Le Luxembourg va augmenter son effort de défense à 558 millions d’euros en 2024, soit 0,72 % du PIB. Pour atteindre les 2 %, réclamés par l’OTAN, l’enveloppe devrait passer à 1,7 milliard d’euros. Explications.
Interrogé le 7 mars dans nos colonnes, l’ambassadeur des États-Unis au Luxembourg, Tom Barrett, indiquait que Washington «admettait» que le Luxembourg consacre moins de 2 % de son PIB à sa politique de défense. La donne a cependant changé avec l’invasion russe en Ukraine. «Cette crise est un moment clé pour le Grand-Duché s’il veut démontrer son attachement à l’OTAN», avait souligné Tom Barrett, se disant néanmoins convaincu que le Luxembourg «comprendra que la crise actuelle constitue un test. Un test que le Luxembourg finira par passer avec brio».
Au ministère de la Défense et au sein de l’État-major de l’armée, les préparatifs pour passer ce test sont pleinement engagés. L’objectif est de présenter une stratégie lors du sommet de l’OTAN prévu en juillet à Madrid. S’il dit avoir conscience que le Luxembourg doit renforcer sa contribution dans l’Alliance de défense transatlantique, le ministre François Bausch reste toutefois «radicalement opposé» à augmenter le budget consacré à la défense à 2 % du PIB. Cet objectif ne serait «ni réaliste ni réalisable».
Ce lundi, François Bausch s’est présenté face à la commission parlementaire de la Défense pour expliquer, chiffres à l’appui, pourquoi le Grand-Duché ne sera pas à même de remplir le seuil arrêté en 2014 par l’OTAN. «Au vu des discussions sur le plan international et européen, il est important d’objectiver le débat», affirme le ministre déi gréng. L’objectif aléatoire de 2 % serait problématique à plus d’un titre. «Nous sommes à la fois désavantagés par notre niveau élevé du PIB et la taille réduite de notre armée», développe François Bausch.
Le produit intérieur brut par tête d’habitant est 2,6 fois supérieur à celui de la Belgique, 2,2 fois à celui des Pays-Bas et 5,8 fois à celui de la Lituanie. En partant du PIB luxembourgeois (103 000 euros par habitant), la Lituanie devrait dépenser non pas 1,03 milliard d’euros par an, mais bien 6 milliards d’euros pour maintenir son seuil de 2,12 %. La Belgique devrait passer de 4,7 à 12,3 milliards d’euros pour rester à 1,05 % tandis que les Pays-Bas devraient débourser 25,3 milliards d’euros au lieu de 11,5 milliards d’euros pour maintenir les 1,47 % du PIB.
Un autre calcul a été présenté, ce lundi : pour permettre au Luxembourg d’atteindre dès 2024 les 2 % du PIB consacrés à la défense, le budget annuel devrait atteindre les 1,7 milliard d’euros à l’horizon de 2030. «J’ai beaucoup discuté avec notre chef d’état-major et il partage l’avis du gouvernement. Débloquer un tel budget n’a pas de sens. Il nous faut continuer à investir en restant les deux pieds sur terre», insiste François Bausch.
La trajectoire définie ne sera donc pas revue à la hausse en raison de la guerre en Ukraine. Le budget de défense va passer de 464 millions d’euros en 2022 (0,65 % du PIB) à 558 millions d’euros en 2024 (0,72 %). «Entre 2009 et 2013, le budget alloué à la défense tournait autour des 0,39 % du PIB. C’est un simple constat chiffré. En 10 ans, nous allons quasiment doubler cet investissement», fait remarquer le ministre de la Défense.
Il avance un autre chiffre : l’investissement direct du Luxembourg à l’échelle de l’OTAN est le double de ce qui est réclamé. L’effort de défense par soldat (l’effectif actuel est de 1 000 soldats) est parmi les plus élevés (470 000 euros contre 360 000 euros pour un soldat américain). Il en va de même pour l’effort de défense par tête d’habitant (594 dollars en moyenne contre 521 dollars à l’échelle de l’OTAN, hors États-Unis).
Pour convaincre ses alliés, le Luxembourg va continuer à investir dans ses domaines de prédilection : la surveillance militaire, les drones, le spatial, la cyberdéfense, mais aussi la coopération bilatérale, notamment avec la Belgique. Dans ce contexte, le principe de l’investissement partagé entre pays membres de l’UE pour acquérir du matériel militaire va entièrement dans le sens du Grand-Duché, plaidant depuis longtemps pour la formule «mutualisation et partage».
Tous les 3 ans, 36 avions de chasse F-35…
Avec un budget annuel de 1,7 milliard d’euros, le Grand-Duché pourrait se procurer tous les 3 ans l’équivalent du programme F-35 de la Belgique. La composante air de l’armée belge envisage l’acquisition de 34 avions de chasse pour un budget de 3,6 milliards d’euros. Même en y ajoutant les frais d’exploitation, chiffrés à 400 millions d’euros par an, le Luxembourg n’épuiserait toujours pas son enveloppe.
Autre exemple de calcul : avec cette même enveloppe, le Luxembourg devrait acquérir tous les ans un satellite d’observation (180 millions d’euros), un satellite de communication (200 millions d’euros), un avion ravitailleur du type MRTT (220 millions d’euros), un avion de transport du type A400M (200 millions d’euros) et 80 véhicules tactiques (367 millions d’euros).
Le cas échéant, le budget de la Défense représenterait 7,5 % du budget de l’État. En 2022, 2,1 % du budget public est consacré à l’effort de défense.