De l’argent a disparu. Marie est accusée de l’avoir volé. Le parquet, assailli par les doutes et les questions sans réponse, renonce à requérir une condamnation.
Marie est accusée de vol domestique, de faux et de blanchiment. Si tel est le cas, elle a réalisé un véritable tour de passe-passe avec la recette de l’agence de voyages dans laquelle elle travaillait. 16 370 euros sont dans la nature. À la barre de la 13e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg hier après-midi, la jeune femme l’a affirmé à plusieurs reprises : «Je n’ai pas pris l’argent. Je ne sais pas où il est passé.» Le parquet et l’enquêteur du service de répression du grand banditisme de la police judiciaire ont reconnu ne pas avoir de piste non plus. La seule et unique certitude dans cette affaire est que l’argent a disparu.
Le 23 février 2017, Marie se rend à la banque pour déposer l’argent issu des caisses de ses collègues de l’agence de voyages, a-t-elle indiqué lors de sa déposition à un enquêteur. Elle transmet trois sacs contenant l’argent et inscrit ses initiales sur les originaux des reçus pour deux des sacs au lieu de mettre les initiales des collègues des caisses desquelles l’argent était issu. Le lendemain, la jeune femme de 34 ans décompte de sa caisse à l’agence de voyages le montant exact de la somme du contenu des deux sacs. 11 810 euros.
« Elle disait tout et son contraire »
Pour faire croire que la somme déposée à la banque la veille provenait de sa propre caisse? À moins que cette correspondance de montants ne soit qu’une coïncidence? La présidente de la 13e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg et l’enquêteur n’y croient pas. «Marie s’est souvent contredite lors de ses dépositions», explique le policier. «Elle disait tout et son contraire dans une même phrase. D’abord, elle prétend ne pas savoir combien d’argent sa collègue lui a remis, puis elle nous donne la somme exacte.»
Un bilan comptable de l’agence est réalisé dans la foulée et il apparait que 4 560 euros supplémentaires manquent dans les caisses. Leur disparition est-elle à imputer à Marie? L’enquêteur ne peut l’affirmer avec certitude. Des incohérences ont été relevées dans les décomptes de caisse de Marie dans les mois qui ont précédé les faits. «Elle retirait de l’argent de sa caisse et ne portait ces sommes à la banque que quelques jours plus tard», indique l’enquêteur sans vouloir accuser la jeune femme.
L’ombre d’un doute
Les caisses des agents de voyages étaient vidées par les agents eux-mêmes. L’argent était placé dans des sacs comportant une note sur laquelle le montant contenu était inscrit. Les sacs étaient ensuite placés dans des coffres-forts individuels avant d’être déposés à la banque par les agents. Marie n’a pas pu manipuler les sacs pour en altérer le contenu étant donné qu’une stagiaire l’accompagnait. Mais les reçus attestant du dépôt du 23 février ont disparu. La jeune femme s’entête. Elle n’a pas pris l’argent. Elle rejette la faute sur une collègue qui a entre-temps été condamnée pour avoir volé de l’argent au sein de l’agence avant l’arrivée de Marie et y travaillait encore en 2017. «Le mode opératoire était différent», balance la présidente.
Qui a pris l’argent disparu? Marie ou quelqu’un d’autre? Et comment? La représentante du parquet a admis dans son réquisitoire ne pas avoir le début d’une réponse à ces questions. «Cette affaire me met mal à l’aise. Il s’est passé quelque chose, mais quoi?», reconnaît la procureure, qui, comme l’enquêteur, ne parvient pas à se forger une intime conviction. «Jusqu’où va la coïncidence? Pour moi, il y a trop de points d’interrogation dans ce dossier.»
L’avocat plaide l’acquittement
Bien que certains éléments de l’enquête accusent Marie, la magistrate a reconnu «ne pas pouvoir affirmer sans l’ombre de tout doute que la prévenue a détourné de l’argent». Impossible pour elle de demander une condamnation de la jeune femme, parce qu’elle a «un doute».
Un réquisitoire qui arrange Marie et sa défense. Son avocat s’appuie sur ces doutes pour plaider l’acquittement de sa cliente. Il souligne que l’enquête de police n’a pas permis de retracer des transactions financières suspectes sur les comptes bancaires de la jeune femme qui pourraient laisser suggérer qu’elle a empoché la somme qu’on lui reproche d’avoir volée. L’agence de voyages en question s’est portée partie civile pour récupérer l’intégralité des 16 370 euros.
Le prononcé est fixé au 14 décembre.