Alors que le changement du climat impacte désormais leur activité, les exploitants de campings au Luxembourg s’organisent pour trouver des solutions concrètes et durables, face au risque d’inondation notamment.
Comment continuer sereinement à exploiter un camping alors que chaque saison, les crues de la Moselle, de la Sûre ou de l’Our, menacent ces sites touristiques ? L’association Camprilux, qui regroupe 56 campings parmi les 76 que compte le pays, a décidé d’établir un plan de bataille contre les effets du changement climatique.
«Nos campings ont subi plusieurs inondations dévastatrices ces dernières années. On ne pouvait plus rester les bras croisés», explique la présidente de l’ASBL depuis 2019, Florence Kirtz-Bertemes. «Les vents dans la région ont changé, les pluies se concentrent davantage à certains endroits quand d’autres subissent maintenant la sécheresse», note la propriétaire du camping Tintesmühle près de Heinerscheid.
Des problématiques propres à chacun
Avec l’appui d’experts scientifiques et de consultants spécialisés, l’association a lancé une vaste étude sur les conséquences du changement climatique pour les campings luxembourgeois, dont les conclusions ont été présentées en mars dernier aux exploitants. Mieux informés, certains ont pu être accompagnés dans la mise en œuvre de mesures de protection. Chaque site ayant ses propres problématiques.
«L’idée n’est pas d’arriver à zéro dégât, mais de trouver des solutions réalistes : elles existent et doivent être mises sur la table. Les autorités doivent entendre notre voix, car nous contribuons aussi à l’économie locale et nationale», réclame la présidente.
Cinq campings ont donc été passés au crible par un organisme allemand, Ecocamping, chargé de déterminer les pistes les plus efficaces pour prévenir les conséquences d’une soudaine montée des eaux. Objectif : que ces cinq cas pratiques servent ensuite d’exemple à d’autres établissements.
Il est ainsi envisageable, à certains points d’un cours d’eau, d’enlever des tonnes de roches charriées par les eaux lors des dernières inondations et qui sont restées, depuis, au fond des rivières, réduisant d’autant leur profondeur : «On peut refaire le lit de la rivière, sauf dans les zones protégées, comme c’est le cas chez nous, à cause des engins que ces travaux d’envergure nécessitent», regrette Florence Kirtz-Bertemes.
Échanges et coordination pour contrer les crues
Pour consolider des rives en proie à l’érosion, les experts préconisent également d’installer de gros rochers ou de solides branchages entremêlés. Ce qui a pu être réalisé dans certains campings. Là encore, tout dépend du site, mais d’autres changements sont applicables partout : «Dans les bâtiments sanitaires, on peut placer des supports le long des portes dans lesquels on glisse des plaques en cas de crue. Les boîtiers électriques et d’autres installations peuvent être surélevés», détaille l’exploitante.
En parallèle de ces solutions sur mesure, le réseau Camprilux a noué des contacts étroits avec chacun des acteurs impliqués dans la gestion de l’eau au Luxembourg : «On a maintenant un groupe WhatsApp pour échanger plus facilement. Il est indispensable qu’on travaille de manière coordonnée», poursuit-elle, citant la SEO (société électrique de l’Our) en charge du barrage d’Esch-sur-Sûre, avec laquelle la communication est désormais établie.
«En cas de fortes pluies, ils peuvent réguler, retenir l’eau au barrage et la relâcher progressivement, d’où l’importance de collaborer. Ils nous informent systématiquement», souligne-t-elle. Une nouvelle façon de faire, appelée à devenir la norme : «On veut poursuivre dans ce sens», annonce la présidente de Camprilux, tandis qu’une nouvelle rencontre de tous les acteurs est déjà programmée pour 2023.
La nuit du 14 juillet 2021, l’Our, qui borde le camping Tintesmühle, sort soudainement de son lit : «Mon père, qui a 83 ans, n’avait jamais vu l’eau monter à cette vitesse», raconte Florence Kirtz-Bertemes. Le niveau grimpe de quatre mètres en quelques heures à peine et engloutit le petit camping familial, que la jeune femme a repris en 2014, après un début de carrière dans la banque.
Des agriculteurs des environs sont appelés en renfort pour sortir les caravanes des flots à l’aide de leurs tracteurs, tandis que les campeurs évacuent. Le Feierbich, petit ruisseau qui traverse le camping, s’est transformé en torrent, emportant avec lui des tonnes de gravats. Le plus important, aucun blessé n’est à déplorer.
«Il y a eu beaucoup de solidarité. D’autres campings ont accueilli en urgence des clients sinistrés», souligne la gérante, décrivant des lendemains difficiles, «des instants où on se demande si on doit continuer», se souvient-elle.
La sidération passée, c’est la course contre la montre pour rouvrir le plus vite possible, accueillir à nouveau des clients et limiter les pertes financières que les aides de l’État ne suffiront pas à compenser. «Les aides remboursent le mobilier perdu et les travaux, mais pas le manque à gagner d’une fermeture», pointe Florence Kirtz-Bertemes.
Avec le soutien de son équipe et des campeurs, au prix d’un travail acharné, elle remettra finalement son camping en état en deux semaines. Au total, 39 campings ont subi de lourds dégâts lors de ces inondations qualifiées d’«historiques». Trois n’ont pas rouvert leurs portes.