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[Cyclisme] «Il n’y a pas de raison que ça ne marche pas », explique Bob Jungels


«J’aimerais bien montrer que ce n’est pas fini pour moi, que je suis encore là et que je peux gagner des courses.» (Photo : anders hartmann/bora-hansgrohe)

Le coureur luxembourgeois de l’équipe Bora-Hansgrohe entame un nouveau virage dans sa carrière. À 31 ans, l’ancien vainqueur de Liège-Bastogne-Liège s’est confessé avec lucidité et sincérité sur sa situation et ses aspirations chez Bora.

Mercredi après-midi, à l’hôtel Iberostar Cristina, situé pas loin du bord de mer à Palma de Majorque recouvert d’un épais bandeau nuageux, c’était journée portes ouvertes à la presse pour Bora-hansgrohe. Le Slovène Primoz Roglic, transfuge de l’équipe Jumbo-Visma et promulgué nouveau grand leader de l’équipe allemande, était au centre de toutes les attentions.

Cette saison, on pourrait souvent voir Bob Jungels à ses côtés.

Commençons par rembobiner votre saison 2023. Qu’en avez-vous pensé avec un peu de recul?

Bob Jungels : Honnêtement, ce fut malheureusement encore difficile après une saison 2022 qui s’était très bien terminée (il avait remporté la 9e étape du Tour de France). J’avais pourtant passé un bon hiver, mais j’avais attrapé un virus sur Paris-Nice (il avait souffert d’une infection aux poumons). J’étais resté au repos trois semaines. On avait néanmoins décidé de faire le Tour de Romandie puis le Giro. L’autre option aurait été de couper plus longtemps pour préparer le Tour de France. C’est difficile de dire si cela a été, ou non, la bonne solution, mais je me suis retrouvé toujours un peu derrière. La plupart du temps, j’ai évolué à 80 %, mais je n’ai jamais eu un pic à 100 % de ma forme. C’est ce qu’on a vu au Giro, puis au Tour. Il y a des étapes sur lesquelles j’étais bien physiquement et d’autres étapes où c’était difficile. Ce n’est pas ma façon de courir, mais c’est ce qu’il était possible de faire. Après le Tour, j’ai connu des problèmes de position avec le nouveau vélo. J’avais des crampes en course après trois heures. Les muscles se fermaient. Pour le Piémont et la Lombardie, j’avais repris mon ancien vélo, et ça allait mieux. C’était dommage pour tous les efforts consentis. Car j’étais très motivé après l’endofibrose et le travail effectué n’a pas été payé. Après, j’ai pris des vacances. Et depuis la reprise, on est sur un très bon chemin. J’espère que la santé va tenir. On fait tout pour.

Comment sera constituée votre saison 2024?

Le premier bloc qui sera important, car je veux bien commencer ma saison, ce sera d’aller en stage d’altitude à Tenerife du 20 janvier au 8 février, étant donné qu’on part de Majorque le 16. Je vais disputer le Tour de Murcie (10 février), le Grand Prix d’Almeria (11 février), le Tour d’Algarve (14-18 février). Ensuite, je vais disputer les courses d’ouverture en Belgique, le Het Nieuwsblad (24 février) et Kuurne-Bruxelles-Kuurne (25 février). Ensuite, ce sera Paris-Nice (3-10 mars). On regardera comment ça va se passer et on prendra la décision pour savoir si je fais deux, trois classiques flandriennes entre Paris-Nice et le Tour du Pays basque (1er – 6 avril). Ce qui est fixe pour le moment, c’est Paris-Nice, Pays basque et classiques ardennaises (Amstel Gold Race, le 14 avril, Flèche Wallonne le 17 et Liège-Bastogne-Liège, le 21).

Donc a priori, on ne vous verra pas sur les Flandriennes?

A priori, non. Il faut dire qu’avec Primoz (Roglic), cela a changé pas mal les choses. Sur Paris-Nice et le tour du Pays basque, on peut directement avoir un impact sur ces courses par étapes, voire les gagner. Il a donc besoin de lieutenants.

Pour le Tour, il aura les stages d’altitude, le Dauphiné. Et après le Tour de France, j’aimerais bien faire les JO de Paris.

Si on pousse un peu plus loin encore la saison, il y aurait le Tour de France?

Je suis sur la liste élargie pour le Tour. Pour moi, ce serait l’idéal de faire partie de l’équipe qui a une chance de finir sur le podium. C’est le plan. C’est un rôle que j’ai déjà eu cette année (auprès de Jai Hindley). J’aime la vision de l’équipe autour de Primoz. Pour le Tour, il aura les stages d’altitude, le Dauphiné. Et après le Tour de France, j’aimerais bien faire les JO de Paris.

On a vu que dans l’optique du Tour de France, votre équipe compte aligner des grimpeurs très forts (Aleksandr Vlasov, Jai Hindley), quel serait votre rôle ?

Le plan serait d’emmener « Alex«  et Jai pour lancer Primoz. Mais il faut déjà arriver dans ces montagnes. Dans le Tour, il y a pas mal de danger. On a besoin d’hommes pour protéger Primoz dans les étapes piégeuses. Si je suis en bonne forme, je pense pouvoir faire partie des vingt derniers mecs devant. Il y a la montagne, l’étape de gravel (9e étape, du côté de Troyes avec 32 kilomètres de chemins en graviers), les étapes de bordures. On doit être autour de lui pendant trois semaines, c’est clair.

Vous allez nourrir des ambitions personnelles?

Oui, vouloir gagner des courses, ça reste dans mon caractère. Les meilleures chances pour moi de faire des résultats, cela reste peut-être dans les courses flandriennes, même si on ne les a pas mises dès le départ. C’est parce qu’il faut une équipe et de la confiance pour rentrer dans ces courses. La confiance, pour le moment, très honnêtement, elle manque. La force, elle est là. Mais dans la course, il faut être prêt à se battre. Cela a beaucoup changé par rapport aux années 2017-2018. Là, à chaque virage, c’est la guerre. Cela reste encore une inconnue. Ce qui peut changer, c’est qu’après une belle performance, la confiance arrive. Tu fais les courses et t’es dedans. C’est la raison pour laquelle ne figurent pas les classiques de pavés pour le moment (hormis le week-end d’ouverture). On a aussi besoin de faire un choix entre les courses par étapes et les classiques. Mêler les deux, ce sera très compliqué. Si Primoz veut que je sois avec lui pour le Pays basque et les Ardennaises, j’y serai. Ce sont des courses où tout peut se passer, on l’a vu dans le passé. Si j’arrive à être en forme à 100 %, tout est possible.

Il y a dix ans, tu gagnais des courses, tu étais une rock star. Aujourd’hui, tu prends ton coca zéro et tu te couches dans le lit.

La confiance que vous évoquez, nécessaire en ce qui concerne les flandriennes, vous l’aviez retrouvée après votre succès en 2022 sur le Tour?

Oui, l’an passé, j’étais sur le bon chemin. Ma maladie sur Paris-Nice est venue. C’est difficile de se sacrifier tous les jours sans rien recevoir. C’est difficile pour la confiance. Quand on voit les Van Aert, Van der Poel, Pogacar, ils ont confiance en ce qu’ils font. C’est ça qu’il faut. Si je veux gagner une course comme Harelbekle (GP E3), il faut aussi que l’équipe croie en moi. Pour ça, il faut faire des résultats et montrer qu’on est parmi les meilleurs.

Vous comptez encore courir longtemps?

Honnêtement, c’est une question qu’on me pose souvent dans la vie courante. J’adore ce sport, j’adore le vélo. Des fois, j’adore un peu moins le sport, heureusement, ce ne sont que des moments. Le sport a beaucoup changé et j’ai mis du temps pour m’adapter et comprendre. Il y a dix ans, tu gagnais des courses, tu étais une rock star. Aujourd’hui, tu prends ton coca zéro et tu te couches dans le lit. C’est normal avec tous ces jeunes qui arrivent. Tout a changé. La pression dans les courses est beaucoup plus intense. J’ai mis du temps pour comprendre. Tu vis comme un moine pendant trois, quatre ou cinq mois. Pendant ces mois, tu ne vois pas ta famille, tu ne fais rien du tout. Tu es sur le sommet du Teide (le volcan à Tenerife) où tu passes tes soirées à compter tes doigts. Il y a un grand changement. Après mes blessures, ma santé défaillante la saison passée, j’ai beaucoup parlé à l’équipe. On m’a demandé si je voulais encore faire à 100 % du vélo. C’est ma 13e saison maintenant, et j’ai décidé de le faire encore à fond. Je suis convaincu d’avoir encore trois, quatre années devant moi pour faire des résultats. Il faut faire des choix et voir quand il faut prendre un autre rôle dans l’équipe. Ces prochaines années, j’aimerais bien montrer que ce n’est pas fini pour moi, que je suis encore là et que je peux gagner des courses.

Après la conférence de presse, on a eu l’impression que tout était fixé sur le Tour de France et Primoz Roglic…

L’impact de Primoz est très grand. Pour le Tour, mais aussi pour toutes les autres courses. S’il est là sur Paris-Nice, le Pays basque et les Ardennaises, nous sommes l’une des trois équipes à devoir contrôler la course. C’est normal de miser beaucoup sur lui. En interne, on travaille bien pour préparer les courses et remporter des victoires tôt dans la saison, ce qui est très important pour la confiance, comme tout le monde le sait. Primoz, je le connais depuis quelques années, il est très sympa, très relax. Être favori d’un Tour de France, ce n’est jamais facile. Il est très strict avec lui-même, même s’il ne le montre pas à l’extérieur. C’est une référence et j’espère qu’on va tous franchir un pas à ses côtés. Il est parti de son cocon de chez Jumbo, c’est important qu’on lui montre qu’on est là pour lui. Il a besoin de beaucoup de confiance de ses coéquipiers et de l’équipe. C’est un rôle dans lequel je me vois. Je connais cette pression. Pour le reste, je pense que j’aurai mes opportunités.

L’an passé, vous vous étiez fixé sur le Tour des Flandres (qu’il n’a pu disputer à la suite de son infection pulmonaire). Quelle course ciblez-vous cette année?

C’est difficile à dire avant de commencer, je veux d’abord bien rentrer dans la saison. Déjà en Algarve, j’aimerais être bien. Après le Het Nieuwsblad et Kuurne-Bruxelles-Kuurne (qu’il a remportée en 2019), on ne sait jamais ce qui peut se passer. Après, il y a encore Paris-Nice. Ce sont des courses sur lesquelles je peux me mettre en évidence et j’aimerais les utiliser pour retrouver cette confiance et un état d’esprit pour les succès. Même si, après, j’aurai un rôle pour aider Primoz, c’est important. C’était le cas lorsque je gagnais des grandes courses. Si on regarde comment j’ai remporté mes classiques, c’était souvent en partant du deuxième rang. Ce sont des possibilités qui sont toujours là. Et les courses s’ouvrent toujours tôt.

Comment vous situez-vous sur le plan mental aujourd’hui?

J’ai changé pas mal. Notamment sur le plan personnel. Mentalement, je suis prêt à mettre cette discipline en place pour être vraiment performant. Tout est très stable à la maison. Je suis plus réaliste aujourd’hui. Peut-être parfois un peu trop pessimiste. Mais c’est à cause des résultats qui manquent un peu. Quand tu travailles beaucoup et qu’il n’y a pas de résultat, c’est difficile. Mais j’ai passé un hiver sans faute, il n’y a pas de raison que ça ne marche pas. Les capacités sont là, mentalement, je suis certainement plus fort qu’avant.

«Je suis convaincu d’avoir encore trois, quatre années devant moi pour faire des résultats.» Photo : db