Après une vie passée à attendre, le prince Charles, 73 ans, souvent mal aimé et mal compris, est devenu jeudi le roi Charles III après la mort de sa mère Elizabeth II, à un âge généralement plus propice à la retraite qu’aux grandes réformes.
Son accession au trône après 70 ans de patience, un record dans l’histoire de la monarchie britannique, a été immédiate à la mort de la reine, en vertu d’une ancienne maxime latine « Rex nunquam moritur » (le roi ne meurt jamais).
Il s’appellera Charles III, ont confirmé ses services dans la soirée, peu après que la Première ministre Liz Truss eut salué le nouveau monarque.
« Aujourd’hui, la Couronne passe, comme elle l’a fait pendant plus de mille ans, à notre nouveau monarque, notre nouveau chef d’État, Sa Majesté le roi Charles III », a déclaré la toute nouvelle Première ministre, que la reine avait reçue mardi au château de Balmoral pour lui demander de former un nouveau gouvernement.
Le couronnement de Charles, cérémonie hors du temps, unique en Europe, devrait intervenir au mieux dans quelques semaines, une fois dépassé le traumatisme du décès de la reine Elizabeth II, souveraine adulée décédée à 96 ans.
Elle-même avait été couronnée en juin 1953, 16 mois après avoir été proclamée reine. C’était « le dernier hourra impérial », avec « 8.250 personnes entassées dans l’Abbaye de Westminster », selon Bob Morris, auteur de plusieurs ouvrages sur l’avenir de la monarchie.
Selon lui, Charles devrait préférer « un couronnement plus rapide et plus petit », mais tout pourrait dépendre de la date, pour éviter un couronnement au cœur de l’hiver.
Camilla reine consort
Sa deuxième épouse Camilla deviendra reine consort, un souhait exprimé par la reine en février dernier. Le sujet restait sensible chez les Britanniques. Après son remariage avec le prince Charles en 2005, Camilla avait choisi de ne pas prendre le titre de princesse de Galles, trop associé à la princesse Diana que Charles avait trompée avec elle pendant de longues années.
Étrange destin que celui de ce prince à la personnalité singulière, beaucoup moins populaire que sa mère, dont il attendait la mort pour entrer dans la lumière.
Né le 14 novembre 1948, il était devenu, en tant que fils aîné, l’héritier de la couronne à 3 ans et 3 mois, en février 1952, lorsque la princesse Elizabeth, 25 ans, était devenue reine à la mort de son père George VI.
Depuis ses premiers engagements officiels dans les années 70, le rôle du Prince de Galles a été de « soutenir sa majesté la Reine, en tant que point focal de la fierté nationale ».
Il a donc accueilli en son nom les dignitaires au Royaume-Uni, participé aux dîners d’État, voyagé dans une centaine de pays, remis des milliers de décorations, couru les inaugurations, honoré des héros, écrit ou enregistré d’innombrables messages d’encouragement ou de félicitations.
Il remplaçait de plus en plus sa mère à la santé déclinante. En mai, Charles avait prononcé à sa place pour la première fois le discours du trône au Parlement, l’une de ses fonctions constitutionnelles les plus importantes.
56% d’opinions favorables
Les Britanniques connaissent surtout de lui le naufrage de son mariage avec la princesse Diana, qui lui a fait un tort considérable dans les années 1990, et son remariage avec Camilla.
Homme de passions, Charles a occupé au mieux cette très longue attente, défenseur avant l’heure de l’environnement, amateur de médecines douces, passionné d’urbanisme durable et jardinier inspiré qui parle à ses arbres. Depuis 2007, il publie son « empreinte écologique » (total 3 33 tonnes de CO2 en 2020 contre 5070 en 2019).
Il est au total président ou bienfaiteur de plus de 420 organisations caritatives, dont la principale, le Prince’s Trust, a aidé depuis sa création en 1976 plus d’un million de jeunes en difficulté.
Mais ce vieil aristocrate dandy qui aime les costumes croisés est nettement moins populaire que sa mère, entièrement dévouée à son rôle pendant 70 ans, et d’une neutralité absolue.
Est-ce son âge, sa gaucherie, ou ses passions trop bavardes jugée parfois à la limite de l’ingérence politique ? Il n’était qu’à 56% d’opinions favorables dans un récent sondage YouGov en mai, loin derrière la reine (81%), son fils le prince William (77%) sa belle-fille Kate Middleton ou sa sœur la princesse Anne. Camilla plafonnait à 48% d’opinions positives.
Depuis le décès de son père, le prince Philip au printemps 2021, et alors que la reine se faisait moins présente, Charles a resserré le cercle royal, autour de lui, Camilla, son fils aîné William, son plus jeune frère Edward.
Il prend les rênes d’une institution au rôle amoindri dans le monde, à une époque et un âge qui sont un double défi. Nul ne sait encore comment Charles Philip Arthur George saura l’incarner, mais une chose est déjà sûre : ses années de règne lui sont comptées.