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Budget de l’État : vite, une pomme pour la soif


«L’État devra faire face aux énormes défis que sont le vieillissement de la population, le logement, la double transition énergétique et digitale, la mobilité et aussi la défense», souligne Romain Bausch, le président du CNFP. (Photo : fabrizio pizzolante)

Le Conseil national des finances publiques (CNFP) cautionne les importantes enveloppes débloquées pour contrer les récentes crises. Un recadrage d’autres dépenses, trop «rigides», s’imposerait désormais.

Le premier projet de budget du gouvernement CSV-DP compte plus de 1 220 pages, 660 pour l’exercice 2024 et 560 pour les prévisions pluriannuelles (2023-2027). Pas simple de se retrouver dans cette jungle de chiffres, mais à la base, tout budget de l’État repose sur des données macroéconomiques telles que l’évolution de la croissance économique (+2 % en 2024), du marché du travail (+1,3 % d’emplois créés) et de l’inflation (limitée à 2,2 %).

«Les prévisions ne sont pas dramatiquement mauvaises, mais le contexte global reste difficile, après la récession d’environ 1 % enregistrée en 2023», introduit Romain Bausch, le président du Conseil national des finances publiques (CNFP), qui a dévoilé hier son avis sur le premier projet de budget ficelé par le ministre des Finances, Gilles Roth (CSV).

Si la tendance est positive, avec la perspective de connaître en 2025 une croissance de 3 % du PIB – au-delà de la moyenne historique de 2,6 % (2000-2022) – le Grand-Duché n’est pas sorti de l’auberge. Selon Romain Bausch, «le problème, ce ne sont pas les recettes. Tout au contraire, elles restent à la hausse. Le problème, ce sont surtout les dépenses, même s’il existe de bonnes raisons pour les différents paquets d’aide» ficelés depuis 2020 et l’éclatement de la crise sanitaire.

«Il nous faut garder une marge»

Après un premier rebond en 2021 – à l’image de ce qui a pu être observé depuis 1995 (lire ci-dessous) – le choc provoqué par la guerre d’agression russe contre l’Ukraine risque de plomber de manière plus structurelle les finances publiques du Grand-Duché. Les voyants ne sont pas encore au rouge, mais il est grand temps de freiner la cadence, selon le CNFP. En cause : le déficit structurel qui affecte tant l’État central que l’administration publique, qui combine les résultats financiers de l’administration centrale, des communes et de la Sécurité sociale.

«Le message le plus important est peut-être que le solde restera négatif jusqu’en 2027. Nous avons tous connaissance des défis qui nous attendent. Il nous faut dès lors garder une marge de manœuvre financière, notamment pour contrer de futures crises potentielles», met en garde Romain Bausch.

Sans utiliser l’image chère à Gilles Roth lorsqu’il était encore député de l’opposition, le président du CNFP estime qu’il est urgent que l’État se trouve une pomme pour la soif. «Pour le moment, il n’existe pas encore de problème avec la dette publique. La situation reste même relativement bonne. Mais l’État devra faire face aux énormes défis que sont le vieillissement de la population et son impact sur la Sécurité sociale, le logement, la double transition énergétique et digitale, la mobilité et, malheureusement, aussi la défense, qui depuis 2022 est devenue un nouveau défi qui aura des répercussions à moyen et long terme sur les finances publiques», développe Romain Bausch.

S’y ajoute le fait que l’exercice 2024 est un budget de transition, car limité à huit mois. «Il faut s’attendre à ce que le budget 2025 vienne chiffrer des mesures phares, qui ne sont pas encore budgétisées dans cet exercice 2024 ou dans le budget pluriannuel», évoque le président du CNFP. Ce sera notamment le cas pour les allègements fiscaux au bénéfice des monoparentaux et des entreprises. «Il est sûr que le déficit est, comme d’habitude, surestimé, même si l’ordre de grandeur de 500 millions d’euros de différentiel positif sera peut-être moindre fin 2025.»

L’État appelé à réduire la voilure

Sachant que des aides, tel le plafonnement des prix de l’énergie, resteront probablement nécessaires afin d’atténuer un choc inflationniste majeur, la fameuse «pomme pour la soif» devra être trouvé autre part. La piste identifiée par le CNFP est la «rigidité à la baisse» des dépenses courantes de l’État. «Cet exercice est à la fois sensible et pénible à effectuer. Mais il faudra se plonger plus en profondeur dans les différents postes budgétaires. Sont à citer le volume des rémunérations, à revoir avec un recrutement moins important, ou les frais de location d’immeubles de bureaux», avance le président du CNFP, qui a lui-même travaillé pendant vingt ans au ministère des Finances.

En attendant, les chiffres clés sont les suivants : déficit global (administrations publiques) passant de 566 millions d’euros en 2023 à 987 millions d’euros en 2024 et même 1,1 milliard d’euros en 2025.

Logement : des mesures mal ciblées, juge le FMI

Le hasard du calendrier a voulu que les émissaires du Fonds monétaire international (FMI) dévoilent, la veille de la présentation de l’avis du CNFP, leurs recommandations pour garantir la soutenabilité des finances publiques du Luxembourg. Parmi ces conseils, voire critiques, figure un manque de mesures plus ciblées pour relancer la croissance économique et notamment le secteur clé de la construction.

Le paquet fiscal ficelé par le nouveau gouvernement visant à relancer l’investissement dans le logement n’est vraiment pas au goût des experts du FMI. D’un côté, les mesures pour stimuler la demande pourraient bien «contribuer à restaurer la confiance et à atténuer la pression sur le secteur de la construction». «Toutefois, compte tenu des contraintes au niveau de l’offre, la hausse de la demande risque d’entraîner une nouvelle détérioration de l’endettement et de l’accessibilité financière des ménages» à des logements abordables. Le FMI recommande donc de donner la priorité aux «investissements publics dans le logement social et abordable (…), avec une plus grande implication du secteur privé».

L’annonce d’une simplification administrative est, par contre, largement saluée par les émissaires du FMI.