Aender Mehlen, le nouveau directeur général de la coopérative, a pris ses fonctions jeudi dernier. Il nous a livré ses premières impressions au soir de ce premier jour, lors de la réception de nouvel an.
Vous étiez le chef de service de l’AOP et le contrôleur des vins à l’Institut viti-vinicole (IVV), des postes à responsabilités au sein d’une administration de l’État. Votre arrivée à la tête des Domaines Vinsmoselle a surpris beaucoup de monde. Qu’est-ce qui vous a motivé ?
Aender Mehlen : Je suis arrivé à l’Institut le 1er avril 2007 et je dois dire que j’ai toujours apprécié mon travail. Mais cette occasion est arrivée… En fait, au départ, je n’ai même pas postulé. Lors d’une soirée que nous passions ensemble, Josy (NDLR : Gloden, le président des Domaines Vinsmoselle) m’a demandé si le poste m’intéressait. Je n’y avais même pas pensé et, en riant, je lui ai répondu qu’il était fou! Mais ça a mijoté au fond de ma tête et, finalement, ça m’a tenté.
Vous avez vu dans cette nouvelle carrière un défi à relever, quelque chose qui vous stimulait ?
Oui, c’est ça. Mon travail à l’Institut était très riche et très intéressant, mais après 17 ans, je ne peux pas nier que je m’étais installé dans une certaine routine. Là, à 48 ans, je me suis dit qu’il serait intéressant que je sorte de ma zone de confort. Il y a beaucoup à faire chez Vinsmoselle, c’est un challenge qui va être compliqué, mais qui s’annonce passionnant. Ceci dit, il faudra être patient. Il faut du temps pour faire évoluer une image. J’espère en voir les effets d’ici cinq ou dix ans.
Vous êtes au soir de votre première journée, vous avez déjà défini des axes de travail ?
Non, pas précisément, je suis encore en train de ranger mon bureau pour m’installer. Ce qui est certain, c’est qu’il faut analyser la gamme pour voir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Ces dernières années, Vinsmoselle a déjà bien avancé sur ces questions, notamment en créant un segment haut de gamme clairement identifiable, Vignum, ou en travaillant davantage sur l’image des crémants Poll-Fabaire. Mais il reste tout un milieu de gamme qu’il faut mieux définir, d’autant qu’il inclut une grande partie de la production ! Nous devons trouver une ligne claire, mettre en place une stratégie pour et nous y tenir.
Vous connaissez déjà tout le monde à la coopérative. Est-ce un avantage ou un inconvénient ?
Non, je ne connais pas grand monde dans l’administration. Mais bien sûr, je n’aurai pas besoin de me présenter à tous ceux qui travaillent dans la viticulture et la production. C’est un avantage, mais aussi une pression supplémentaire. Je sens qu’ils ont des attentes envers moi, j’en ai conscience et c’est normal.
Lors de votre premier discours en tant que directeur général, vous avez déjà mis en avant votre connaissance du marché et dressé quelques problématiques auxquelles la coopérative est confrontée…
Il se trouve que la consommation au Luxembourg est de 42 litres de vin par adulte et par an. Les rouges et les rosés étrangers représentent la moitié de ces 42 litres, les blancs et les mousseux étrangers, 30 % et les vins luxembourgeois, 20 %. Depuis plusieurs années, ces proportions se sont stabilisées. Nous devons travailler pour produire les vins qui nous permettront de mieux répondre aux demandes de la clientèle.
Comment faire progresser la part de vos vins, dans un contexte où les vins luxembourgeois sont très clairement dominés par les vins étrangers ?
C’est toute la question. A-t-on encore beaucoup de marge avec les vins blancs et les crémants ? Peut-être, mais sûrement pas tant que ça, puisque nous sommes déjà à un niveau élevé. Je pense qu’il faudrait attaquer la part des vins rouges et rosés. Là, nous avons des possibilités de faire mieux. Mais nos vins rouges sont surtout élaborés à base de pinot noir. C’est un cépage que j’adore, qui produit d’excellents vins, mais qui est aussi clivant. Tout le monde ne l’aime pas…
Avec les effets du changement climatique, les vignerons luxembourgeois plantent de plus en plus de merlot. Cela peut-il être une solution à vos yeux ?
Il faut y réfléchir, mais le merlot pourrait effectivement être une solution, pourquoi pas en assemblage avec le pinot noir d’ailleurs. Ce cépage permet de faire des vins plus gouleyants, plus ronds, plus simples. Mais en matière de viticulture, toutes ces décisions prennent du temps à se concrétiser. Même si nous plantions beaucoup de vignes aujourd’hui, nous ne pourrions commencer à élaborer les premiers vins intéressants que d’ici cinq à dix ans.