»

Quelque temps plus tard, il fonde avec Isabelle Mousset une association dont le nom résume toute sa philosophie : faciliter l’inclusion sociale par le numérique. Son but premier est de favoriser l’économie circulaire et solidaire en reconditionnant ordinateurs et smartphones d’occasion puis en les offrant à ceux qui en ont le plus besoin. Une manière de déprogrammer l’obsolescence qui attend chacun de ces appareils.

«Ils ont tous une vie limitée, reconnaît Patrick de la Hamette. Mais nous essayons de valoriser ce temps. Cela nous permet de faire le lien entre ceux qui ont un surplus de matériel et ceux qui ont besoin d’équipement.» Car aujourd’hui, avec la numérisation de plus en plus poussée, il est quasiment impossible de s’intégrer dans la société sans un accès, et des connaissances, en informatique. Que ce soit pour trouver du travail ou effectuer des démarches administratives, les écrans, même s’il est toujours possible de s’en passer, sont partout. Un phénomène largement accéléré par la pandémie. «Les personnes qui ne sont pas connectées risquent l’exclusion sociale de la vie citoyenne», résume Patrick de la Hamette.

Apprendre les bases de l’informatique

Mais tout le monde n’a pas les aptitudes adéquates face aux nouvelles technologies. C’est donc là qu’intervient une autre mission de l’association : offrir à chacun les connaissances nécessaires pour maîtriser ces outils. Cela se traduit par plusieurs formations prodiguées par l’ASBL.

Chaque après-midi, l’atelier de réparation accueille par exemple toutes les bonnes volontés, quel que soit leur niveau. Connaisseurs et débutants se retrouvent pour reconditionner ensemble les appareils récupérés. Chacun peut apporter ses compétences et apprendre à l’autre comment changer un écran cassé ou réinstaller un système d’exploitation.

Les séances, ouvertes à tous, accueillent de nombreux étrangers, souvent réfugiés. «Les gens qui attendent leur statut peuvent trouver ici une activité qui leur permet d’occuper leur temps libre.» Et de nouer de premières relations dans un pays où parfois ils ne connaissent pas grand-monde.

Dans une pièce adjacente à l’atelier, une salle de classe plus traditionnelle accueille d’autres formations. «Nous proposons des cours d’alphabétisation numérique en huit langues où les élèves apprennent les bases de l’informatique et à se servir d’un compte e-mail.» Un autre cours, cette fois de citoyenneté numérique, permet d’apprendre à réaliser des démarches en ligne comme sur MyGuichet.lu.

Si là encore, les formations sont ouvertes à tous, les réfugiés sont nombreux à y assister. Mais la force de Digital Inclusion est justement de pouvoir s’adresser à un maximum de publics. Partie de quelques bénévoles, l’association emploie aujourd’hui 17 salariés issus de nombreuses nationalités différentes.

«La moitié sont des réfugiés, l’autre des Européens», précise Patrick de la Hamette. Beaucoup ont d’abord été bénéficiaires au sein de la structure avant de se voir proposer un travail.

Des réfugiés aux besoins spécifiques

Érythréens et Syriens composent une bonne partie des réfugiés qui frappent à la porte de Digital Inclusion. Mais avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie, de nombreux Ukrainiens les ont rejoints depuis un an. Grâce à son équipe multiculturelle, l’ASBL peut répondre aux besoins spécifiques de chacun.

Là où les personnes originaires d’Érythrée ont souvent besoin qu’on leur apprenne les bases de l’informatique pour s’intégrer, les ressortissants syriens sont généralement plus à l’aise avec les outils numériques et se retrouvent surtout confrontés à la barrière de la langue. «Et les Ukrainiens ont les mêmes compétences que la plupart des Européens. Certains continuent même de télétravailler depuis le Luxembourg.»

Tous n’ont en revanche pas pris leur ordinateur en partant, pensant revenir chez eux très vite, et trouvent une solution avec Digital Inclusion. L’association a d’ailleurs dû faire face à une forte augmentation des demandes de matériel. «Nous avons fourni plus de 2 000 ordinateurs en 2022, dont plus de 1 000 à des Ukrainiens.»

Heureusement, les dons ont eux aussi connu une augmentation. «Beaucoup de gens ont voulu aider.» L’ASBL a également acheté directement de l’équipement reconditionné grâce aux financements de sponsors privés. Car si le ministère de la Famille, de l’Intégration et à la Grande Région subventionne l’association, ces fonds publics ne servent jamais à acheter des téléphones ou des ordinateurs.

Mais au-delà du matériel et des connaissances, c’est d’abord un lien social qu’apporte Digital Inclusion, parfois le premier pour des gens à la recherche de nouveaux repères. Avec l’association, ils trouvent un premier lieu d’intégration avec des gens de leur culture, parfois passés par les mêmes épreuves. De quoi leur ouvrir, à travers le numérique, les portes du Grand-Duché et les aider à préparer leur nouvelle vie.

Un mobile bag pour faciliter les dons

À la recherche d’ordinateurs mais aussi de smartphones, Digital Inclusion a lancé le mobile bag pour récupérer plus facilement ces derniers. Présentés sous la forme d’enveloppes, ils sont disponibles dans les lycées et les communes. «Quand vous achetez un nouveau smartphone, il vous suffit de glisser l’ancien dedans, après l’avoir réinitialisé, puis de remettre le mobile bag au facteur ou dans une agence Post», détaille Patrick de la Hamette.

Une fois entre les mains de Digital Inclusion, celle-ci peut le reconditionner dans son atelier afin de le redonner. «L’un des buts de notre association est de promouvoir un impact écologique positif.» Mais avant de le remettre en circulation, l’ASBL grave une inscription précisant qu’il n’est pas destiné à la revente. «Ce sont nos partenaires sociaux qui choisissent les bénéficiaires. Nous leur fournissons des coupons qu’ils peuvent donner aux personnes en situation d’urgence pour l’échanger contre un smartphone.» Deux cent quatre-vingts appareils ont été offerts l’année dernière.

Aucun souci de données personnelles n’est à craindre, surtout si le téléphone a bien été réinitialisé. Et même si ce n’est pas le cas, sans le code elles sont particulièrement difficiles à récupérer, assure Digital Inclusion. Le problème se pose plus pour les ordinateurs qui peuvent facilement être forcés par quelqu’un qui a quelques compétences en informatique. «Mais paradoxalement, les gens ont souvent plus peur pour leur smartphone qui est devenu une sorte d’extension de leur corps.»