Au Grand-Duché, de plus en plus d’hommes optent pour le temps partiel, afin de se consacrer à autre chose. Le sociologue français Louis Chauvel fait état d’une déstandardisation du travail.
Dossier réalisé par Aude Forestier
Il y a quelques semaines, le think tank Équilibre, plateforme de réflexion sur la complémentarité entre femmes et hommes menée par Larissa Best, publiait les conclusions d’une étude sur le travail à temps partiel et à temps plein au Grand-Duché et dans l’Europe des 28 pour une période allant de 2007 à 2016. Au Luxembourg, le pourcentage d’hommes travaillant à temps partiel et entrant dans la catégorie des 15-64 ans a crû de 10% par an entre 2007 et 2016.
L’étude relaie, par ailleurs, que les hommes ne travaillant pas à temps plein représentaient 3,39 % de la force de travail locale. À l’époque de la sortie du texte, Larissa Best, la cheffe d’Équilibre, nous avait confié que si cette progression continuait, il y aurait autant de femmes que d’hommes à temps partiel… en 2033. Dans le reste de l’Europe, le temps partiel masculin représente un tout petit 1,3% de la force de travail. Les métiers où cette forme de travail expérimentée par ces messieurs a le plus augmenté sont l’enseignement, les professions de la santé, celles du social, du culturel, de l’administration, du légal et des technologies de l’information et de la communication (TIC).
Cinq hommes rencontrés lors de notre enquête vivent des situations différentes (voir ci-dessous). Quand l’un, jeune avocat à Luxembourg, consacre une journée à l’enseignement à l’université, un autre utilise ce jour «chômé» pour s’occuper de ses enfants, faire des tâches ménagères et s’adonner à des activités qu’il ne pourrait pas pratiquer en étant employé à temps plein. Le temps partiel, peut aussi être subi. On peut en retirer un avantage en occupant «son temps libéré» avec d’autres activités tout aussi enrichissantes.
Alléger la charge de travail
Le sociologue Louis Chauvel, spécialisé dans la démographie, également enseignant à l’université du Luxembourg, nous a expliqué qu’aujourd’hui «on parle de déstandardisation» du travail. En clair, on ne suit plus nécessairement le rythme des 40 heures de travail par semaine en vigueur depuis les années 70. Il s’agit selon lui d’ «une complexification de la vie des hommes et des femmes».
Pour lui, ce temps partiel est «une façon d’alléger la charge de travail pour faire autre chose», comme par exemple partager son savoir en tant que professeur dans l’enseignement supérieur. Le travail à temps partiel permet «une flexibilisation du temps et de consacrer sa vie à autre chose» (à la famille ou à une activité artistique, comme participer à une pièce de théâtre ou encore à la fondation de sa propre entreprise).
Il affirme par ailleurs qu’une partie de la population a besoin «d’un emploi standardisé», car ce «genre de modèle» permet de «planifier» sa vie. Louis Chauvel soutient, en outre, qu’il existe une «déstandardisation de la famille» et que, pour une femme, «avoir un enfant est une perte d’opportunité professionnelle».
Pour lui, le monde du travail est partagé par «une extrême diversité». Il ne peut être «un monde de liberté totale», mais peut permettre «l’épanouissement de soi». Abordant l’aspect de l’âge, le sociologue dit que les hommes (qui vivent moins longtemps que les femmes) au-delà de 40 ans vivent une compétition, car ils sont «tenus de vivre tout, tout de suite».
Cinq expériences différentes, une même satisafaction
Michael, 47 ans : « plus d’équilibre entre vie privée et vie professionnelle »
Michael est informaticien dans un cabinet d’avocats à Luxembourg-ville depuis 15 ans. Il nous explique qu’il a pris un congé parental (un jour par semaine) pour s’occuper de son fils âgé de 5 ans. Il a bénéficié de la nouvelle mesure de ce congé.
Ne pas travailler au bureau le mercredi lui permet de «faire un break en milieu de semaine, c’est pas mal», dit-il. Et ça «libère un trajet» entre la Belgique, son lieu de résidence, et le Grand-Duché. Le mercredi matin, son fils est à l’école. «Pendant la matinée, je m’occupe des tâches que je ne peux pas faire pendant les heures de travail.»
Avec son fils, il peut se balader ou faire du vélo. Il y a ainsi, selon Michael, «plus d’équilibre entre la vie privée et la vie professionnelle». Il pense que quand on est plus âgé, «on a davantage envie de s’occuper de ceux qui sont autour de soi». «On prend conscience qu’il y a autre chose que le travail», certifie-t-il.
Mike, 41 ans : une plus grande « liberté »
Nous avons rencontré Mike lors de son premier jour à temps partiel. Ergothérapeute et conseiller en conception universelle en aménagement pour les personnes à mobilité réduite pour une association, il travaille quatre jours au bureau et le vendredi, il est «à la maison pour garder les enfants, faire la cuisine, faire les devoirs à 16h et prendre les rendez-vous dans les administrations».
Mais cela lui permet aussi de prendre du temps pour lui. Travailler à temps partiel lui apporte également «de la liberté». Bien qu’il ait adopté ce nouveau rythme, le travail reste toujours important pour Mike. Son choix de rythme de travail est très bien perçu par son entourage.
Aux personnes qui le peuvent, il conseillerait sans aucune hésitation de passer aux 80%. «Si quelqu’un me demande si c’est vraiment bien, je dirais oui. S’il peut le faire, qu’il le fasse.»
Thomas, 33 ans : l’épanouissement pour motivation
Jeune avocat allemand à Luxembourg, Thomas est aussi professeur assistant à l’université de Maastricht. Il y donne des cours et coordonne des projets de recherche dans le domaine de la «corporate finance law» et du droit européen. Il s’occupe de 19 étudiants. Il dit apprécier son travail au cabinet. «J’aime développer mes projets», ajoute-t-il.
Il travaille quatre jours au sein du cabinet d’avocats, le 5e jour étant consacré à ses étudiants. Il leur «donne des pistes» pour l’après-université. Cette organisation du temps lui permet de «bien faire les deux choses».
Il affirme aussi être plus heureux au travail avec ce rythme. Il soutient par ailleurs qu’il faut être flexible et qu’il faut savoir s’adapter aux situations qui s’imposent lors de son travail. «Pour moi, c’est important. Le travail que je fais, c’est ma vie dans un certain sens. C’est important de pouvoir se dire à la fin de la journée que c’était cool.»
Didier, 49 ans : un rythme qu’il a adopté
Didier est dans une tout autre situation. Collègue de Michael, il exerce le métier de coursier. «Je gère le stock et je suis en appoint sur l’équipe informatique pour installer des ordinateurs.»
Il n’a pas choisi de travailler à temps partiel. Après avoir perdu son emploi précédent, il a eu l’opportunité de prendre ce poste, qu’il occupe désormais depuis trois ans. Son épouse travaille à plein temps. Lui travaille dans l’entreprise l’après-midi. Le matin, il peut prendre le petit-déjeuner avec ses enfants, «je fais des choses (comme du sport). Ça libère le week-end», précise-t-il.
Depuis deux ans et demi, il est professeur de français volontaire pour deux classes dans une école en Allemagne, pays où il réside. Une expérience qui lui a permis d’apprendre à s’exprimer devant un groupe. «Quand je viens ici, je ne pense pas au fait que je suis à temps partiel.» Il considère que le travail permet de vivre dans le système actuel et qu’il s’agit d’une expérience.
Maximilien, 36 ans : « un total win-win »
Maximilien travaille dans un ministère au Luxembourg «dans l’administratif à mi-temps». Il explique qu’il a choisi de travailler à ce rythme car il s’est rendu compte qu’en travaillant 40 heures par semaine, «on passe plus de temps au boulot qu’avec sa famille et qu’on n’en profite pas vraiment». Lorsqu’il n’est pas au bureau, il dit s’occuper de lui : «Je fais du sport, je m’occupe, je fais le ménage», il lit beaucoup de livres écrits par des philosophes «de notre ère, à partir de 1920-1930 jusqu’à nos jours» sur le fonctionnement de la société.
Le père de famille, souriant, soutient qu’il est «relax». «Je ne suis pas stressé.» Travailler à mi-temps lui a donné une certaine liberté. «J’ai cette confiance en moi. Ça apporte de l’énergie, du bonheur.» Il profite de la vie et se sent moins pris dans un rythme infernal. Bien qu’il travaille à 50%, il a un salaire, il est couvert par la CNS et, pour lui, c’est «un total win-win, car je suis assuré à 100%».
J’ai également choisi un emploi à temps partiel parce que je consacre mon temps libre à un autre projet. J’aime me réaliser dans le commerce https://www.avatrade.fr/ et en tirer de l’argent. Je ne vois rien de mal