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Des soeurs face à leur père : la balle est dans le camp de la Cour d’appel


Prévu mi-mars, le procès en appel du père a été remis en raison de la crise sanitaire. Refixé au 9 juin, il a été reporté au 16 novembre… (Photo : archives lq/Anne Lommel)

Sous prétexte d’avoir été abusées, elles avaient projeté de tuer leur père aux Philippines en 2012. Le tribunal a décidé de ne pas se prononcer sur les deux sœurs, en attendant le sort définitif du père.

«C’est un plan de pieds nickelés. Il n’y a rien de constructif. Et la somme de 250 euros dont il est question est dérisoire.» Dans son réquisitoire, le représentant du parquet avait encore parlé d’«élucubrations de deux personnes énervées». Sa conclusion : si le tribunal venait à retenir l’infraction qu’elles ont «offert ou proposé directement de commettre un crime punissable d’une peine criminelle», il proposait une suspension du prononcé. Le parquet donnait à considérer que les deux femmes (33 et 39 ans aujourd’hui) étaient traumatisées et que pour cette affaire, il y a dépassement du délai raisonnable.

Mais il faudra patienter pour connaître son issue. La 9e chambre correctionnelle a en effet décidé, jeudi après-midi, de «surseoir à statuer», c’est-à-dire de reporter le jugement, en attendant que l’«affaire en appel soit définitivement statuée».

Il s’agit là de l’affaire dans laquelle le père se trouve sur le banc des prévenus. Il est poursuivi pour avoir abusé de trois de ses filles (33 ans, 27 ans et 25 ans aujourd’hui) au Luxembourg et aux Philippines pendant de longues années. En mai 2019, il a été condamné par la 13e chambre criminelle à 12 ans de prison, dont quatre avec sursis. Or cette décision n’a pas acquis force de chose jugée. Car il y a eu appel. Et le procès en appel n’a toujours pas eu lieu. Fixé à la mi-mars, il a été remis en raison de la crise sanitaire. Reprogrammé au 9 juin, il a finalement été reporté au 16 novembre…

«Le parricide manqué a fait naître le viol»

Les deux affaires sont étroitement liées. Pour rappel, la tentative de parricide avait émergé après la plainte pour viols. L’enquête de la police judiciaire avait mis au jour un éclat entre la sœur aînée et le père le 22 mai 2012. Mais cela ne s’arrêtera pas là. Finira par transparaître le plan de tuer le paternel dans le pays dont cette famille recomposée est originaire. Avec la découverte de ces SMS, l’enquête avait pris une nouvelle dimension. Face aux enquêteurs, l’aînée avait confié avoir appris à l’époque que ses sœurs cadettes avaient été abusées par leur père alors en voyage aux Philippines… Ayant ellemême été victime de faits similaires durant des années, elle aurait voulu protéger sa famille. Sur quoi elle avait informé sa demi-sœur qui, comme elle, se trouvait à l’époque au Grand-Duché. Choquée par ce qu’elle avait entendu, cette dernière avait voulu l’aider.

L’enquête avait permis aux enquêteurs luxembourgeois de retracer l’envoi de 250 euros par le biais de Western Union aux Philippines et l’établissement d’un contact avec un «oncle». C’est cet homme qui aurait dû passer à l’acte. Les jeunes femmes ont reconnu lui avoir parlé par vidéoconférence. Et elles n’ont pas non plus caché aux enquêteurs qu’il avait rigolé en entendant leur projet… Mais de l’autre côté, il y a la version du père, âgé aujourd’hui de 63 ans. Il en est convaincu : ses trois filles ont inventé cette histoire d’abus sexuels après qu’elles n’ont pas réussi à le tuer aux Philippines. «Le parricide manqué a fait naître le viol.» C’était la ligne de défense de Me Roby Schons lors du premier procès.

À l’époque, l’avocat avait souhaité que les deux affaires soient jugées ensemble. Mais la 13e chambre criminelle s’y était opposée. Elle avait estimé qu’elles devaient être jugées par deux compositions différentes. Car les sœurs entendues comme témoins dans le premier procès risquaient de se retrouver sur le banc des prévenus dans le second. Et inversement pour le père.

La Cour d’appel confirmera-t-elle la condamnation du père en première instance ou l’acquitterat-elle? En attendant cette décision, les deux sœurs ne seront pas fixées sur leur sort. Le tribunal a remis l’affaire sine die. Aujourd’hui, la balle est dans le camp de la Cour d’appel.

Fabienne Armborst