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Dette publique : l’impossible réforme


Les critères de Maastricht et la règle des 3 % de déficit public par rapport au PIB sont obsolètes.  (Photo : archives editpress/fabrizio editpress)

Les règles européennes de respect budgétaire pour les États étaient au cœur d’un colloque à Paris. Difficile de les réformer après le covid et en pleine crise énergétique.

Comment encadrer la dette et le déficit d’un État? Deux ans et demi après l’irruption du Covid-19 qui a fortement dégradé les comptes publics, économistes et politiques ont affiché hier à Paris des divergences sur la façon de réformer les règles budgétaires européennes. Le constat de départ est largement partagé : les «critères de Maastricht», qui imposaient aux membres de l’Union européenne de contenir leur endettement à 60 % du PIB et leur déficit public à 3 %, sont obsolètes.

«Les règles sont caduques, elles ne fonctionnent pas et ne sont pas respectées», a résumé l’économiste Éric Monnet, lors d’un débat sur la dette organisé à l’occasion de la Rencontre des entrepreneurs de France (REF), à l’initiative de l’organisation patronale française Medef. En 2021, le déficit public s’est ainsi élevé à 3,7 % du PIB en Allemagne, à 6,5 % en France, à 7,2 % en Italie et à 6,9 % en Espagne, selon les données d’Eurostat. La dette publique a pour sa part atteint l’an dernier 69,3 % du PIB en Allemagne, 112,9 % en France, 150,8 % en Italie et 118,4 % en Espagne, selon la même source. Une explosion des plafonds qui a conduit la Commission européenne à suspendre dès 2020 l’application des critères de Maastricht.

Simple dette ou investissement?

Tout l’enjeu est désormais de définir le nouveau cadre européen des dépenses publiques, entre partisans de règles identiques pour tous et ceux qui plaident pour des critères adaptés à chaque État membre. «Il y a des divergences assez fortes entre les pays nordiques et d’autres sur l’évolution de ces critères», a rappelé le ministre des Comptes publics,  Gabriel Attal, à la REF. Ce dernier souhaite conserver la règle des 3 % de déficit maximal, «un bon critère de pilotage d’une politique budgétaire», mais appelle à comptabiliser différemment certaines dépenses de long terme. «La question, c’est comment on est capables de faire évoluer la prise en compte de dépenses qui sont nécessaires pour accompagner la transition écologique, la formation», a-t-il détaillé devant le patronat.

«On ne peut s’en sortir qu’avec du sur mesure»

Spécialiste de la dette, Anne-Laure Kiechel juge, elle aussi, que «si vous avez de la dette liée à des investissements, que vous l’utilisez pour la transition énergétique, pour transformer des filières, là il ne devrait pas y avoir de limite» à l’endettement. Quelles que soient les nouvelles règles, «on ne peut s’en sortir qu’avec du sur mesure» pour chaque pays, les règles actuelles datant d’une époque différente où «on était à 5 % de croissance» à travers le continent, rappelle Anne-Laure Kiechel.

Une position semblable à celle du premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici. Chef d’une institution qui déplore régulièrement le manque de rigueur budgétaire de la France, il avait plaidé en juillet pour des objectifs budgétaires «réalistes et adaptés à la situation de chacun des pays». Au-delà du montant de la dette, plusieurs participants à la REF ont questionné l’efficacité des dépenses publiques. Pour être efficace dans la dépense publique, le patron du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, suggère à l’État de ne «pas tout faire» et de davantage laisser la main au privé dans certains secteurs.

« Chaque pays est différent »

Le débat a vocation à se poursuivre dans les prochains mois à l’échelle européenne. Quel que soit le nouveau cadre budgétaire, «il n’y a pas de formule parfaite», insiste Anne-Laure Kiechel. Les futures règles seront «le fruit d’un compromis», en particulier avec l’Allemagne, souvent érigée en modèle de rigueur budgétaire et dont le ministre des Finances proclame son attachement aux critères de Maastricht.

«Chaque pays est différent, il faut faire attention quand on compare avec l’Allemagne», avertit Anne-Laure Kiechel. «Des pays comme le Japon vivent très bien avec (plus de) 200 % de dette publique, parce qu’ils ont fait des choix différents qui consistent à avoir une dette détenue par des investisseurs japonais. Il n’y a pas de chiffre magique», conclut-elle.

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