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[Critique ciné] The Rental : sexe, mensonges, vidéo et commentaires négatifs


Le réalisateur Dave Franco s'inspire surtout des dangers que lui inspire notre étrange époque pour ce film dans l'air du temps. (photo DR)

Le premier passage derrière la caméra de Dave Franco pour The Rental en appelle à toute une époque, celle où le metteur en scène débutant tentait de se faire un nom à travers le cinéma de genre, car c’est là que l’on jugeait de la qualité d’un cinéaste qui doit apprendre à faire avec un petit budget.

À plusieurs égards, d’ailleurs, The Rental cherche l’approbation de ses aînés, qui ont parfois même moins à voir avec Wes Craven et John Carpenter qu’avec Bergman et Chabrol. Mais Dave Franco, qui signe le scénario avec Joe Swanberg, jadis chef de file du mouvement «mumblecore», sous-genre typiquement américain qui s’intéressait à l’étude naturaliste des relations humaines des jeunes adultes, s’inspire surtout des dangers que lui inspire notre étrange époque pour ce film dans l’air du temps.

The Rental commence comme plusieurs centaines de films d’horreur : avec des personnages qui décident de passer un week-end loin de chez eux, dans une maison isolée, avec, au programme, randonnées, drogues et jeux de société. En lieu et place d’une cabane dans les bois, c’est une magnifique villa en bord de mer, jacuzzi extérieur compris, qui sert de décor au drame. Pour le reste, rien de nouveau à l’horizon.

On y retrouve les mêmes personnages stéréotypés : Charlie, le beau blond à qui tout sourit (Dan Stevens), Mina, la fille brillante (Sheila Vand), Michelle, la fille effacée (Alison Brie) et Josh, le «loser» prisonnier de ses propres erreurs (Jeremy Allen White). Les deux couples, Michelle/Charlie et Mina/Josh, sont unis par les liens de la famille, car les deux hommes sont frères, et aussi par les liens du travail, car Charlie et sa belle-sœur travaillent ensemble.

Ce que l’on voit venir dès les premières minutes, Dave Franco le déroule habilement sans perdre de temps : la relation extraconjugale et passionnelle entre Charlie et Mina devient alors le réel point de départ de cette histoire où l’horreur est un moteur à l’enrichissement de l’observation anthropologique. Car The Rental est une fable sur la confiance, amorcée dès le premier acte, lorsque le groupe récupère les clefs de son Airbnb des mains d’un hôte manifestement raciste. La première question soulevée par le film : dans un pays plus divisé que jamais, doit-on faire confiance à un étranger qui possède le double des clefs de votre location de vacances ?

Au fur et à mesure que l’intrigue avance, la méfiance des protagonistes envers l’hôte joue aussi un rôle dans leur manque de confiance mutuel. Mais en dévoilant le mensonge dès le début, Dave Franco tire profit de ce climat de suspicion (clairement amplifié par les stéréotypes auxquels répond chaque personnage) pour construire une tension solide entre le groupe, qui sera brisée dans le dernier acte par l’apparition du tueur masqué, ouvrant la porte à une conclusion qui se trouve, c’est assez dommage (quoique logique), à mille lieues du postulat de départ.

Une partition vertigineuse

Avec son casting comme principale force – après The Guest (2014) et le prodigieux Apostle (2018), Dan Stevens est la nouvelle icône du film d’horreur indépendant –, The Rental fonctionne globalement très bien, en particulier lorsqu’il expose ses personnages, non sans une sensation de malaise, au mensonge et à la culpabilité. Seule Alison Brie, d’habitude impeccable, apparaît sous-exploitée, coincée dans un personnage insignifiant. On pouvait en attendre plus de la part du réalisateur, qui partage la vie de l’actrice depuis près de dix ans.

Dave Franco a aussi la bonne idée d’insérer dans son film une imagerie familière du cinéma d’horreur, en évoquant The Shining (1980), Halloween (1978) ou encore Psychose (1960), grâce à une scène de douche (montrée trois fois, sous trois angles de caméra différents) qui devient le leitmotiv secret menant directement au dénouement.

Celui-ci vaut d’ailleurs plus pour la partition vertigineuse de Danny Bensi et Saunder Jurriaans que pour ce dont elle rend compte, à savoir que les sentiments, intelligemment construits tout au long du film, de confiance et de paranoïa, l’un empoisonné, l’autre amplifié par l’Amérique ultrasécuritaire, disparaissent avec le choix des scénaristes de privilégier la conclusion dramatique à la réflexion ou à la morale.

Valentin Maniglia

 

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