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Détournements de fonds publics à Hesperange : des peines de 8 et 5 ans requises


Leur stratagème est passé inaperçu pendant près de 20 ans. (Photo : archives LQ)

Des peines de huit et cinq ans de prison ont été requises pour faux en écritures publiques à l’encontre des deux anciens fonctionnaires communaux accusés de détournements de fonds.

En ce troisième jour du procès de deux anciens fonctionnaires de la commune de Hesperange pour détournement de fonds publics, le parquet a requis «des peines de réclusion dissuasives» à leur encontre : huit ans dont quatre assortis du sursis probatoire pour le principal accusé et 5 ans et six mois assortis du sursis probatoire pour son coaccusé. Le tout accompagné d’une amende.

Contre un entrepreneur qui aurait commis de fausses factures à la demande d’un de ce dernier, le parquet a requis une peine de 18 mois de prison assortie du sursis intégral.

Des peines pour l’exemple en quelque sorte. Le magistrat a estimé, comme l’avocat des parties civiles, que les prévenus avaient trahi leur serment de fonctionnaires ainsi que la confiance que l’administration communale et les administrés avaient placée en eux.

Me Pierret a demandé que les anciens chefs des services financier et technique soient solidairement condamnés à rembourser à la commune de Hesperange et à son syndicat d’initiative, les sommes de 5,2 millions d’euros et de 216 000 euros ainsi que 200 000 et 10 000 euros en guise de préjudice moral.

Il s’appuie, pour ce faire, sur une jurisprudence française de 2007 qui avait permis à la ville de Cannes d’obtenir un préjudice moral pour atteinte à sa notoriété. L’avocat estime que les citoyens de Hesperange ont été salis parce que le nom de leur commune l’a, lui aussi, été.

L’État s’est également porté partie civile pour les subsides versés à la commune et empochés par les deux accusés pour des projets fictifs. Il demande le remboursement des sommes allouées.

Association de malfaiteurs, selon le parquet

Le duo est suspecté d’avoir détourné plus de 5,2 millions d’euros pendant près de 20 ans par le biais de fausses factures et de sociétés fictives. Ils sont notamment accusés de faux en écriture, d’escroquerie, de blanchiment, de corruption et de recel. Le représentant du parquet a également retenu l’association de malfaiteurs. Il a estimé que les deux hommes «sans scrupules» «ont sacrifié l’intérêt public pour leurs propres intérêts».

Le magistrat a estimé lundi matin que le principal accusé «a perdu tout lien avec la réalité» et que son coprévenu «tente de se déresponsabiliser», «de se victimiser». «Il est peut-être beaucoup de choses dans ce dossier, mais certainement pas une victime», note-t-il, rejoignant Me Pierret qui venait de le qualifier «d’homme clé de cette affaire» et avait indiqué qu’ «il savait très bien ce qu’il faisait».

À la barre lundi matin, l’ancien chef du service technique a tenté d’apitoyer les juges de la 16e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, en racontant le calvaire que ces années de «magouilles» auraient été pour lui.

«Un pacte avec le diable»

«J’ai fait un pacte avec le diable», avoue-t-il, comparant sa situation à une spirale infernale. «J’ai à plusieurs reprises voulu aller me dénoncer au bourgmestre, mais les conséquences qui m’attendaient me faisaient finalement renoncer.»

Le prévenu aurait vécu dans la peur, se serait réfugié dans l’alcool. «Je ne sais pas dire non et je fuis les conflits», se justifie-t-il. Pourtant, il a continué de signer les fausses factures préparées par son complice et à vivre grand train. Même largement au-dessus de ses moyens, précise-t-il. «Tout l’argent allait dans mon ménage, dans ma maison», indique celui qui aurait empoché 800 000 euros.

Il parviendra même à obtenir les faveurs d’un entrepreneur qui va l’aider «à joindre les deux bouts», alors qu’il est à court de fonds pour terminer l’aménagement de sa maison. L’entrepreneur a indiqué avoir accepté de faire des fausses factures par crainte de ne plus obtenir de chantiers de la part de la commune.

Des regrets mis en doute

Le système des deux prévenus était bien rodé. Ils ont profité de la confiance de toute une administration et en ont exploité les faiblesses. «Quand on est à la source, on se sert», avait lancé l’instigateur des détournements jeudi dernier. Le chef du service technique aurait commencé à se servir en 2003.

«Je ne savais pas encore à l’époque que cela allait dégénérer, ni où cela allait me mener», raconte-t-il. Il a mordu à l’hameçon tendu par son collègue et ami. «Cela n’a pas duré longtemps avant qu’il arrive avec une fausse facture et ne me demande de la signer. Il m’a dit qu’il s’occupait du reste.»

Dernier jour du procès, demain après-midi. La parole sera donnée à la défense des deux accusés. Tous deux ont assuré regretter les faits. Des regrets auxquels n’a pas cru Me Pierret. «On leur a certainement conseillé de le dire. Ils ont magouillé jusqu’à ce qu’ils se fassent prendre», a insisté l’avocat. Cela donne le ton de l’ambiance qui règne dans ce procès.