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Des lycéens lancent leurs mini-entreprises aux quatre coins du pays


Benoît Legentil s’est formé tout seul à la création de lampes en bois. Il gagne en visibilité avec sa mini-entreprise. (Photo Fabrizio Pizzolante)

Chaque année, les jeunes tentent de se démarquer avec leurs mini-entreprises. Plus qu’un projet de lycéen, c’est l’occasion pour eux de se confronter au monde de l’entreprise et à ses défis.

JonkJob.lu ressemble à une plateforme on ne peut plus professionnelle. Elle part d’une idée simple, mais efficace, mettre en contact des jeunes qui veulent gagner un peu d’argent avec des adultes qui ont besoin de services : déménagement, lavage de voiture, babysitting, cours de soutien, pet-sitting ou encore jardinage.

Pourtant, derrière ce concept qui cartonne puisque plus de 300 élèves lycéens et étudiants sont déjà inscrits, se cachent deux jeunes lycéens, Liv Pekels, 17 ans et Philippe Pividor, 18 ans, tous deux élèves au lycée Robert-Schuman. Ils sont partis d’un constat en voyant leurs copains chercher ce type de jobs ponctuels qui ne les engagent pas et se sont lancés grâce à Jonk Entrepreneuren Luxembourg.

Premières leçons et premiers obstacles

«Je m’intéressais à l’économie de façon générale et plus précisément à celle de l’entreprise», explique Philippe qui essaye de devenir entrepreneur de carrière et pourquoi pas d’ailleurs avec ce projet de lycéen qui semble prometteur. Il a vu dans Jonk Entrepreneur l’opportunité de se faire «des connexions, de rencontrer du monde». Pour Liv, également intéressée par le milieu de l’entrepreneuriat, c’est l’occasion «d’ouvrir beaucoup de portes pour en apprendre davantage sur le business et de travailler en groupe».

Dans le cadre du festival des mini-entreprises, eux et plusieurs dizaines d’autres élèves de lycées de tout le pays faisaient découvrir à tour de rôle leur travail aux visiteurs, dans les deux pop-up stores rue Phlippe-II à Luxembourg.

Et les premières leçons s’acquièrent dans la pratique, avec les premiers obstacles : «Nous avons eu des adultes pas très sérieux qui se sont inscrits sur la plateforme, raconte Liv. Ils ont demandé un service et n’étaient pas présents à la maison au moment du rendez-vous. Ce sont des expériences pas très heureuses qui nous ont beaucoup surpris», avoue Liv. Les jeunes entrepreneurs ont su rebondir en décidant de payer tout de même les jeunes qui s’étaient déplacés.

Pour l’instant, en quatre mois, entre 35 et 40 services ont été réalisés par des jeunes. Certains clients sont déjà revenus, une preuve de satisfaction.

Une évolution tout au long de l’année

Pour éviter de faire des impairs, Liv et Philippe ont pu discuter avec des juristes afin de s’assurer de la légalité à toutes les étapes. Cette mise en relation avec des experts, des personnes issues du monde professionnel «pas forcément des entrepreneurs, cela peut être un comptable ou autre», précise Claudia Da Silva, coordinatrice pour Jonk Entrepreneuren, c’est l’une des promesses du projet. «Ils ont des coachs qui leur donnent un retour sur leur business plan ou les aident à trouver des fournisseurs et des clients. On leur offre aussi des formations tout au long de leur parcours.»

Jonk Entrepreneuren leur permet aussi d’avoir une vitrine, c’est ce qui a séduit Benoît Legentil qui fabrique des lampes en bois dans sa cave depuis des années. Une passion pour le travail du bois qui l’a conduit à s’équiper et à apprendre les secrets de cet art sur YouTube, tout seul et le résultat est époustouflant. Lampit design, que l’on peut retrouver sur Instagram, offre une petite gamme en édition limitée de lampes aux allures géométriques, un peu rétro et élégantes.

Liv et Philippe cartonnent avec leur plateforme JonkJob.lu. (Photo Fabrizio Pizzolante)

«Le bois de cette lampe vient d’un pommier de mon jardin. Celle-ci du bois de ma famille en France et quand je dois en acheter je prends de la très bonne qualité dans une forêt gérée de façon écoresponsable. J’adore le bois, je ne veux surtout pas contribuer à la dévastation des forêts», explique le jeune homme de 20 ans, du lycée ALT Redange, qui est le seul dans les deux boutiques pop-up stores de la Ville de Luxembourg, prêtés la semaine dernière aux mini-entrepreneurs, à se lever pour répondre aux questions des visiteurs et aller au-devant des questions.

Des réflexes de marketing qui s’acquièrent au fur et à mesure des mois de l’aventure. «Nous les voyons évoluer tout au long de l’année. Certains sont très timides au début et ont les observe ensuite gagner en assurance. C’est aussi l’un des objectifs de Jonk Entrepreneuren. Ils apprennent des choses qui leur serviront toute leur vie, que ce soit dans la vie personnelle ou professionnelle. On organise notamment une formation pour se mettre dans la peau du client durant laquelle ils travaillent sur l’empathie», précise la coordinatrice.

Des idées qui se veulent écoresponsables

Avant les pop-up stores, les jeunes ont pu tester le succès de leurs produits en les proposant à la vente dans le centre commercial la Belle-Étoile. Une trentaine de lampes entre 35 et 115 euros se sont vendues comme des petits pains. Les sacs en pulls recyclés de la mini-entreprise Up-Tote eux aussi sont partis en quelques heures. «Nous avons presque épuisé tout notre stock», expliquent Benedetta Gnagni (17 ans) et Elza Hoti du lycée Hubert-Clément qui ont choisi l’option Jonk Entrepreneuren pour savoir comment une entreprise fonctionne.

Avec leurs trois acolytes, elles avaient pour ambition de faire un projet écoresponsable, une préoccupation qui revient souvent dans cette jeune génération, mais le chemin a été semé d’embûches : «Nous avons eu beaucoup de mal à trouver un fournisseur. Nous avons dû en contacter une cinquantaine», s’exclament-elles encore étonnées d’avoir eu à affronter de telles difficultés.

«Soit ce n’était pas possible, soit trop cher, soit il aurait fallu qu’on commande de trop grandes quantités dont des habits en mauvais état et pas que des pulls.» La difficulté ne s’est pas arrêtée là, il a fallu ensuite trouver un atelier de couture avec des prix accessibles pour les jeunes entrepreneurs. Un parcours du combattant jusqu’à conclure un accord avec l’atelier Naxi d’Esch-sur-Alzette. Celui-ci assure la formation et l’insertion de femmes en détresse, ce qui ajoute une dimension sociale au projet.

Le 9 juin aura lieu la finale des mini-entreprises. Cela laisse encore un peu de temps aux jeunes pour roder leur entreprise et la présenter au mieux devant un jury.

450 participants issus de 23 lycées

Le programme Mini-Entreprises amène les élèves à créer et gérer une entreprise pendant toute une année scolaire tout en étant coachés par leur enseignant et en bénéficiant des conseils d’un intervenant de l’économie «pour sortir du cadre scolaire», précise Claudia Da Silva, coordinatrice pour Jonk Entrepreneuren.

Un programme qui se fait au niveau international grâce au réseau Junior Achievement et qui est géré au Grand-Duché depuis 2005 par l’ASBL Jonk Entrepreneuren. Une association créée dans le cadre du «Plan national pour l’innovation et le plein-emploi». L’ASBL a plusieurs programmes dont le but est toujours d’insuffler l’esprit et le goût d’entreprendre.

«Il faut que les jeunes comprennent que l’entrepreneuriat est une possibilité de carrière», martèle la coordinatrice dans un pays ou l’esprit d’entreprise n’est pas une évidence chez la jeune génération. «Cela participe aussi à leur développement personnel, créatif, organisationnel ou de leadership. Ils doivent prendre des initiatives, trouver et gérer de l’argent pour de vrai.»

Cette année, 450 élèves de 23 lycées différents participent au projet, ce qui a abouti à la création de 85 mini-entreprises. Certains y participent spontanément, d’autres par obligation dans le cadre de leur programme scolaire avec plus ou moins d’implication.

À chaque édition quelques sociétés survivent, mais ce n’est pas l’essentiel. L’important est que l’idée germe dans leurs têtes et fassent leur chemin, pour peut-être une future carrière. «Et même s’ils réalisent que par exemple le leadership ce n’est pas fait pour eux, au moins ils auront appris quelque chose qui peut les empêcher de faire une erreur d’orientation plus tard», conclut Claudia Da Silva. Bref, une expérience qui ne peut être que bénéfique.

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