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[Commentaire] Fiscalité : «De toute évidence…»


Le ministère de Pierre Gramegna a reconnu implicitement jeudi que les rulings accordés à Amazon étaient illégaux. (Photo: Isabella Finzi)

En lâchant, jeudi, que «de toute évidence Amazon devra effectuer le paiement exigé», le ministère des Finances reconnaît implicitement que les avantages fiscaux accordés par le Luxembourg à la multinationale étaient «illégaux», pour reprendre le mot de la commissaire européenne à la Concurrence, Margrethe Vestager.

La veille, le ministère soutenait encore que le groupe américain avait «été imposé en conformité avec les règles fiscales en vigueur à l’époque des faits». Certes, l’épilogue n’est pas écrit, Amazon étant déterminé à épuiser tous les recours pour ne pas verser 250 millions d’euros au fisc luxembourgeois, comme l’exige Bruxelles.

Le gouvernement n’avoue pas clairement ses mystifications répétées depuis trois ans sur la légalité des tax rulings. Et sans doute ne le fera-t-il jamais. Mais il esquisse un pas en arrière. D’autant plus notable que dans le dossier Amazon le bras de fer avec l’exécutif européen a parfois été musclé.

Quand Juncker gouvernait le pays

Les explications à ce changement de cap sont sans doute multiples, allant du besoin de redresser l’image délétère que ces affaires donnent du pays, à la menace d’être traîné devant la justice européenne comme c’est le cas pour l’Irlande. Ou encore le péril de voir la Commission enchaîner les enquêtes, sachant que les milliers de tax rulings accordés dans les années 90 et 2000 à des multinationales étaient tous du même tonneau.

Pierre Gramegna, le ministre des Finances, préparait le terrain, répétant à l’envi ces derniers mois que ces pratiques relèvent du passé, quand Juncker gouvernait le pays. Faut-il pour autant passer par pertes et profits les préjudices de cette escroquerie organisée par l’État, des cabinets d’audit et des fonctionnaires parfois corrompus? Des dizaines d’États ont été privés de milliards de recettes fiscales et les lanceurs d’alerte ayant révélé le scandale LuxLeaks ont été condamnés. Personne n’en serait responsable, sous prétexte que la faute en revient aux gouvernements précédents?

Il a été beaucoup question de légalité et de morale dans l’affaire LuxLeaks. Maintenant que la question de la légalité est éclaircie, peut-être est-il temps de parler de morale. En commençant par dire le sens que l’on entend donner au mot justice.

Fabien Grasser