Les entreprises n’investissent pas assez dans la formation professionnelle continue de leurs salariés confrontés à la transformation ou disparition de leur métier. Le gouvernement va les aider.
Il faut mettre le paquet. La formation continue n’a jamais été autant nécessaire qu’aujourd’hui et les chiffres sont là pour le certifier. Au Luxembourg, seulement 32 % des employeurs offrent une formation à la plupart de leurs salariés, contre 35 % pour la moyenne des pays de l’UE. Dans les pays de l’OCDE, seulement 37 % des travailleurs à fort risque d’automatisation ont reçu une formation professionnelle sur les douze derniers mois, contre 63 % pour les travailleurs à faible risque d’automatisation (chiffres 2019).
L’OCDE estime que 14 % des postes occupés ont une forte probabilité d’être automatisés, et 32 % des emplois se verront transformés significativement par l’automatisation. Les formations initiales ou continues sont nombreuses au Luxembourg, mais l’offre n’est pas suffisante. Les aides à la formation professionnelle continue du ministère de l’Éducation nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse ne suffisent pas pour inciter les entreprises à investir dans les requalifications (reskilling) ou les «montées en compétences significatives» (upskilling) de leur personnel. Alors le gouvernement met en place un programme de gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences.
Dans un rapport publié en février dernier, l’OCDE concluait à l’urgence, pour le Luxembourg, d’envisager de nouvelles incitations financières pour répondre aux besoins critiques en matière d’upskilling et de reskilling, dans le but de sécuriser l’employabilité des salariés. Le gouvernement introduit donc un nouveau dispositif d’aide à la formation destiné aux entreprises. Cette fois, les publics sont clairement ciblés, en l’occurrence les salariés qui ont besoin d’une requalification ou d’une montée en compétences intensive pour rester employables.
Ce programme de gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences destiné aux entreprises et à leurs salariés doit répondre aux nouvelles exigences du marché du travail, à ses évolutions et à ses tendances dans un environnement toujours plus réglementé. Le salarié qui pourra en bénéficier aura au moins douze ans d’ancienneté dans l’entreprise aidée et sera directement touché par les tendances structurelles du marché pour profiter d’au moins 120 heures de formation.
L’entreprise, elle, est invitée à choisir un consultant agréé ou une entreprise de conseil agréée qui devra lui fournir un devis qui estimera la charge de la formation, avec un descriptif des services proposés. Ce consultant analysera la situation en matière de ressources humaines et identifiera les postes en transformation profonde et les salariés concernés.
Opération rentable
Dans l’exposé des motifs, les auteurs du projet de loi indique que le Forum économique mondial a estimé, sur la base de l’exemple des États-Unis, en comparant les coûts de formation aux coûts associés au licenciement d’un salarié et à l’embauche d’un nouveau, que le financement d’un tel reskilling ou upskilling intensif est rentable du point de vue de l’employeur dans au moins 25 % des cas, mais devient rentable du point de vue du gouvernement, en tenant compte des indemnités de chômage, dans au moins 77 % des cas. «On peut s’attendre à ce que ces pourcentages soient nettement plus élevés dans un pays européen où la protection sociale est plus forte. Mais ils montrent également que le soutien financier du gouvernement est essentiel», poursuivent les auteurs.
Du côté de l’Adem, l’expérience est là avec plusieurs projets pilotes qui ont inspiré ce projet de loi. L’Agence a créé un nouveau «service salariés» dont la mission est justement de sécuriser les parcours professionnels des salariés actifs, pour agir de manière préventive contre le chômage. Il sera ainsi en charge du futur plan d’aide à la formation continue, le «Skills-Plang».
Le Forum économique mondial estime que 95 % des personnes occupant un emploi à haut risque d’automatisation ou de transformation ont des perspectives d’emploi viables et désirables, en passant par une formation qui peut durer entre quelques mois et deux ans.
En 2018, déjà, le gouvernement avait lancé le projet pilote «Luxembourg Digital Skills Bridge» (LDSB) afin de tester la pertinence d’un accompagnement des entreprises dans cette grande transformation des emplois.