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COP27 : «Le retard ne cesse de grandir»


La ministre de l’Environnement, Joëlle Welfring (devant le «W» jaune), a mis la pression avec la délégation de l’UE, emmenée par le commissaire Frans Timmermans (devant les micros).  (Photo : ministère de l'environnement)

Aussi bien la ministre de l’Environnement que les ONG sortent peu satisfaites de la conférence mondiale sur le climat, clôturée dans la douleur dimanche matin. L’influence du lobby des fossiles est notamment fustigée.

L’équation de base est rappelée dans le communiqué de clôture du ministère luxembourgeois de l’Environnement : «À Charm el-Cheikh, la communauté mondiale était appelée à faire progresser de façon substantielle la protection internationale du climat. Ambition et solidarité ont été les mots-clés du succès de la conférence». Les progrès finalement obtenus au bout de 15 jours de négociations intenses à la COP27 ne sont cependant ni «substantiels» ni «ambitieux». Et la «solidarité» entre les près de 200 pays représentés à la conférence mondiale sur le climat est également restée limitée. Ce constat ressort à la fois des conclusions tirées par la ministre Joëlle Welfring, par Greenpeace Luxembourg et par le Mouvement écologique. 

La grande déception de cette COP27 réside dans l’échec de ne pas avoir réussi à s’accorder sur un relèvement du niveau d’ambition de réduction des émissions de gaz à effet de serre, notamment par l’élimination progressive des combustibles et carburants fossiles. «Soutenue par plus de 80 parties, cette proposition n’a pas su persuader une grande partie des grands émetteurs au sein des États en voie de développement, au détriment des pays les plus vulnérables et les plus exposés aux effets dévastateurs du dérèglement climatique», relate le communiqué signé par le ministère de Joëlle Welfring. «Nous devrons impérativement continuer les efforts de réduction lors des prochaines COP en vue d’éviter les pires conséquences de la crise climatique. Ceci est appuyé par les résultats sans équivoque de la science et rendu évident par les effets d’évènements météorologiques extrêmes de plus en plus fréquents», appuie la ministre de l’Environnement à l’issue de sa première participation à cette grand-messe annuelle du climat. 

Les +1,5 °C encore remis en question

Les propos ne diffèrent guère dans le camp des ONG. «Le bilan global n’est pas satisfaisant», clame Raymond Aendekerk, le directeur de Greenpeace Luxembourg. Il espérait que la COP27 en Égypte allait pouvoir activer les leviers préparés lors de la COP26 en Écosse. Or, les résultats constitueraient un «assez grand échec par rapport aux acquis de Glasgow. Cette COP constitue un pas en arrière, notamment parce que le temps pour lutter contre le réchauffement climatique presse. Le retard à combler lors de chaque nouvelle COP ne cesse de s’agrandir».

«Une nouvelle fois, la déclaration finale ne contient rien d’explicite sur la sortie progressive des énergies fossiles. Tout au plus, la réduction progressive de leur utilisation a été répétée, un principe très faible déjà retenu dans la douleur à Glasgow», renchérit Christophe Murroccu, en charge des dossiers énergie et protection du climat auprès du Mouvement écologique (Méco). Tout comme Raymond Aendekerk, il fustige le rôle joué par le lobby des fossiles à Charm el-Cheikh. «L’absence d’une révision à la hausse des ambitions de réduction d’émissions de gaz à effet de serre est le résultat de la forte pression exercée par les trop nombreux lobbyistes présents à cette COP. Sont également à blâmer les États dont le fonds de commerce reste constitué par l’énergie fossile», clame le directeur de Greenpeace Luxembourg.

La tendance à remettre en question à chaque COP l’objectif de limiter le réchauffement de la planète à 1,5 °C, un principe arrêté formellement en 2015 à Paris, est vivement critiquée par Christophe Murroccu. «Cela est d’autant plus inquiétant que nous savons que les engagements pris sont de loin insuffisants pour atteindre cet objectif», souligne-t-il. «Il faut savoir que lors de cette COP, une vingtaine d’accords pour l’exploitation d’énergies fossiles ont été conclus. C’est aberrant et cela porte un coup supplémentaire à la crédibilité de la conférence», termine l’activiste du Méco.

Youth for Climate
dans la rue samedi

Ils considèrent être «sans voix». Youth for Climate Luxembourg (YFCL) sera de retour dans les rues de la capitale, samedi. Le ton et la forme de cette nouvelle manifestation des jeunes activistes pour le climat vont cependant changer par rapport aux actions précédentes. «Après de nombreuses grèves, les gens ont ignoré nos messages et nous ont réduits à un groupe d’enfants « hurlant » et « séchant l’école ». Cette fois-ci, nous ferons en sorte que les gens écoutent notre message en organisant notre première marche silencieuse», peut-on lire dans le communiqué d’annonce. Le rendez-vous est fixé à 18 h à la place Hamilius. «Nous appelons chaque individu qui se soucie de notre planète et souhaite assurer un environnement sûr pour toutes les générations futures à se joindre à notre marche», lance YFCL. Le cortège passera devant la Chambre avant d’arriver place Clairefontaine. Les participants sont priés de ne pas apporter de pancartes ou de bannières et de porter des vêtements de couleur foncée.

Le fonds de compensation, seul acquis majeur

La ministre de l’Environnement n’hésite pas à évoquer une «véritable percée». La création d’un nouveau fonds dédié aux pays les plus vulnérables dans le domaine des «pertes et préjudices», provoqués par le changement climatique, constitue le seul acquis majeur de la COP27. «Il est bien que ce fonds ait été confirmé. Cela est surtout important pour les pays les plus vulnérables qui souffrent le plus des effets du changement climatique», souligne Raymond Aendekerk, le directeur de Greenpeace Luxembourg.

Dans la dernière ligne droite des négociations tendues à Charm el-Cheikh, la présidence tchèque du Conseil de l’Union européenne a fait appel à plusieurs ministres de l’UE pour arracher un accord global. Joëlle Welfring a été sollicitée, avec son homologue néerlandais, Rob Jetten, pour prendre en charge les sujets ayant trait aux finances. La Luxembourgeoise était donc directement impliquée pour dégager le compromis sur le nouveau fonds de compensation. «La création du fonds représente une véritable percée dans l’impasse des négociations mondiales sur le climat», soulignait la ministre dimanche soir. «L’UE a fait meilleure figure que prévu. Elle est restée unie pour mettre la pression sur la présidence égyptienne de la COP», applaudit Raymond Aendekerk.

Chez Greenpeace, la prudence reste toutefois de mise. «Nous ne sommes qu’au tout début d’un processus. À la COP de Glasgow, un montant de 100 milliards de dollars a été mis en perspective pour alimenter ce fonds. Il faudra au moins doubler ce montant, sachant que les pertes et dommages à réparer vont se chiffrer, à l’horizon 2030, dans une fourchette située entre 290 et 380 milliards de dollars», avance le directeur.

«Des questions restent à trancher»

Selon l’association Action solidarité tiers monde (ASTM), le montant «équitable» de la contribution luxembourgeoise à ce fonds s’élève à 324 millions d’euros. Dimanche, la ministre Welfring a évoqué une première enveloppe de 10 millions d’euros. «Il est difficile d’établir un calcul, mais la marge reste importante entre les 10 millions d’euros annoncés et la dette historique estimée à 324 millions d’euros», estime Christophe Murroccu, porte-parole climatique du Mouvement écologique. Il rappelle en outre que «toute une série de questions restent à trancher» : «Qui devra contribuer à quelle hauteur à ce nouveau fond et quels pays pourront en profiter. Et quel est l’axe de temps à respecter.»

La proposition du président français, Emmanuel Macron, d’organiser une conférence de financement, au printemps 2023, n’enthousiasme pas vraiment l’activiste. «Nous connaissons tous la position pro-nucléaire de la France. Partant de ce constat, je ne vois pas réellement quelle pourrait être la plus-value d’une telle conférence, organisée par un pays qui ne compte pas renoncer à une source d’énergie non durable», fait remarquer le directeur de Greenpeace Luxembourg.

D’une manière plus globale, le gouvernement luxembourgeois est appelé à revoir ses ambitions climatiques nettement à la hausse, que ce soit sur le plan financier, la réduction des émissions de CO2 ou encore l’abandon de l’énergie fossile. «Le Luxembourg doit lui aussi accélérer. Nous disposons des moyens pour agir», clame Raymond Aendekerk. 

Un commentaire

  1. Toutes les projections sur la température qu’il fera en 2100 sont lues dans le marc de café.
    Cela peut être +2°C ou -2°C, ou n’importe quoi d’autre. Personne ne le sait.
    En effet, les modèles qui sont utilisés permettent de dire n’importe quoi, selon qu’on ajuste un paramètre dans un sens ou l’autre.
    Les écolos ont bien entendu « ajusté » la chose pour vous faire peur.
    Mais si on connait un peu la physique et ce que valent les modèles dans lesquels il y a un grand nombre de paramètres ajustables, on garde son calme et on avoue qu’en ce qjui concerne la température moyenne du globe dans 80 ans, on n’en sait strictement rien.
    Les agitations des COP 45 ou 72 n’y changeront rien.