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[Critique série] «The Offer», une offre qu’on ne peut pas refuser


La série The Offer revient sur l’histoire abracadabrante qui a abouti au film The Godfather de Francis Ford Coppola. Une oeuvre qui, à l’époque, a permis de sauver les studios Paramount.

Fin 2020, Francis Ford Coppola avait célébré le 30e anniversaire de The Godfather Part III avec un nouveau montage, largement différent de la version sortie en 1990 mais plus fidèle à la vision originelle du cinéaste, retitré pour l’occasion The Godfather Coda : The Death of Michael Corleone. Qui est parvenu à la fois à réhabiliter un troisième opus tardif et mal-aimé, et à le réinventer en chef-d’œuvre époustouflant, dans la lignée de ses prédécesseurs.

Alors, pour fêter le demi-siècle de l’œuvre par laquelle tout a commencé, il fallait frapper au moins aussi fort. Cette fois, c’est Paramount, le studio que The Godfather a contribué à sauver de la faillite il y a 50 ans, qui a l’idée : l’histoire abracadabrante qui a abouti au film de 1972, racontée par son producteur, Albert S. Ruddy en personne, et fictionnalisée dans une série à grand spectacle, qui n’épargne rien ni personne.

Aujourd’hui âgé de 92 ans, «Al» Ruddy était encore débutant lorsque Robert Evans, à la tête de Paramount, lui a confié le projet The Godfather, en s’en remettant à sa capacité à produire avec un petit budget. Ce qui devait être un modeste film de gangsters se transforme en une aventure épique, qui dépassera son budget initial de plus de moitié, soulevant d’incessantes disputes, souvent sournoises, entre financiers et créatifs, et gangrenée par l’omniprésence de la mafia – la vraie.

Et au milieu de tout ce foutoir, Ruddy, avec le soutien d’Evans, faisant des pieds et des mains – pas toujours dans la légalité – pour permettre à Francis Ford Coppola de porter à l’écran sa vision épique du roman de Mario Puzo. Avec, au bout du compte, un record au box-office, l’Oscar du meilleur film et l’assurance d’avoir donné vie au plus grand film de l’histoire du cinéma.

Tout ce qui pourrait mal tourner va mal tourner

Le récit exhaustif s’étale sur dix épisodes mais pourrait être résumé en une phrase : tout ce qui pourrait mal tourner va mal tourner. The Godfather, à tous les égards, est un miracle, et son intarissable magie continue de fonctionner, même lorsqu’elle est reprise avec les gros sabots du biopic glamour destiné à la télévision. Mais à success story hors normes dans une époque débridée, il fallait au moins cette minisérie excessive pour en retransmettre toute la folie.

Jamais The Offer ne prétend être l’héritier du chef-d’œuvre dont il raconte l’histoire, ni de prendre le film de Coppola comme modèle; quand la série se fend de références, celles-ci sonnent toujours incongrues, voire carrément déplacées (à commencer par le titre, qui reprend de façon quelque peu hasardeuse la réplique culte de Marlon Brando : «Je vais lui faire une offre qu’il ne pourra pas refuser.»). C’est le langage pop, direct et sincère qui prime. Et qui, au passage et à grands coups d’anecdotes savoureuses, écorne l’image étincelante d’Hollywood.

The Offer raconte le miracle The Godfather, un projet où tout ce qui pouvait mal tourner a mal tourné

Car The Offer est avant tout une histoire d’«underdogs», et comment une équipe sur laquelle aujourd’hui personne ne miserait un dollar a écrit la légende du 7e art. Ruddy, Evans et Coppola vont d’obstacle en obstacle, redoublant de débrouillardise et de courage. «Certains ont l’intelligence, d’autres ont le courage. Toi, tu as les deux», confie Bob Evans à Al Ruddy, qui ne cessera de prouver raison à son ami et mentor. En particulier lorsqu’il se frotte à la mafia new-yorkaise qui, dans un premier temps, se lance dans une croisade contre le livre de Puzo et son adaptation annoncée, persuadée que les œuvres jetteront le discrédit sur la communauté italo-américaine.

Mais aussi dans ses rapports de force avec les cols blancs de chez Gulf+Western, maison mère de Paramount, lorsqu’il s’agit de demander une augmentation de budget, d’aller tourner à New York et en Sicile plutôt qu’à Los Angeles, voire d’engager un jeune acteur de théâtre méconnu qui répond au nom d’Al Pacino.

Dan Fogler, excellent en Coppola

Le parcours d’Al Ruddy tout au long de l’aventure The Godfather est décrite ici comme exemplaire : voilà un producteur engagé à 100 % dans son projet, au service d’une vision artistique. Pratiquement une utopie… Le rôle sied si bien à Miles Teller, qui emmène parfaitement une galerie de têtes brûlées. À ses côtés, une brillante Juno Temple dans le rôle de Bettye McCartt, la secrétaire qui est «tellement plus qu’une secrétaire», et Matthew Goode, extraordinaire dans les costumes trois pièces du chef de studio et play-boy Bob Evans.

Côté artistique, Dan Fogler, excellent en Coppola, jusque dans sa ressemblance à couper le souffle, a droit aux plus belles séquences, qui le montrent travailler à son chef-d’œuvre en esquivant le plus possible les bâtons dans les roues – les séquences d’écriture du scénario avec Mario Puzo (Patrick Gallo) sont particulièrement délicieuses. Dans ce récit où les egos veulent occuper tout l’espace, The Offer prend grand soin à dérouler lentement le constat que le génie ne peut que naître de l’humilité.

The Offer de Michael Tolkin. Avec Miles Teller, Juno Temple, Matthew Goode, Dan Fogler… Genre drame / biopic. Durée 10 x 1 h

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