Xavier Bettel est en déplacement cette semaine au Laos, pays que le Luxembourg soutient financièrement depuis 28 ans, dans le cadre de la coopération au développement. Une façon de mesurer, sur le terrain, l’impact de cet investissement sur la vie locale.
Saviez-vous que le Laos est le territoire le plus bombardé de toute l’Histoire? Entre 1964 et 1973, près de 2,5 millions de bombes y ont été larguées, alors que la guerre faisait rage au Vietnam, pays voisin. Presque un demi-siècle plus tard, les traces de cette sombre époque sont malheureusement plus visibles que jamais : rien que durant l’année 2023, près de 40 incidents liés à des mines ont en effet été comptabilisés dans le pays.
Un véritable fléau, qui est devenu le fer de lance de l’agence luxembourgeoise pour la Coopération au développement (LuxDev), qui participe, depuis 28 ans, au nettoyage des villes et villages du pays, aux côtés de l’organisation Lao National Unexploded Ordnance (UXO Lao), un programme laotien qui déblaie les terres de munitions non explosées.
«Nous ne pouvons rien implanter sans déminer au préalable. C’est la première chose à faire si l’on veut développer des infrastructures ici», appuie l’ambassadeur luxembourgeois au Laos, Patrick Hemmer. C’est simple : en 28 ans, plus de 1 837 000 bombes ont été détruites grâce aux actions d’UXO Lao. Soit, à une petite dizaine près, l’équivalent du nombre d’habitants en Lettonie.
Un «pays des bombes», qui essaie d’effacer les traces du passé. Avec difficulté, mais sans tout oublier non plus. «C’est un travail difficile, mais cela fait partie de notre histoire, et nos enfants apprennent cela aussi à l’école», explique Saomany Manivong, député national du programme directeur d’UXO Lao, qui rêve de voir son pays enfin libéré de cette plaie.
Neuf provinces laotiennes sont aujourd’hui encore sous surveillance constante : seulement 36 % du territoire a en effet été «nettoyé» des bombes jusqu’ici. Un travail de longue haleine, qui ne pourra certainement jamais être totalement terminé : le Laos demeure le pays le plus boisé d’Asie du Sud-Est, des forêts qui ne sont, pour l’heure, pas prioritaires. «Nous nettoyons d’abord les zones habitables, agricoles», appuie Saomany Manivong, qui espère se voir développer de nouvelles technologies pour les aider à déminer plus efficacement.
Nous sommes comme des militaires au front
Il faut dire que la méthode actuelle… fait un peu froid dans le dos. Devant le ministre des Affaires étrangères luxembourgeois et sa délégation, plusieurs membres d’UXO Lao ont procédé à une démonstration de leur travail à l’aide de détecteurs de métaux, portés à bout de bras. Aucune protection particulière, aucune aide technologique, tout est mis en place par l’Homme. D’une manière presque rudimentaire. «Nous sommes comme des militaires au front», explique Saomany Manivong avec fierté, «nous sommes là pour sauver des vies, il faut rester fort et humble».
Développer le tourisme
Une modestie que l’on retrouve aussi plus au sud du pays, à Vang Vieng, où de nombreux jeunes étudient l’art de l’hospitalité, le tourisme, mais aussi l’agriculture et l’informatique à l’école hôtelière «The Academy», créée spécialement par le Luxembourg, là encore, via l’agence pour la Coopération au développement. Ils sont plus de 1 400 étudiants à suivre cette année 25 disciplines visant à développer le tourisme dans la région.
Parmi eux, Lex, 22 ans, diplômée en 2022 et qui travaille désormais dans cet hôtel-restaurant, qui, en plus de servir de lieu d’apprentissage pour les jeunes Laotiens, accueille également des touristes dans six chambres distinctes et un restaurant.
Celle qui était d’abord réceptionniste, a rapidement été promue superviseur «Front office» : elle gère les commandes avec les transporteurs, le site internet, les courriels avec les clients, etc. Une vraie fierté pour elle qui ne «connaissait pas le Luxembourg» avant d’entamer ses études dans cet établissement. La jeune femme voit dans cet investissement du Grand-Duché une «réelle opportunité» de développer un corps de métier très demandé au Laos : le tourisme.
«J’ai commencé à apprendre l’anglais il y a deux ans seulement et je me confronte chaque jour aux clients, cela m’aide à progresser», explique-t-elle avec le sourire. La barrière linguistique demeure en effet un des problèmes récurrents du Laos. Un point dont s’est étonné le ministre Bettel lors de ses différentes rencontres. «Nous travaillons là-dessus», a répondu Tony Donovan, en charge du développement des compétences professionnelles à «The Academy». «Les Laotiens sont très timides, même s’ils sont naturellement amicaux, nous devons leur donner du courage pour oser parler en anglais. De la pratique, de la pratique, de la pratique! Voilà ce que nous leur apportons.»
Un campus qui va continuer de s’étendre : une nouvelle aile sera créée ces prochaines années afin d’accueillir de nouveaux étudiants et professeurs et leur offrir de meilleures conditions de vie. «Dans l’idéal, nous voulons que ce lieu soit vraiment dédié au tourisme», souligne Tony Donovan, fier de rappeler un taux de réussite et d’insertion professionnelle de l’ordre de 100 % pour cette école presque «made in Luxembourg»… À l’autre bout du monde.
Des investissements qui vont également se poursuivre du côté d’UXO Lao, qui espère nettoyer encore plus de 3 170 hectares pour l’année 2024. Et permettre ainsi à d’autres jeunes, comme Lex, d’avoir foi en leur avenir et d’oublier, un tant soit peu, les traumatismes du passé, qui continuent encore aujourd’hui, de tuer.
«Une relation dans la durée»
Voilà 28 ans que le Luxembourg mise sur le Laos en investissant dans le déminage et le déploiement d’infrastructures, que ce soit dans le domaine touristique, l’éducation ou encore la santé.
Depuis la signature d’un accord de coopération en 2000, le pays a ainsi investi plus de 200 millions d’euros au Laos. Quatre programmes de coopération dits indicatifs (PIC) se sont enchaînés et un cinquième est actuellement en cours jusqu’en 2027, prévoyant un investissement supplémentaire de 95 millions d’euros. «Une relation dans la durée», a appuyé fièrement l’ambassadeur luxembourgeois au Laos, Patrick Hemmer.
Pour rappel, depuis 2009, le Luxembourg investit 1 % du revenu national brut dans l’aide publique, ce qui le classe parmi les cinq économies développées les plus ambitieuses dans ce domaine.