Alors que le CETA doit provisoirement entré en vigueur le 21 septembre, la Belgique a officialisé mercredi la saisine de la Cour de Justice de l’UE sur la légalité du traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada. Le gouvernement fédéral avait pris cet engagement pour mettre un terme au blocage du parlement wallon qui refusait d’octroyer à la Belgique la délégation de pouvoir pour signer le CETA.
La Cour de Justice de l’Union européenne a été officiellement saisie mercredi par la Belgique pour qu’elle livre son avis sur la légalité du CETA, l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada, signé le 30 octobre dernier à Bruxelles. Le gouvernement fédéral de Charles Michel donne suite à l’engagement qu’il avait pris le 27 octobre dans le cadre d’un accord intra-belge pour mettre fin à un long bras-de-fer qui l’avait opposé au parlement Wallon qui rejetait la signature en l’état du CETA. Personnifiée par le ministre-président socialiste de Wallonie, Paul Magnette, la fronde francophone avait tenue l’Europe entière en haleine des semaines durant, le parlement régional menaçant de faire capoter cet accord négocié pendant sept ans entre la Commission européenne et le Canada.
L’un des points d’achoppement porte sur le tribunal arbitral prévu par le CETA pour régler les litiges entre investisseurs privés étrangers et les États. La crainte des wallons est de voir ce tribunal arbitral contourner les juridictions nationales et la Cour de Justice de l’UE à laquelle les traités européens réservent pourtant l’exclusivité de l’interprétation du droit communautaire. Cette préoccupation est largement relayée par la société civile européenne, de nombreuses ONG ainsi que des syndicats de magistrats nationaux rejoignant l’analyse des Wallons. L’avis de la Cour européenne sur la légalité de la clause d’arbitrage prévue par le CETA «est indispensable, vu les dérives constatées ces dernières années par des arbitrages donnant la primauté aux intérêts privés au détriment de décisions démocratiques en faveur de l’intérêt général», affirme ainsi Arnaud Zacharie sur le site internet de l’ONG belge CNCD 11.11.11, dont il est le secrétaire général.
Concurrence faussée
Pour les opposants au CETA, le tribunal arbitral prévue par la clause dite « ICS » (Investment court system), comporte le risque des voir les États renoncer à améliorer les droits sociaux ou les règles sanitaires de peur d’être attaqués par des multinationales qui jugeraient que leurs intérêts sont lésés.
Un autre reproche formulé à l’égard de ce système est qu’il fausse la concurrence en créant «une justice d’exception réservée aux investisseurs étrangers» dérogeant «au principe général d’égalité de traitements entres les investisseurs», avance en France l’Institut Veblen pour les réformes économiques.
Malgré les fortes pressions exercées par la société civile sur les gouvernements de divers pays de l’UE, la Belgique est le seul État membre à avoir saisi la Cour de justice de l’UE sur cette question. En novembre dernier, le Parlement européen avait rejeté à la majorité un projet de résolution qui lui aurait permis de saisir la Cour de Luxembourg.
L’UE ne peut agir seule
En attendant que les magistrats européens éclaircissent les points qui leur sont soumis par le gouvernement belge, ils se sont déjà prononcés, le 16 mai dernier, sur une autre question polémique touchant aux accords de libre-échange entre l’UE et des pays tiers. Les juges de Luxembourg avaient alors rendu en avis confortant là encore la position wallonne en estimant que l’Union européenne n’a pas de « compétence exclusive » sur les accords de libre-échange. Autrement dit, la Cour de Justice estime que pour entrer en application, tous les accords commerciaux dits de « nouvelle génération » devront être validés par le Conseil européens (la réunion des chefs d’États ou de gouvernements), le Parlement européen et par les parlement nationaux et, le cas échéant, par les parlements régionaux. Cet avis avait alors été salué par Paul Magnette, soulignant que la «la Cour européenne confirme que la Wallonie a bien son mot à dire sur les conflits multinationales –États dans les accords commerciaux».
La Cour de Justice de l’UE devrait rendre son avis dans les 18 mois à venir. Si les juges européens livrent un avis négatif, le CETA serait totalement à renégocier dans sa version actuelle. Selon l’accord signé le 30 octobre dernier entre l’UE et le Canada, le CETA entrera provisoirement en application le 21 septembre prochain.
F.G.