On l’a connu à la basse, à la guitare et aux claviers dans divers groupes d’importance (Balboa, Metro, Mount Stealth). Cette fois-ci, sous le nom de Gregario, David André lance son propre projet, accompagné d’un seul piano et d’un batteur. Son premier EP sort même ce vendredi. Entretien.
Il a souvent été dans l’ombre et ne s’en est jamais plaint. Voilà des années maintenant que David André sillonne les scènes du Luxembourg et d’un peu plus loin avec la même retenue. Tranquille, attentif à sa musique et à celle de ses camarades de jeu. En 2018, pour les Congés annulés des Rotondes, voilà qu’il tentait l’exercice du solo. Un saut dans le vide, sans filet, qui restera unique, puisque, depuis, son projet Gregario ne donnait aucun signe de vie.
Aujourd’hui pourtant, c’est sous ce nom qu’il sort un premier EP (Whistleblowers), six titres qui ont vu le jour fin 2019-début 2020 aux Unison Studios, sous les mains de Tom Gatti. Des morceaux délicats et planants portés simplement par un piano et la douce batterie de Paul Fox. Des compositions discrètes, à l’image de l’homme, qui semble désormais préférer Nils Frahm à Tortoise.
Maintenant, vous vous présentez sous le nom de Gregario. Qu’est-ce que cela signifie?
David André : Il y a là une double signification. D’abord l’adjectif « grégaire », cette tendance à vivre en groupe, et en italien, dans le milieu du cyclisme, le terme se réfère aussi à l’assistant, l’équipier, le porteur d’eau, le fidèle lieutenant. Il colle bien à mon projet, à savoir me lancer en solo alors que je suis habitué à jouer en équipe…
Ce nouveau projet n’en est pas vraiment un puisque vous avez joué aux Congés annulés en 2018. Était-ce un départ prématuré?
Ce « showcase » a été plein d’enseignements (il rit). J’avais, disons, sept-huit morceaux dans mon répertoire, essentiellement au piano. Avant de monter sur scène, j’ai eu un trac mais vraiment de fou! Ça a été une drôle de soirée… Et puis, après ce concert, j’ai commencé à poser, sur mes chansons, des pistes de batterie. Ça donnait une dynamique, même si une part d’intimité disparaissait au passage. Oui, c’était convaincant! J’ai alors cherché quelqu’un pour remplir ce rôle, sans succès au départ, ce qui m’a permis parallèlement de continuer à composer. Paul Fox s’est finalement joint à moi pour l’enregistrement.
C’est le piano qui est ici central. C’est avec lui que tout démarre
Vous n’êtes plus vraiment seul, alors?
S’il y a des concerts à venir, être soutenu par un batteur me permettra au moins de ne pas revivre la même douloureuse expérience (il rit). Non, mais il y aura toujours des morceaux sans batterie, comme c’est le cas avec ce premier EP (NDLR : la chanson Song for Sasha). De toute façon, c’est le piano qui est ici central. C’est avec lui que tout démarre.
Pourquoi ce virage stylistique?
C’est la crise de la quarantaine! Non, en 2018 toujours, j’avais sous la main certains titres qui semblaient disposés à être plus électroniques. Je les ai réarrangés et j’ai été pris dans une sorte de tourbillon créatif. J’en ai alors composé d’autres. Ainsi, rapidement, j’ai eu toute une série de morceaux qui tenaient la route, au feeling et au dénuement qui me plaisaient bien.
Si l’on devait comparer Gregario à l’un de vos anciens groupes, Mount Stealth en serait le plus proche. C’est tout aussi instrumental et planant…
J’ai toujours aimé les trucs atmosphériques, impressionnistes aussi, qui laissent l’auditeur faire son propre film, dans sa tête. Oui, une mélodie peut toucher plus intensément qu’une phrase.
On est un peu comme ces lanceurs d’alerte qui se prennent des murs. Quand on fait de la musique instrumentale, est-on toujours aussi bien entendu que quand quelqu’un chante?
Votre EP se nomme Whistleblowers (NDLR : Lanceurs d’alerte). De quoi nous avertissez-vous?
On est un peu comme ces lanceurs d’alerte qui se prennent des murs. Quand on fait de la musique instrumentale, est-ce que l’on est toujours aussi bien entendu que quand quelqu’un chante? C’est là tout le dilemme… Et puis, basiquement, le terme sonne bien aussi. C’est un avantage!
Deux ans pour un EP, n’est-ce pas un peu long?
C’est vrai, ça a pris du temps, mais ça m’a permis de réécouter des trucs, d’enlever, de rajouter, de couper… D’être patient aussi avec tout ça, qui est totalement neuf, alors que j’ai plutôt tendance à fonctionner au premier jet. D’une certaine façon, j’ai appris à me freiner. Mais aujourd’hui, il y a au moins le double de chansons qui sont déjà terminées! D’ailleurs, si tout se goupille bien, une seconde partie devrait arriver à la fin de l’automne.
Devant le déconfinement progressif, on voit que certains établissements culturels (Rotondes, Neimënster…) commencent à reprogrammer quelques concerts en août, avec essentiellement des artistes locaux. Aimeriez-vous que Gregario en fasse partie?
Je ne sais pas encore. Mais disons que c’est dans l’ordre des choses! On ne fait pas de la musique seulement pour créer des morceaux, mais aussi pour les partager avec d’autres, sur scène. Après, si c’est le cas, je vais devoir trouver un batteur disponible, car Paul Fox est très demandé.
Quelqu’un d’imposant alors, derrière lequel vous pourrez, au cas où, vous cacher…
(Il rit) Oui, avec une énorme grosse caisse!
Entretien avec Grégory Cimatti
Whistleblowers, de Gregario. Disponible dès aujourd’hui sur toutes les plateformes. https://gregario.bandcamp.com