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Dealer et prostituée tués : «L’argent a pu être le mobile du crime»


L'enquêteur de la police judiciaire ne croit pas en la version d'Alden S. qui dit s'être fait entraîner dans cette affaire par Lee K.(Photo : Fabienne Armborst)

L’un des deux prévenus dans le procès des homicides de Leudelange et du Fräiheetsbam était criblé de dettes. Des dettes à hauteur de 100 000 euros !

Absent jeudi à la suite d’un malaise à Schrassig, le prévenu Lee K. était de retour vendredi matin lorsque l’enquêteur a livré les conclusions de son rapport de 250 pages. Avec une compresse sur le sourcil côté droit, il a pris place à côté d’Alden S. Les deux hommes se renvoient toujours la balle. Aucun ne veut avoir tué le dealer…

Si l’on suit sa version, Alden S. voulait seulement aller boire un verre avec Lee K., ce soir du 9 novembre 2016. Quand d’un seul coup il s’est retrouvé avec le cadavre du dealer nigérian dans la voiture. Une version qui ne convainc pas l’enquêteur de la police judiciaire. D’après lui, difficile de croire qu’Alden S. s’est fait entraîner dans cette affaire, comme il le prétend.

Pourquoi retrouve-t-on ses 17 appels lors desquels il tente de joindre Lee K.? Pourquoi se rendent-ils jusqu’à Luxembourg, alors qu’ils se trouvent à Esch, si c’était pour boire un simple verre? Sans oublier que la présence du pistolet Walther P99 dans une sacoche sur la banquette arrière de la Mercedes A170 n’a rien d’anodin. Enfin, il y a eu tous les échanges téléphoniques entre Lee K. et le dealer jusqu’à ce qu’ils arrivent dans le quartier de la Gare où ils l’ont rencontré une première fois. Avant que le tireur ne passe à l’acte, il a bien fallu aussi préparer l’arme. «Charger le pistolet et monter un silencieux ne se fait pas en cinq secondes.»

«Alden S. aurait pu dire « stop »»

Pour l’enquêteur, impossible qu’Alden S. n’ait pas été au courant de ce qui se tramait. «Lors des préparatifs, il était présent, il aurait pu dire « stop » ou bien à tout moment quitter la voiture à un feu rouge.» Le fait aussi qu’il n’ait rien signalé à la police ou encore qu’il ait continué à communiquer avec Lee K. après qu’ils avaient déposé le cadavre dans la forêt entre Leudelange et Schléiwenhaff intrigue.
«S’il n’était pas du tout préparé au tir dans le véhicule, il aurait dû s’effrayer et freiner à bloc. Mais rien de tel n’a été rapporté», a encore constaté le procureur d’État adjoint, David Lentz, vendredi au 8e jour du procès.

À l’époque, la situation financière du duo n’était pas mirobolante. Selon les calculs de l’enquêteur, Lee K. avait près de 100 000 euros de dettes. Si Alden S., pour sa part, n’était pas endetté, son compte en banque ne présentait guère d’économies. Et depuis fin septembre, il était sans travail. L’enquêteur en arrive donc à la conclusion que «l’argent a pu être le mobile du crime».

190 échanges téléphoniques les six derniers mois

Parmi les contacts d’Alden S., l’enquête a pu retracer un homme bien connu par le SREC Esch pour avoir attaqué et volé des dealers africains. Vu leurs 190 échanges téléphoniques les six derniers mois, il est fort probable qu’Alden S. était au courant de ces agressions. Et il peut y avoir des parallèles avec l’agression sur le dealer nigérian… Lee K. et Alden S. avaient en effet détroussé le cadavre emportant une boule de cocaïne de 5g, son portefeuille et son portable.

Pour la mort de la jeune prostituée quatre jours plus tard, la conclusion de l’enquêteur est toutefois claire : «Selon les données téléphoniques et caméras de vidéosurveillance, il est impossible qu’Alden S. ait été impliqué.» Sur demande du procureur d’Etat adjoint, l’enquêteur a précisé qu’il n’est techniquement pas possible qu’il soit venu chercher la Mercedes A170 entre 20 h et 21 h et qu’il l’ait retournée vers 22 h 30. Ce que prétend toutefois Lee K. Il est en effet établi que la victime a aussi été tuée dans l’habitacle de sa Mercedes A170 le 13 novembre 2016 au soir. Le corps sans vie avait été retrouvé sur le parking du Fräiheetsbam au petit matin.

«Et war jo net keen…»

À part Lee K., l’enquête n’a permis d’identifier aucun autre suspect. Divers éléments font qu’il est «fortement soupçonné» d’avoir commis ce crime. Son indication qu’il était venu se promener la veille avec son chien sur le parking, là où a été retrouvé le cadavre, son message le soir à sa petite amie «que demain» il aurait «de nouveau de l’argent», mais également la confidence à un ami, le 14 novembre au matin, que la prostituée a été tuée d’une balle dans la tête. Comme à ce moment ce détail n’avait pas encore filtré dans la presse, pour l’enquêteur il s’agit de l’une des preuves qu’il disposait d’informations d’initié. La mort de la prostituée lui aurait rapporté 7 euros, avait-il par ailleurs déclaré à cet ami. Avec la précision : que «chaque centime compterait»…
Le procès se poursuivra mardi matin. Après l’audition des derniers témoins, ce sera au tour des prévenus de s’expliquer. Les deux hommes camperont-t-ils sur leurs positions respectives? «Et war jo net keen…» («Ce n’était pas personne»), a soulevé le procureur d’État adjoint reprenant par-là la phrase que le procureur général d’État Robert Biever avait utilisée pour l’affaire Bommeleeër il y a quelques années.

Fabienne Armborst

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