Accueil | A la Une | Coronavirus : pourquoi le bilan est incomplet au Grand-Duché

Coronavirus : pourquoi le bilan est incomplet au Grand-Duché


Le site de Belval, à la frontière, sonne creux. Si la présence des frontaliers est moins visible dans les rues, ces derniers n'en restent pas moins tous rattachés à la CNS luxembourgeoise (Photo : Julien Garoy).

Le gouvernement luxembourgeois publie depuis mardi le nombre de « non-résidents » inclus dans les bilans des cas de coronavirus. Au décompte de mardi soir, 295 « non-résidents » faisaient partie des 2 178 cas totaux. Toutefois, il ne s’agit pas forcément de frontalier. Et aucun bilan n’est disponible concernant ces derniers, ce qui permettrait pourtant une vision statistique plus cohérente. Explications.

295 « non-résidents » ont été dépistés positifs au coronavirus au Grand-Duché. « Il s’agit uniquement de personne qui ont fait le test au Luxembourg », nous précise le ministère de la Santé, mais pas forcément des frontaliers. « Les patients viennent munis d’une ordonnance, soit délivrée par un médecin luxembourgeois avec remboursement par la CNS, soit avec une ordonnance par un médecin français par exemple. Le test se fait alors à la charge du patient [NDLR : s’il n’est pas frontalier]. Nous ne disposons cependant pas des chiffres exacts concernant le lieu de délivrance des ordonnances », précise le ministère.

Parmi ces « testés » au Grand-Duché, il y a donc potentiellement autant des frontaliers, que des personnes résidentes dans les zones proches qui prennent sur eux de se faire soigner au Luxembourg car ils trouvent cela plus pratique. Et aucun frontalier qui aurait passé le test ailleurs, ou qui serait soigné ailleurs qu’au Luxembourg.

Avoir le nombre de frontaliers testés positifs serait pourtant utile à deux titres :

  1. Les frontaliers dépendent du système de santé luxembourgeois. Même quand ils se font soigner en France ou en Belgique, un jeu de remboursement des caisses de sécurité sociale se fait d’un pays à l’autre. Mais c’est bien à la CNS luxembourgeoise qu’ils sont rattachés. Ils sont donc intégrés au système de santé luxembourgeois, tant en termes de cotisation que de dépense.
  2. On pourrait avoir une idée plus juste de l’évolution des contaminations au Grand-Duché, et de la bonne gestion de la crise. Un frontalier fait « partie » du pays, même de façon parcellaire. Hors, comme dans de nombreux autres domaines (statistiques sur le chômage, PIB par habitant, consommation nationale d’alcool etc.), les chiffres nationaux se retrouvent faussés par leur présence, inédite en Europe (46% des actifs du pays). Quid par exemple, d’un frontalier qui travaille chez Arcelor-Mittal au Luxembourg, qui va reprendre son poste ces prochains jours, et qui serait contaminé puis soigné dans un hôpital du côté belge ou français ? Il disparaît des statistiques de gestion de la crise.
    Quand on sait que les frontaliers sont plus de 200 000, et qu’une part importante travaille dans les secteurs non susceptibles de télétravail (santé, logistique, industrie en premier lieu), la partie immergé de l’iceberg est potentiellement significative, pour un pays de 626 000 habitants.

À quoi ressemble la courbe qu’il faut aplatir ?

Il serait possible de cerner leur nombre, on scrutant les demandes de remboursement entre caisses nationales pour des cas liés au coronavirus (dépense de test, hospitalisation etc.) L’idée sera imparfaite, car on pourrait se dire que le frontalier a pu contracter le virus en faisant ses courses chez lui… oui, mais comme on pourrait se dire qu’un résident a contracté le virus il y a deux semaines, en revenant d’un voyage. À la limite peu importe : ces deux-là dépendent de la même caisse nationale de santé.

Notons ici que les chiffres de contaminations comportent quoiqu’il en soit une part d’aléa. Certains pays font plus de tests, certains créneaux de semaine font l’objet de moins de test (les week-ends) etc. D’où la remarque très juste de Paulette Lénert, la ministre de la Santé, qui confiait en début de semaine avoir plutôt le regard tourné vers le nombre d’hospitalisation.

Mais ces chiffres donnent une idée de l’évolution de la courbe qu’il faut « aplatir » pour chaque pays, selon l’expression consacrée. Avec une vision partielle de la courbe, on ne sait pas vraiment ce que l’on est en mesure d’aplatir au Grand-Duché.

Hubert Gamelon

Lien vers la publication des statistiques ici.

PUBLIER UN COMMENTAIRE

*

Votre adresse email ne sera pas publiée. Vos données sont recueillies conformément à la législation en vigueur sur la Protection des données personnelles. Pour en savoir sur notre politique de protection des données personnelles, cliquez-ici.