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[Critique ciné] «Indiana Jones and the Dial of Destiny» : baroud d’honneur à contretemps


Indiana Jones and the Dial of Destiny

de James Mangold

Avec Harrison Ford, Phoebe Waller-Bridge, Mads Mikkelsen…

Genre aventure

Durée 2 h 34

Le temps a-t-il une emprise sur Harrison Ford? Quand l’acteur a sorti du placard son chapeau et son fouet pour explorer, en pleine guerre froide, les secrets du crâne de cristal, son personnage aurait environ 55 ans (si l’on considère qu’il avait la quarantaine naissante au moment d’affronter des nazis pilleurs d’antiquités), soit l’âge parfait pour survivre à une explosion atomique, planqué dans un frigo.

Une preuve, déjà, que les vieux machins sont les plus solides. Car Harrison Ford, né en 1942, en comptait facilement dix de plus au moment de tourner Indiana Jones and the Kingdom of the Crystal Skull (Steven Spielberg, 2008). Et l’équation se complique à nouveau aujourd’hui, quand l’acteur, qui va fêter ses 81 ans le 13 juillet, fait son retour sous les traits d’«Indy», au moment où l’archéologue prend tout juste sa retraite. Ce qui ne l’empêchera pas de redoubler de galipettes…

Le temps et les mathématiques, voilà justement ce qui est au cœur de la cinquième aventure du héros créé par George Lucas et Steven Spielberg, qui se lance maintenant à la poursuite de l’Anticythère, objet unique conçu par Archimède vers 250 av. J.-C., à mi-chemin entre le calculateur et la boussole, et qui aurait le pouvoir d’ouvrir des failles temporelles.

Indiana Jones avait eu un fragment de l’objet entre les mains, à l’époque où il l’avait subtilisé à ses ennemis jurés, qui comptaient s’attirer les bonnes grâces de leur leader à moustache en satisfaisant ses caprices ésotériques. Près de vingt-cinq ans après la fin de la guerre, la poursuite de la relique reprend lorsque Helena Shaw (Phoebe Waller-Bridge), filleule d’Indiana Jones et arnaqueuse de talent, se met à la recherche de l’autre moitié du cadran… poursuivie à son tour par Jürgen Voller (Mads Mikkelsen), qui a développé sa propre fascination pour l’objet.

C’est donc dans une course contre le temps que s’engouffre un Indiana Jones aux cheveux blancs et au corps flétri (mais toujours sexy, il faut bien l’avouer). Et ce, à tous les niveaux. Parce qu’Indy vit dans une époque qui ne lui appartient plus vraiment. En 1969, l’homme se désintéresse des antiquités de la Terre et a les yeux tournés vers la Lune; les élèves de l’archéologue, eux, s’ennuient et ronflent pendant ses cours (on est loin des étudiantes qui, jadis, buvaient ses paroles et écrivaient «love you» sur leurs paupières).

La vieillesse, un divorce et la mort de son fils au Vietnam n’aident en rien; ce qui le fera revivre, ce sont le fouet, le chapeau et les aventures exotiques. Ainsi que quelques tours de passe-passe numérique : dès son prologue – le meilleur moment du film –, le réalisateur James Mangold nous replonge en pleine Seconde Guerre mondiale avec un Harrison Ford qui retrouve l’apparence des premiers films de l’aventurier.

Plus tard, Indy, toujours numériquement rajeuni mais légèrement plus âgé, apparaît de nouveau dans un flash-back qui n’a d’autre intérêt que de montrer au spectateur l’étendue des possibilités d’une cure de jouvence par ordinateur.

Indiana Jones and the Dial of Destiny aurait pu devenir une fable sur le temps qui passe, puisqu’il veut trouver son point d’orgue dans un final à grand spectacle, offrant au personnage un dénouement rêvé, mais logique, lui donnant la possibilité de voir de ses propres yeux le monde antique sur lequel il a travaillé toute sa vie. C’était compter sans un cahier des charges qui coche toutes les cases du bingo.

Indy glisse ses répliques cultes, déchiffre des énigmes, traverse des ponts millénaires en bois et sort son fouet quand ses ennemis ont un pistolet; l’inoubliable tandem avec Demi-Lune, dans Indiana Jones and the Temple of Doom (Steven Spielberg, 1984), est recréé, cette fois avec un garçon intrépide rencontré au Maroc; sa phobie des serpents aussi est à nouveau déclenchée par une attaque de murènes lors d’une séquence sous-marine.

Comble du «fan service», le film fait revenir deux alliés historiques du héros, Sallah (John Rhys-Davies) et Marion (Karen Allen), pour des apparitions éclair et sans grande saveur. Le reste du film, qui se complaît à multiplier les scènes d’action à rallonge, saute invariablement d’une course-poursuite à l’autre : à pied, en voiture, à cheval, en métro, en train, à moto, en side-car, en bateau, en avion… et même dans un tuk-tuk qui dévale à toute berzingue les ruelles de Tanger, aux roues aussi increvables que celui qui les pilote.

Le rythme effréné du film ne laisse finalement que peu de place à l’aventure au sens propre. Oubliés aussi, les instants suspendus qui donnaient naissance à de grands moments de tension dans lesquels la saga excellait, comme la scène du palais du maharajah dans Temple of Doom ou celle du zeppelin dans Indiana Jones and the Last Crusade (Steven Spielberg, 1989).

Indiana Jones vieillit mais n’a plus le temps de se reposer; c’est tout juste s’il a l’occasion de rendre visite à un vieil ami pêcheur (Antonio Banderas en ersatz de capitaine Haddock). Pour les pauses, on s’en remettra aux flash-back et aux souvenirs qu’Indy partage avec sa filleule, qui part à l’aventure avec lui.

Si l’on ajoute à cela un final «what the fuck» d’un niveau aussi scandaleux que la grande révélation du précédent volet, on constate que, lorsque le film veut exister par lui-même, hors de toute autoréférence, c’est automatiquement là qu’il se perd. Et prouve en définitive que la place d’Indiana Jones est dans un musée.

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