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De Läb : dix ans de hip-hop luxembourgeois


Le groupe de rap De Läb va fêter ses dix ans avec un concert vendredi soir à la Rockhal (Photo : Anne Lommel).

De Läb célèbrera ses dix ans vendredi à la Rockhal. L’occasion idéale pour faire le point avec David Galassi, un des fondateurs, sur cette incroyable aventure.

De Läb fêtera vendredi ses dix ans en se produisant en concert. Dix ans, ça vous fait quoi?
David « Fluit » Galassi : Dix ans, ça fait bizarre! Enfin, plus de dix ans désormais, puisque la première fois où on a vraiment commencé à bosser sur le projet c’était l’été 2006 et que notre première manifestation publique était « Dudelange on Wheels » le 07-07-2007. C’était notre premier concert et la date de sortie de notre premier EP. Depuis, on a évolué. On est moins cons qu’avant.
Comment est né De Läb?
Au départ, il y avait Spenko, notre beatmaker, Corbi et moi. Après un an et demi, Spenko a décidé de se concentrer sur ses études de graphisme, je pense donc qu’il a fait le bon choix (il rit). Tout a commencé à Trèves en fait. À l’époque, il n’y avait pas de hip-hop au Luxembourg, mais il y avait à Trèves des concerts de hip-hop qu’on kiffait, on se voyait donc toujours là-bas. J’étais DJ alors, j’avais des tourne-disques, Corbi, lui, avait un micro. On a alors commencé en 2003 à faire des freestyles, des impros dans la cave de ma mère. Mais c’était un peu n’importe quoi au départ.
Et depuis : trois EP, trois albums et surtout plusieurs dizaines de concerts. Avez-vous un chiffre?
Autour des 200. Presque tous au Luxembourg.
Jusqu’où êtes-vous allés?
Jusqu’à Thionville (il éclate de rire). Non, on a aussi joué une fois à Groningue, aux Pays-Bas, lors du festival de showcases, l’Eurosonic.
Quoi qu’il en soit, De Läb a une place à part dans la scène musicale luxembourgeoise. Êtes-vous conscients d’être devenus une sorte d’icône nationale, comme le Grand-Duc ou Superjhemp?
Ça c’est vous qui le dites, hein, pas moi! (Il rit) Juste une anecdote. Notre premier EP, Wourecht, on l’a produit seuls, dans notre coin. On l’a gravé nous-mêmes sur des CD, on a imprimé nous-mêmes les couleurs, puis mis la laque pour les fixer, etc. C’était home made, un délire. On avait même mis dessus un autocollant disant que c’était merdique. Quelques mois plus tard, les radios commencent à nous appeler pour jouer nos morceaux. On était super surpris. On ne s’attendait pas à ce que ça marche. Pourtant, rapidement, on a dépassé la seule scène rap et des rockeurs, voire des métalleux, ont commencé à venir à nos concerts. Je pense qu’on peut s’identifier à nos textes sans nécessairement être un hip-hopeur, puisqu’on parle du quotidien luxembourgeois. Et puis, c’est peut-être parce qu’on est arrivés à un moment où le public avait envie d’entendre plus la langue luxembourgeoise.

 


Et à quel moment ça a commencé à marcher?
Ça a pris au fur et à mesure. D’abord quelques radios qui ont commencé à jouer nos morceaux, puis on a commencé à donner quelques interviews, puis on nous a proposé de jouer au Rock um Knuedler, plus tard au Rock-A-Field. On pensait qu’on n’irait jamais là parce que c’était trop mainstream. Franchement, on s’attendait à que dalle, alors bien sûr, ça nous a surpris. Surpris de voir qu’avec un son à l’ancienne, loin du mainstream, du gangsta rap, etc., ça pouvait marcher quand même. On a pris la réalité luxembourgeoise comme sujet de nos textes. On a voulu raconter ce qu’on vivait ici, avec ironie et sarcasme, au lieu d’écrire n’importe quoi.

Justement, vous êtes très critiques dans vos textes envers la société luxembourgeoise. Vous n’avez jamais eu de problèmes?
On a eu de petites remarques, mais jamais rien de bien grave. Par contre, une fois, on devait jouer devant le Grand-Duc. On nous a demandé les textes qu’on allait chanter et la Cour a refusé qu’on chante certaines paroles. Du coup, nous, on a refusé de jouer tout court.
Ça n’a pas empêché De Läb d’évoluer. Vous étiez deux, puis trois, puis quatre. Dernièrement, vous vous êtes produits avec tout un orchestre, et vous avez joué aussi des premières parties de grands noms du rap de passage au Luxembourg.
Oui, c’est vrai. Celle d’IAM, entre autres, qui reste, pour moi, un des plus grands moments de ma carrière. Après on a fait la première partie de Snoop Dogg ou encore de KRS-One.
Ça ne vous a jamais donné envie de suivre ces groupes en tournée hors des frontières grand-ducales? De faire des choses avec d’autres gens, dans d’autres langues?
On a fait quelques featurings avec des potes d’autres pays, ne serait-ce que KRS-One, où on entend aussi d’autres langues, mais jamais on n’a pensé changer la langue dans laquelle on chante, nous.
Avec tout ce que vous avez fait, on pourrait croire que vous roulez sur l’or. Qu’en est-il?
Avec le rap, au Luxembourg, tu ne roules pas du tout sur l’or! En gros, tu vis toujours chez ta maman (il rit). Au Grand-Duché, il n’y a pas un marché pour la musique, surtout quand tu chantes en luxembourgeois. Il y a les diffusions radio pour lesquelles t’es payé en droits d’auteur, mais ça reste de l’argent de poche. Ça te permet de financer tes prochains projets, mais tu ne vis pas de ça. On a tous des métiers à côté pour vivre.
En dix ans, comment, selon vous, a évolué la scène luxembourgeoise?
La scène rap a explosé. Avant, il n’y avait quasiment rien. Aujourd’hui, il y a plein de rappeurs.
Avec De Läbbel, vous avez aussi contribué à ça.
Disons qu’on a donné un coup de pouce à quelques jeunes.


Vous êtes un peu les parrains du rap luxembourgeois.
Ouais, je ne sais pas. Si vous voulez. En tout cas, ce n’est pas à moi de décréter ça. Mais pour revenir à l’évolution, il faut bien voir qu’on a commencé pendant l’année culturelle 2007. Une année qui a déclenché tellement de choses. Avant, dans un mois, t’avais quoi? Cinq bons concerts. Désormais, t’en as cinq par jour! L’évolution est incroyable.
Et la société grand-ducale, elle aussi a évolué?
Oui. Je le vois pas mal avec les jeunes. Les réseaux sociaux ont changé plein de choses, en bien comme en mal. Mais bon, c’est comme ça. Je trouve que les esprits sont plus ouverts qu’avant, les gens s’informent plus, échangent plus, regardent plus ce qui se passe en dehors des frontières. Prenons l’exemple du rap. Avant, ma grand-mère ignorait de quoi il s’agissait, maintenant tout le monde sait ce que c’est.
Que vous reste-t-il à accomplir en tant que groupe?
Je pense qu’on a fait tout ce qu’on pouvait faire au Luxembourg. Donc, maintenant, on va faire ce concert avec l’Orchästra, quelques autres dates déjà prévues et, après, on va prendre notre temps. On a de moins en moins de temps pour se voir ou passer ensemble en studio. On va donc continuer à faire de la musique, écrire de nouvelles chansons, faire évoluer notre son, mais avec moins de pression, moins de contraintes, moins de stress. Désormais, s’il nous faut cinq ans pour sortir un album, ce n’est pas grave, ça prendra cinq ans.
Vendredi, vous allez jouer avec votre Orchästra, qui réunit un peu la crème de la crème, avec Benoit Martiny, Priscila da Costa, Remo Cavallini, Michel Pilz, etc.
C’est clair : il y a des bons! Il va aussi y avoir de nombreuses premières parties. On commencera avec Headmasta et Mononome, deux sets de live beatmaking. Suivra une « De Läbbel session », avec presque tous les rapeurs du Läbbel : Maka MC, BC One, Edel Weis, Don Gio, Hotrox ainsi que DJ Funkstarr. Ensuite, il y aura l’Orchästra avec plein de surprises et des invités spéciaux avec qui on reprendra les meilleures chansons des différents CD de De Läb, qu’on a entièrement réorchestrées. Tous les sons sont organiques, live. Le DJ ne va faire que des scratches. Puis, il y aura une after party jusqu’à 3 h du matin. Ça va durer pas loin de sept heures, comme un petit festival.

Pablo Chimienti

Rockhal – Esch-Belval.
Vendredi à partir de 20 h 30.

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