Le gouvernement se dit être en «mode attente», depuis le rejet de l’accord sur le Brexit par Westminster, mais profite de cette posture de stand-by pour légiférer préventivement et préparer un «no deal» définitif.
Le gouvernement se veut catégorique en attendant que la Première ministre britannique présente son «plan B» au Parlement britannique, lundi : «Il n’y a aucune pression sur nous et nous allons attendre lundi. Nous ne savons pas ce que veut le Royaume-Uni et la responsabilité est du côté de Londres», a estimé le Premier ministre, Xavier Bettel, à l’issue du Conseil de gouvernement de vendredi.
Cela étant, le gouvernement a déjà pris certaines dispositions légales préventives, car s’il dit «préparer toutes les éventualités », il juge toutefois que «la probabilité d’un Brexit « dur » est très grande», dixit le ministre des Affaires étrangères, Jean Asselborn. Dans ce cadre, les mesures prises ou envisagées, en amont du 29 mars (date prévue pour la sortie du pays de l’UE), concernent différents volets.
Un an pour régulariser les résidents britanniques
Le mesure la plus «cruciale», selon les termes du chef de la diplomatie, est relative à la question du statut et du droit de séjour des 6 000 citoyens résidents britanniques au Luxembourg, après le 29 mars, en cas d’absence d’accord de retrait. «Ces derniers se retrouveront en situation illégale sur le territoire grand-ducal, sans titre de séjour, car ils seront, à partir de cette date, considérés comme des ressortissants de pays tiers, à savoir des ressortissants extracommunautaires. Le Conseil de gouvernement a donc pris la décision ce matin (lire vendredi matin) d’accorder un délai d’un an pour que leur situation puisse être régularisée quant à leur droit de séjour», a indiqué Jean Asselborn. À noter, cependant, que les ressortissants britanniques, qui détiennent une double nationalité, ne sont pas concernés. Quant aux ressortissants britanniques qui souhaiteront s’installer au Luxembourg après le 29 mars, ils seront soumis au régime commun applicable aux ressortissants d’un pays tiers. Ils devront ainsi faire une demande d’autorisation de séjour avant l’entrée sur le territoire et ils pourront s’installer sur le territoire du Grand-Duché dès que cette demande aura été avisée favorablement par les autorités compétentes.
Le sort des 2 000 nationaux au Royaume-Uni?
L’une des questions pendantes à celles précédemment évoquées est celle du sort qui sera réservé aux quelque 2 000 ressortissants luxembourgeois (dont 1 200 étudiants) installés au Royaume-Uni. À ce sujet, Xavier Bettel et Jean Asselborn ont déclaré compter «sur le principe de réciprocité», et indiqué que les ressortissants luxembourgeois sont invités à consulter le site de l’ambassade du Grand-Duché de Luxembourg à Londres pour toute information sur les conditions à remplir pour disposer d’un titre de séjour ou de travail au Royaume-Uni après le Brexit et sur les démarches à effectuer.
Quid des droits à la sécurité sociale?
«En l’absence d’accord de retrait, les règlements européens qui permettent de coordonner les législations de sécurité sociale des États membres afin d’éviter les pertes de droits de sécurité sociale en cas de déplacement d’un pays à l’autre ne s’appliqueront plus dans les relations avec le Royaume-Uni», a indiqué Jean Asselborn, en évoquant – à titre d’exemple – l’impossibilité de transferts sociaux de type «allocations familiales » vers un pays tiers. «L’unique exception est faite pour le Cap-Vert», a poursuivi le ministre des Affaires étrangères. Conclusion? «En tant que résidents au Luxembourg, la situation de sécurité sociale des ressortissants britanniques sera réglée par la législation luxembourgeoise de sécurité sociale. Selon la législation luxembourgeoise, toute personne qui travaille au Luxembourg est affiliée à la sécurité sociale luxembourgeoise, quelle que soit sa nationalité», d’après le site www.gouvernement.lu.
De nombreuses questions restent en suspens…
De multiples questions doivent encore être «clarifiées» d’un point de vue légal, selon Xavier Bettel et son ministre des Affaires étrangères. Parmi celles-ci : la question des visas; la reconnaissance des diplômes autres que ceux issus du processus de Bologne (à savoir «les diplômes de médecine et ceux des secteurs paramédicaux»); le maintien dans l’emploi des enseignants britanniques dans les écoles internationales et des Britanniques employés à la Banque centrale ou encore dans la fonction publique, «qui seront de facto licenciés au 29 mars»; la protection des clients de la place financière («banques, assurances, fonds d’investissement et fintech»); les droits aériens («problématique de la « 5e liberté » régissant l’activité aérienne internationale, qui permet à un aéronef d’embarquer ou de débarquer des passagers ou du fret en provenance ou à destination de n’importe quel pays, en considérant les neuf vols quotidiens entre Luxembourg et Londres et les activités de fret de Cargolux»). Les questions douanières liées à la police aéroportuaire et à un hypothétique «surplus de marchandises en transit au Findel» ont aussi été abordées par les ministres. Bref, si le gouvernement se dit en «stand-by», il se dit également «paré à toute éventualité».
Claude Damiani