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Caroline fait chauffer l’alambic


Caroline Adam-Van Langendonck explique le fonctionnement de la distillerie (photo: le Quotidien)

Il y a un siècle, le pays comptait 2 000 distilleries, soit près d’une quinzaine par commune en moyenne! Aujourd’hui, seules 60 colonnes à distiller subsistent mais il existe un indéniable retour de l’intérêt pour les eaux-de-vie de qualité. En alliant le respect de la tradition à une indéniable créativité, Caroline Adam-Van Langendonck représente bien cette renaissance de la Drëpp.

C’est une drôle d’histoire qui a eu lieu dans la ferme de la famille Adam, à Kehlen. Depuis 1907, elle fait chauffer l’alambic acheté d’occasion et installé dans une dépendance de la ferme reconnaissable à son style Marie-Thérèse (XVIIIe siècle), du temps où les Autrichiens possédaient le Luxembourg.

Trois générations d’Adam, Jos, Jean puis Robert, y voyaient là un joli complément de revenu à une époque où chaque ferme produisait un peu de tout. «Nous avions des vaches, des cochons, nos champs, les vergers…» énumère Robert, le grand-père.

Et l’alambic, donc, tournait à une sacrée allure! «Je me souviens que certaines années, lorsque la récolte était bonne, nous distillions jusqu’à 1 200 fois 50 kilos de pommes dans l’année. Je passais tout l’hiver à la distillerie!»

Il faut dire qu’à l’époque les besoins et la consommation n’étaient pas les mêmes qu’aujourd’hui. «Mon grand-père prenait la carriole tirée par les chevaux pour livrer l’eau-de-vie en Belgique, où l’on n’avait pas le droit de distiller», explique Joël, le fils de Robert, qui lui ravitaillait les bistros en voiture.

«Une fois par semaine, je remplissais ma voiture de bonbonnes de 10, 15 ou 20 litres et je faisais le tour des bars. Au début, je vendais toutes mes eaux-de-vie comme ça. Ce n’est qu’ensuite que je suis allé dans les épiceries, puis au Cactus.»

Dans le temps, 800 litres par an livrés à un café!

Aujourd’hui, il est difficile d’imaginer à quel point les eaux-de-vie étaient bues à l’époque. «J’ai retrouvé un livre de comptes où j’ai vu qu’un café du village nous prenait 800 litres par an : c’est presque trois litres par jour! Et comme il y avait trois distillateurs à Kehlen, nous n’étions pas les seuls à le fournir.

Les eaux-de vie étaient le fortifiant de l’époque : on travaillait dur dans la sidérurgie ou dans les champs, boire une Drëpp (NDLR : une goutte, en luxembourgeois) permettait de se requinquer!».
Mais, petit à petit, la consommation diminue et l’activité s’étiole.

Robert décide de tout arrêter. Joël, qui travaille pour le syndicat intercommunal de gestion des déchets, ne se voit pas reprendre la chauffe. Ce qui n’est pas du tout le cas de son épouse, Caroline, qui ne conçoit pas qu’une telle tradition se perde.

Avec tout son enthousiasme – mais aussi son inexpérience –, elle décide d’investir dans un nouvel alambic et d’apprendre un métier qu’elle n’avait encore jamais effleuré, de près ou de loin. Aujourd’hui, c’est elle qui mène la danse et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle sait où elle va! «Nous sommes trois distillatrices au Grand-Duché et je suis la plus jeune! se félicite-t-elle.

Ce n’est absolument pas un métier interdit aux femmes. D’ailleurs, en Allemagne, elles représentent la moitié des étudiants. Je sais ce que j’aime, je sais ce que je veux, alors je fais et j’apprends en faisant!».

Erwan Nonet

Retrouvez l’intégralité du reportage dans votre Quotidien du lundi 18 décembre.

 

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