Le Luxembourg est menacé d’une amende pour ne pas avoir transposé à temps une directive européenne sur les chemins de fer. Pour François Bausch, la faute en incombe au Conseil d’État et à l’ancien gouvernement.
La Commission européenne a demandé à la Cour de justice de l’Union européenne d’infliger une amende de 8 700 euros par jour de retard dans la transposition de la directive établissant un espace ferroviaire unique européen. C’est ce que nous apprennent les députés chrétiens-sociaux Aly Kaes et Émile Eicher dans une question parlementaire dans laquelle ils somment le ministre du Développement durable et des Infrastructures de s’expliquer sur ce retard. Ils estiment qu’il risque de «peser lourd sur notre budget d’État». Le délai de transposition de la directive a expiré le 16 juin 2015.
François Bausch ne se fait pas prier pour détailler les raisons du retard pris, renvoyant tout d’abord la balle dans la cour du Conseil d’État. Dans sa réponse datée de lundi dernier, le ministre écologiste retrace le parcours institutionnel suivi par cette directive au Luxembourg depuis son adoption par la Commission européenne, le 21 novembre 2012.
Il rappelle ainsi que le Conseil de gouvernement a été tout d’abord saisi de la question le 13 novembre 2015 et qu’un projet de loi de transposition de la directive avait été déposé à la Chambre des députés le 21 décembre 2015. Comme le prévoit la loi, les chambres professionnelles et le Conseil d’État ont été saisis à la même période afin qu’ils livrent leur avis sur ce projet. Si la Chambre de commerce et la Chambre des salariés se sont acquittées de leur tâche dès les semaines qui ont suivi, il en va tout autrement du Conseil d’État, selon François Bausch.
Après que son ministère a été rappelé à l’ordre au cours d’une réunion avec la Commission européenne à Bruxelles en juin dernier, le ministre dit avoir insisté par courrier «auprès des membres du Conseil d’État sur l’importance et l’urgence à accorder au dossier». Autrement dit, François Bausch prient les conseillers d’État de débarquer de leur tortillard pour grimper dare-dare dans un TGV afin d’éviter une sanction financière au Grand-Duché.
«À toutes fins utiles, je me permets de noter…»
Hélas, constate le ministre, «à l’heure actuelle, l’avis du Conseil d’État est toujours attendu afin de pouvoir incorporer les remarques éventuelles de la Haute Corporation dans le texte du projet de loi». Et «c’est seulement à ce moment que la commission du Développement durable de la Chambre des députés pourra examiner le projet de loi», précise-t-il.
Mais François Bausch se veut «confiant quant à la transposition de ladite directive au cours de l’année 2016».
Aux yeux du ministre, les conseillers d’État ne sauraient cependant être tenus pour seuls responsables du retard pris. Réponse du berger à la bergère : «Enfin et à toutes fins utiles, je me permets de noter cependant qu’à mon arrivée au ministère fin 2013, les travaux de transposition n’ont pas encore commencé au sein du ministère» pour cette directive «élaborée au sein du conseil Transport de l’Union européenne sous l’ancien gouvernement».
Un «ancien gouvernement» où le ministère était dirigé par un élu chrétien-social, donc issu du même parti qu’Aly Kaes et Émile Eicher. Et qui plus est, qui s’appelait alors Claude Wiseler, celui-là même qui ambitionne de diriger le gouvernement après les législatives de 2018. À condition qu’il ne rate pas le train.
Fabien Grasser
Suite du paquet ferroviaire
La directive instituant un espace ferroviaire unique européen s’inscrit dans le cadre des paquets ferroviaires mis en œuvre depuis une quinzaine d’années par la Commission européenne. Il a pour objectif de faciliter la concurrence sur le rail européen. Ces mesures sont contestées par la plupart des syndicats de cheminots, dont le FNCTTFEL au Luxembourg. Outre les effets néfastes sur les conditions de travail et l’emploi des cheminots, les syndicats estiment que ces politiques n’ont aucun effet bénéfique pour les usagers.
Or, qui dit concurrence accrue, pourrait être notamment amené à penser baisse des tarifs. Qu’en est-il réellement ? Difficile à savoir car si la Commission et Eurostat ont à ce jour publié des tonnes de statistiques sur le transport ferroviaire, il n’en existe pas de précises sur l’évolution dans le temps des prix du rail pour les passagers. Si l’on peut tout savoir sur la part du train dans les transports, l’éloignement des gares du domicile des passagers ou encore le temps de transport moyen en train, aucune vue d’ensemble n’existe sur les tarifs.
Tout juste peut-on trouver dans un document de la Commission des indications ponctuelles qui nous apprennent que de façon générale l’augmentation du prix du train est généralement – mais pas toujours – restée inférieure à celle des carburants.
Donc la directive a été adoptée le 21 novembre 2012.
Le ministre Bauch est entré au gouvernement en décembre 2013.
Le délai de transposition de la directive a expiré le 16 juin 2015.
Un premier projet de transposition a été déposé le 21 décembre 2015, à savoir trois ans après l’adoption de la directive, deux ans après l’entrée en fonction du ministre, et, de surcroît, 6 mois après l’expiration du délai de transposition.
Et c’est la faute aux autres, dont le Conseil d’Etat?
Comment est-ce que la directive aurait pu être transposée en temps utile si le ministre attend deux ans après sa nomination et 6 mois après l’expiration du délai de transposition pour déposer un premier projet.
Il me semble que le seul et unique responsable pour le dossier dans ce dossier soit le ministre Bausch.