Après la mort suspecte de sa sœur et de son beau-frère chez lui à Bereldange le 25 septembre 2016, le policier n’avait pipé mot de la toxine botulique. Il y a d’abord eu la fausse piste de la liqueur de noix… Au 3e jour du procès jeudi, l’enquêteur est revenu sur les débuts des investigations.
«J’ai besoin d’une ambulance au 9, route de Luxembourg à Bereldange. C’est au dernier étage. Ma sœur et son compagnon reviennent d’une randonnée. Ils ont bu de la liqueur… Ils ont du mal à respirer…» Voilà en gros les informations que les secours avaient obtenues de Gilles L., le 25 septembre 2016 à 14 h 29, quand il avait composé le 112. Le couple qui était supposé déjeuner chez lui n’avait pas pu être réanimé. Mais l’enregistrement de cette conversation téléphonique existe toujours. Et la chambre criminelle y a eu droit jeudi après-midi au troisième jour du procès. Pour l’enquêteur de l’IGP, c’était l’occasion de retracer le début de l’enquête.
Face à cette «mort suspecte» dans l’appartement du policier, les grands moyens avaient été déployés afin de retrouver le producteur de la fameuse liqueur de noix. Ce que les enquêteurs ne savaient pas alors c’est que le jeune homme avait omis de livrer d’autres détails cruciaux. «La liqueur de noix était en fait une fausse piste», retient l’enquêteur. L’analyse toxicologique le révèlera trois jours plus tard : les victimes ont été empoisonnées au cyanure de potassium.
En épluchant l’historique de ses recherches internet, les enquêteurs ont pu découvrir l’intérêt du prévenu pour les substances toxiques. Or sur les lieux du crime les traces étaient bien maigres. Si Gilles L. disait avoir constaté la pâleur de ses invités à leur arrivée et de leur avoir proposé pour l’apéro du Get 27 sur la terrasse, les gobelets en plastique utilisés n’ont jamais été retrouvés.
Trois gobelets en plastique et un flacon
Ce sont finalement les déclarations faites à des collègues policiers, le soir du 27 septembre dans un restaurant de la capitale, qui apporteront de nouvelles révélations. En leur confiant avoir «jeté les gobelets et un flacon de la terrasse avant l’arrivée de l’ambulance par peur d’être suspecté», il déclenchera une vaste opération de recherche autour de la résidence. Sans succès. Ces objets ne seront pas retrouvés. «C’est le seul qui aura vu ce flacon», constate l’enquêteur. La petite bouteille de cinq centimètres, il déclarait l’avoir d’un seul coup aperçue sur la table de la terrasse alors qu’il était en train de mélanger sa soupe en sachet Knorr dans la cuisine…
Il n’y a pas que les collègues qui avaient permis de faire avancer l’enquête. Il y a également eu les déclarations surprenantes de la voisine. Elle avait évoqué à la police le décès mystérieux de la mère dans l’appartement, deux ans auparavant. Quand les enquêteurs avaient, par ailleurs, appris que Gilles L. avait l’intention de vendre l’appartement – sa sœur réclamerait la moitié de l’héritage – ils avaient décidé de l’arrêter.
Cette arrestation apportera encore d’autres révélations. Mais de nouveau au compte-goutte. Confronté au rapport toxicologique, il distillera ainsi l’information que c’est bien lui qui avait versé quelque chose dans le verre de sa sœur et de son beau-frère avant qu’ils ne trinquent. Dans la cuisine, il aurait pris le flacon sans étiquette qu’il avait commandé sur internet pour le mélanger au Get 27. Mais jamais dans l’intention de les tuer. Il aurait seulement voulu provoquer un état d’euphorie. Lui-même n’en aurait pas pris, car il devait aller travailler le soir.
Des remarques compromettantes
Il faudra attendre le 30 septembre pour que Gilles L. parle la première fois de la toxine botulique. Lors de son audition chez le juge d’instruction, c’est aussi la première fois qu’il dira avoir utilisé le Get 27 pour camoufler l’odeur et le goût. Sa ligne de défense restera toutefois la même : il ne savait pas que cette substance tue. Pourquoi ne pas en avoir parlé aux secours? «Par crainte que cela ait des conséquences sur (s)a personne», dira-t-il.
Entre collègues, Gilles L. avait aussi fait quelques remarques compromettantes : quand il sortirait de prison, il aurait 51 ans, ce serait O. K. s’il était envoyé à la retraite. Ou encore qu’avec l’argent, il pourrait aller à Ibiza… Selon lui, cela auraient été de simples déclarations à l’époque «afin de surmonter sa peur». Toujours est-il que depuis fin septembre 2016, Gilles L. (30 ans) dort à Schrassig. Son procès se poursuit ce vendredi matin.
Fabienne Armborst
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