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Dans la tête de Salvador Dalí


Fins connaisseurs de l’histoire de l’art, Julie Birmant et Clément Oubrerie, après avoir brossé la jeunesse de Pablo Picasso, s’attaquent à un autre monument : Salvador Dalí.

L’histoire

Paris, novembre 1929. Pablo Picasso discute avec son ami Paul Éluard. Il est énervé contre Salvador Dalí qui, du haut de ses 25 ans, est un drôle de coco, vieux et jeune à la fois, un peintre au talent sidérant, à l’intelligence vrombissante, prêt à tout. Il n’aime pas sa technique, sa façon de parler, d’être. Pourtant, c’est le poète qui devrait être le plus contrarié des deux, car le peintre catalan fréquente sa femme, Gala. Ni une ni deux, Picasso le croque en chat Mephisto, qui prend vie et sert de guide pour visiter le passé et la jeunesse de Salvador Dalí.

Parmi les auteurs salués pour leurs œuvres biographiques, Julie Birmant et Clément Oubrerie figurent en bonne place. Ensemble, la scénariste et le dessinateur se sont ainsi penchés, par le passé, sur le destin de la danseuse américaine Isadora Duncan, femme «libre et volante», et, surtout, sur les premières années de la vie d’artiste de Pablo Picasso, juste avant l’invention du cubisme et à travers le prisme de son amour de toujours : Fernande Olivier. Quatre tomes auréolés de succès qui les amènent sûrement à replonger dans l’effervescence artistique des années 1920-30, sur les traces d’un autre personnage haut en couleur.

On retrouve d’ailleurs dès la première page le maître espagnol en compagnie du poète Paul Éluard, colérique et occupé à railler un «bellâtre» d’une vingtaine d’années, «dangereux et maléfique», qui lorgne la femme de son ami. On est fin 1929, et Salvador Dalí cherche à se faire une place à Paris, comme apparemment dans le cœur de Gala (qui deviendra finalement sa muse et son épouse). Dans un mélange de fascination et de haine, Picasso va alors le dessiner sous la forme d’un chat noir, au doux nom de Mephisto, animal «cruel» aux moustaches déjà frisées qui va servir de guide pour remonter la vie de l’artiste, depuis sa ville-berceau de Figueras.

Retour en arrière : excentrique et rêveur, le garçon inquiète son père, qui le croit «déficient». Après la mort de son épouse, il consent toutefois à l’inscrire à l’Académie royale des beaux-arts de Madrid, même si peindre «n’est pas un métier». Le jeune homme passe alors des heures au Prado, en extase devant les toiles des grands maîtres, dont sa favorite : Les Ménines de Diego Vélasquez. Il y rencontre également trois camarades qui vont le sortir de son isolement («je suis seul avec toutes ces images dans ma tête»), et lui faire prendre conscience de son génie : Luis Buñuel, Federico García Lorca et Pepín Bello. Avec eux, il va peu à peu laisser libre cours à ses névroses dévorantes et à son ambition sans limites…

Si tu joues au génie, tu le deviens!

C’est, en quelque sorte, un Dalí avant Dalí que racontent les deux auteurs, de ses névroses paralysantes (au premier rang desquelles une terreur sexuelle qui frise l’hystérie, symbolisée par les mantes religieuses et les sauterelles) jusqu’à ses fulgurances. Entre génie et folie, l’homme avance comme sur un fil, avec en toile de fond l’émergence du surréalisme dont il deviendra l’un des plus importants représentants. «On oublie l’immense libération qu’a apportée ce mouvement : avant, on ne parlait jamais des forces sombres de l’inconscient», précise Julie Birmant sur le site de Dargaud.

Celles qui agitent l’esprit frénétique de Salvador Dalí sont légion, comme lorsqu’on le voit sauter à quatre pattes depuis les marches de son école, transformer une banderole en hamac où il se repose nu comme un ver, se retrouver un seau coincé sur la tête ou encore se balader la pipe au bec… sans jamais la fumer. Séduit par «son sens de l’autodérision et sa singularité», comme il le dit, Clément Oubrerie en fait une figure à la croisée de «Buster Keaton et Don Quichotte». La même qui passera par la case prison, les bordels, se fera virer de sa formation artistique et troquera son look de rat d’égout» avec chapeau et cheveux longs pour un style à la Rudolph Valentino.

Sans retenue

De sa plume toujours efficace, Julie Birmant raconte l’artiste de l’intérieur, à l’instar de ses tableaux, à voir comme des «journaux intimes», «des rêves éveillés» nourris par la montée en puissance de la psychanalyse et du surréalisme. Dans son sillage, on tombe aussi sur d’autres figures de son temps : Aragon, Man Ray, Miró, Breton, Magritte, Prévert…

On plonge dans des œuvres détonnantes, du Jardin des délices de Bosch au Chien andalou, film qu’il monte avec son copain Buñuel. Les prochains tomes (au nombre encore indéfini) promettent la rencontre passionnelle avec Gala et de comprendre comment il est devenu «Dark Vador», celui qui va se mettre beaucoup de monde à dos. Sacré programme, à la hauteur du personnage : sans retenue!

Dalí (t. 1), de Julie Birmant et Clément Oubrerie. Dargaud.

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