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Centre d’innovation Greentech du LIST : «Dans le top 3 européen»


Jean-François Hausman et Jenny Renaut, respectivement responsables de l’agriculture moléculaire végétale et de la plateforme d’analyse du centre.

Au sein du LIST à Hautcharage, le Centre d’innovation Greentech abrite un jeune secteur prometteur qui brille au niveau européen dans sa recherche pour des molécules végétales bioactives.

Récemment et discrètement installé à Hautcharage, malgré un site de 1 500 m2, le Centre d’innovation Greentech du LIST possède une part de mystère. Une soixantaine de scientifiques y travaillent afin de développer des concepts de bioraffinage, des technologies de détection et de traitement de la pollution environnementale ainsi que des «produits et procédés d’origine biologique et d’intérêt industriel». Un dernier point flou et complexe sur lequel travaillent notamment Jean-François Hausman et Jenny Renaut. «On travaille principalement sur de la matière végétale et on vise à produire des molécules à haute valeur ajoutée», résume le responsable du secteur «agriculture moléculaire végétale» du centre.

Le but? Utiliser les propriétés des molécules pour des activités industrielles notamment. «Aujourd’hui, le secteur de la cosmétique est un secteur sur lequel on est très actif, il y a une demande qui est très forte.» Parmi les 500 souches cellulaires de différentes espèces ou variétés végétales étudiées, certaines sont prisées pour leurs propriétés «antioxydantes, antirides et antivieillissement», précise Jenny Renaut, la responsable de la plateforme d’analyse dédiée à l’agriculture moléculaire. Les autres partenaires, au Luxembourg ainsi qu’à l’étranger, se trouvent dans les secteurs des nutraceutiques, des colorants alimentaires ou encore des antifongiques pour l’agriculture.

Brevet et secret industriel

Cette recherche moléculaire étant prisée (voir ci-dessous), aucune indication ni étiquette ne peuvent être photographiées. «On travaille avec à peu près 50 % de projet industriel et 50 % de recherche et la quasi-totalité des projets sont confidentiels», explique Jean-François Hausman, qui dirige aussi des travaux financés par le Fonds national de la recherche. Pour les acteurs cosmétiques, l’enjeu est d’autant plus important car «ils veulent l’exclusivité de l’utilisation de l’ingrédient bioactif et surtout avoir le temps d’arriver sur le marché avant la concurrence». Ce qui sort du Centre d’innovation Greentech sort donc avec brevet, ou du moins avec un secret de fabrication à respecter. «On ne brevette pas du vivant, mais bien un procédé.»

Pour ce qui est du procédé, tout débute par la culture in vitro d’espèces végétales non transformées. Une approche qui «était très en vogue dans les années 80 jusqu’à fin des années 90, puis qui a quasiment disparu avant de commencer à revenir aujourd’hui», fait savoir Jenny Renault. Dans des conditions de lumière, de température et d’humidité surveillées, les plantes poussent dans un milieu de culture en condition stérile. On trouve par exemple des plantes grasses, du pommier, du cacao, des légumineuses ou encore du chanvre.

En utilisant les biotechnologies, il est aussi possible d’obtenir des cultures de différentes espèces végétales sous forme d’amas de cellules : les cals. Ces derniers sont ensuite transférés dans un milieu liquide, puis dans un bioréacteur afin de se développer. C’est sur ce point que le LIST se démarque en possédant une ligne de 12 bioréacteurs. «Ce qui est à ma connaissance unique en Europe, ou tout du moins dans la Grande Région. Nous sommes dans le top 3 européen.»

Dans ce monde de chiffres et de calculs savants, un petit clin d’œil à la pop culture reste possible à travers les noms des bioréacteurs, nommés d’après les personnages de la série d’animation South Park. «Selon l’âge des gens, je devine qui aura la référence ou non», s’amuse Jean-François Hausman.

Dépasser le stade de la recherche

Une fois que les cellules ont atteint leur apogée au sein d’un bioréacteur, elles sont ensuite séparées du bouillon de culture par «la filtration, le broyage, l’extraction à l’éthanol, la distillation et le séchage», énumère Jenny Renault. Ceci permet de purifier, concentrer et transformer la biomasse pour que le produit final puisse être délivré aux industriels sous la forme d’une poudre dans laquelle se trouve la molécule d’intérêt. Afin de passer de laboratoire à partenaire industriel, le LIST a dû investir pour son travail de bioactivité.

Avant d’en extraire la molécule, les espèces végétales poussent en culture in vitro au sein du LIST. Photo : julien garroy

En juillet dernier, une ligne d’équipements a notamment été inaugurée, pour un investissement de deux millions d’euros. «Notre mission n’est pas uniquement de faire des publications, mais d’avoir un impact. Et aussi un impact économique bien sûr», déclare le responsable. «L’objectif du centre est de combler le vide entre la recherche académique et industrielle.»

Bien que le prix d’une molécule ciblée ne puisse être dévoilé, il s’agit d’un secteur où le gramme coûte beaucoup, d’où l’importance de la confidentialité. «Lors d’une visite de ministres, j’ai dit qu’en produisant des kilos, on pourrait boucher le trou de la Sécurité sociale», rigole Jean-François Hausman. Les revenus générés reviennent au LIST et servent à son budget, notamment pour le financement des «activités de recherche plus fondamentales».

Invité à figurer au musée de la Ville de Luxembourg pour l’exposition «All You Can Eat», le Centre d’innovation présente l’un des bioréacteurs qui pourraient produire la nourriture de demain, en ciblant des molécules pour leurs propriétés nutritives. «C’est quelque chose d’envisagé au Luxembourg pour les voyages spatiaux de longue durée», glisse Jenny Renault. «En termes de possibilités de développement, je suis persuadée que nous n’en sommes qu’au début.»

«C'est plus qu'une attente, c'est une demande»

La montée en puissance du secteur de la biotechnologie végétale du centre, créé en 2018 à partir d’un seul bioréacteur, est fulgurante. Dans le top 3 européen en termes d’équipements et de connaissances, ce département du LIST est notamment membre d’un consortium européen pour les recherches en industrie cosmétique. Une légitimité qui attire les industriels. «Au début, nos business développeurs démarchaient les gens, mais maintenant, on est vraiment contactés spontanément», se réjouit Jean-François Hausman. Malgré ses 30 ans d’expérience au sein du LIST, «c’est vraiment nouveau», estime celui qui découvre depuis peu les salons industriels, ce que le LIST «ne faisait pas forcément précédemment».

L’intérêt croissant pour les molécules végétales est aussi visible via les formations dispensées aux industriels ou universitaires, pour lesquelles «on a dû refuser des participants». En juin dernier, une conférence a également réuni plus de 130 curieux, du Japon aux États-Unis, qui «ont découvert ce qu’on faisait et depuis, on a vraiment identifié une communauté d’acteurs intéressés». Face à ce succès, une prochaine conférence devrait avoir lieu en 2025. «C’est plus qu’une attente, c’est une demande.»

En fin de procédé, un sachet de poudre est livré aux partenaires industriels, chargés d’en extraire la molécule cible eux-mêmes. Photo : julien garroy

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