Les coups de couteau ont été portés à l’abri des regards. La défense s’est engouffrée dans cette zone d’ombre pour mettre en cause le témoignage de la victime et obtenir la clémence.
«Éric n’est pas quelqu’un qui tue», a tenté de le défendre son avocat hier. Éric n’a effectivement tué personne. Il est accusé de tentative de meurtre sur la personne de Justino, 40 ans, dans la nuit du 24 octobre 2020 devant une station-service de Luxembourg-Hollerich. Son avocat a plaidé son acquittement et demandé à ce que les faits soient requalifiés en coups et blessures volontaires, ce qui réduirait considérablement la peine de prison encourue.
L’homme de loi va jusqu’à réclamer du travail d’intérêt général, voire un sursis intégral. Son client n’aurait jamais eu l’intention de donner la mort et se serait désisté volontairement. «Après avoir infligé quatre coups de couteau potentiellement mortels à la victime présumée», a rajouté la présidente de la 13e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg mercredi.
12 ans de prison requis
La représentante du ministère public a requis une peine de 12 ans de prison à l’encontre du jeune homme pour tentative de meurtre. «Les blessures infligées n’étaient pas mortelles, mais un danger de mort abstrait doit être retenu étant donné la zone atteinte» «avec ardeur» «où se trouvent de nombreux organes vitaux», a-t-elle souligné. Que des organes vitaux n’aient pas été touchés, ne serait «que le fruit du hasard». Il n’y aurait, selon elle, pas besoin de vouloir consciemment et méchamment donner la mort», il suffit «d’en avoir accepté l’éventualité en attaquant».
Le jeune homme de 25 ans n’a «pas hésité à se mêler d’une dispute qui ne le concernait pas, impliquant un ami qu’il présente comme une connaissance», rappelle la magistrate. Cette «connaissance» est Igor, 24 ans, son co-prévenu. Un jeune homme impatient qui n’a pas supporté que le client qui le précédait à la caisse de la station-service prenne son temps. À une heure du matin, le couvre-feu était dépassé depuis longtemps et Igor craignait une amende. Le ton est monté. Justino a repoussé Igor à qui il reprochait de le coller d’un peu trop près. Justino est sorti, Igor sur ses traces, abandonnant l’alcool qu’il s’apprêtait à acheter, comme le montrent les images de vidéosurveillance. Une fois à l’extérieur, les amis d’Igor ont fondu sur le quadragénaire et «se sont acharnés».
«La victime voulait en découdre»
Qui a porté le premier coup? Les deux prévenus accusent leur victime présumée. Le champs des caméras ne montre pas les actions principales comme le premier coup et les coups de couteaux. C’est la parole des prévenus contre celle de la victime. «Il était complètement saoul. Il voulait en découdre», a argumenté l’avocat d’Igor, arguant que la victime présumée n’était peut-être pas aussi inoffensive que la présidente veut le croire. «Il est revenu à la charge et a remis de l’huile sur le feu.»
La représentante du parquet a requis 24 mois de prison à l’encontre d’Igor pour coups et blessures volontaires. «Rien ne permet d’établir qu’il se doutait qu’Éric allait utiliser son couteau», estime la magistrate qui écarte la tentative de meurtre. Le jeune homme a cependant asséné un coup de pied à la tête de Justino. Un troisième homme surnommé «Ghost», que le duo refuse d’identifier, a également porté des coups. Au tribunal d’estimer s’il faut retenir des violences collectives à son encontre.
Une «volonté de nuire»
«Mon client n’a jamais demandé à Éric d’intervenir et il ne savait pas qu’il avait un couteau», a commenté l’avocat d’Igor. Il demande à la chambre criminelle de ne retenir que les coups et blessures volontaires à son encontre et de le condamner à du travail d’intérêt général, voire d’assortir la peine du sursis intégral ou probatoire, le cas échéant. La représentante du parquet avait pointé «la volonté de nuire» et «de faire du mal». « Sur les images, on voit que les coups pleuvent sur Justino. Les prévenus sont tellement déchaînés qu’ils glissent et manquent de se faire renverser par les voitures.»
L’erreur de Justino aura été de suivre Igor sur la route, d’après l’interprétation que la magistrate s’est fait des images. Les hypothèses qu’elle a construites ne correspondent pas à celles de la défense. La juge continue de «douter que nous ayons vu les mêmes images», comme elle l’avait déjà fait remarquer la veille.
Le prononcé est fixé au 22 février prochain.