Accueil | A la Une | Bras de fer : «un sport à très gros potentiel»

Bras de fer : «un sport à très gros potentiel»


Cent soixante-dix ferristes se sont affrontés à Schuttrange en espérant remporter une place pour le plus grand tournoi de bras de fer du monde. (Photo : didier sylvestre)

Organisée samedi à Schuttrange par la fédération luxembourgeoise de bras de fer, la Kalina Cup a réuni de nombreux ferristes, dont certains des meilleurs mondiaux, prouvant ainsi l’essor récent de ce sport.

Un tournoi de bras de fer n’est pas qu’un défi lancé en fin de soirée ou un moyen primaire pour se départager. Bien que catégorisé par certains comme un sport de bar, il s’agit d’une discipline officielle reconnue par le Comité international olympique et en passe de connaître sa première apparition paralympique aux Jeux de Los Angeles en 2028. Samedi, c’est à Schuttrange qu’il fallait se rendre afin d’assister à la Kalina Cup et réaliser l’ampleur, aussi bien locale que mondiale, que ce sport est en train de prendre.

Organisée par la jeune Luxembourg Armwrestling Federation (LAF) créée en 2017 (lire ci-contre) et le projet Arm Fight Factory, la 4e édition de la Kalina Cup était «un succès, car nous avons eu deux fois plus de participants que l’année dernière», se félicite Bogdan Ioan Roman, président de la LAF. Venus de 14 pays différents, en majorité d’Europe de l’Est, 170 athlètes s’affrontaient afin de se hisser en finale et gagner une place qualificative au «East vs West Armwrestling», plus grande compétition mondiale de bras de fer sportif et partenaire de l’évènement. Professionnelle et reconnue, la Kalina Cup est un bon moyen afin de «sortir de l’image du bras de fer comme un sport de bar pour des hommes avec un gros ventre, des gros bras et pas grand-chose dans la tête», se réjouit Luc Wendling, fondateur d’Arm Fight Factory.

«Le sport de force le plus technique»

Sur place, au campus «An Der Dällt» de Schuttrange, se trouvait une partie du gratin mondial du bras de fer. Rien à voir donc avec les scènes du film Over the Top, qui a tout de même popularisé le sport, où Sylvester Stallone affrontait ses concurrents sur des tables de bar, entouré d’une foule plus ou moins sobre. Ici, chaque ferriste a son maillot de la Kalina Cup et attend patiemment de monter sur une scène afin de se placer sur l’une des quatre tables de bras de fer homologuées et combattre devant un public, deux arbitres officiels et des représentants de la World Armwrestling Federation (WAF).

Tandis que certains montent sur scène et s’enduisent le bras de magnésie, cette poudre blanche utilisé pour l’escalade, d’autres se concentrent, écouteurs dans les oreilles ou musclent encore leur avant-bras avec des cordes de musculation. Contrairement à l’expression française, les combats sont explosifs et ne durent que quelques secondes, les cris de victoire étant parfois plus longs que le temps nécessaire pour poser le poignet de l’adverse dans la zone de gagne.

Et pour gagner, la taille de bras ou la puissance ne suffit pas. «C’est probablement le sport de force le plus technique qui existe et c’est un sport de combat, donc il est à la jonction des deux», affirme Luc Wendling, fondateur du projet Arm Fight Factory. «Il y a beaucoup d’entraînements spécifiques sur la position de la main, du poignet, de l’avant-bras», explique la Lituanienne Eglé Vaitkuté, une quinzaine de fois championne en catégorie 80 kg et plus de 80 kg. Pratiquante depuis 1998, elle réalise chaque semaine deux séances d’entraînement sur table et quatre séances de musculation ou d’étirements avec son coach.

Des athlètes encore semi-professionnels

Pour Luc Wendling, «« East vs West«  est au niveau de l’UFC il y a 30 ans, quand ils ont commencé». En MMA (arts martiaux mixtes), l’UFC est à ce jour considérée comme la plus prestigieuse ligue mondiale et compte des millions de vues par combat. Avant d’espérer atteindre ce niveau, les ferristes devront patienter car les meilleurs d’entre eux ne sont encore que semi-professionnels. Malgré ses multiples titres et un entraînement quasi quotidien, Eglé Vaitkuté continue par exemple de travailler afin de vivre et aussi financer ses entraînements et déplacements en compétitions à l’étranger. «C’est ce qui est le point le plus dur pour moi dans ce sport», confie-t-elle. «Je dois avoir un travail car je paye chaque compétition de ma poche, à part quelques-unes avec un sponsor, donc c’est dur de travailler et de s’entraîner au haut niveau.»

Même dans les pays références du bras de fer comme la Géorgie, le Kazakhstan ou l’Ukraine, «seuls certains peuvent en vivre». C’est pourquoi la WAF tente le tout pour le tout afin que le sport soit présent aux Jeux paralympiques de Los Angeles en 2028 et puisse bénéficier de la visibilité des Jeux et des retombées économiques qui en découlent. Pour l’instant, «il y a 200 000 ferristes dans le monde», estime Mircea Simionescu-Simicel, secrétaire général de la WAF, venu au Grand-Duché afin de rencontrer les acteurs locaux et soutenir la dynamique locale.

Mis en pause durant le Covid-19, «on a recommencé en 2021 au plus bas niveau et depuis on développe le monde amateur, les jeunes, les femmes et les personnes en situation de handicap». À l’issue d’un tournoi réussi en termes d’affluence et de spectacle, Luc Wendling était d’autant plus confiant quant à l’avenir du sport. «Je pense que c’est un sport à très gros potentiel. Tout le monde a joué au ballon et les stades sont remplis et c’est pareil, tout le monde a déjà fait un bras de fer», lance-t-il, optimiste.

Une fédération en attente de reconnaissance

Un grand chemin a été parcouru depuis la création de la création de la Luxembourg Armwrestling Federation en 2017 par Bogdan Ioan Roman, champion dans la catégorie 90 kg. Alors que son premier tournoi en 2018 était national et réservé aux hommes, la Kalina Cup est désormais ouverte aux femmes, aux jeunes et dispose d’une reconnaissance mondiale. Un changement de statut rendu possible avec l’aide de Luc Wendling, promoteur et fondateur d’Arm Fight Factory, «un projet pour encourager les gens à faire du sport».

Malgré tout, les deux hommes en veulent plus, notamment au niveau de la reconnaissance. Avec une quarantaine de licenciés, la LAF attend encore d’être reconnue par le gouvernement pour bénéficier de subventions. «Pour l’instant, j’ai juste l’aide d’amis ou de sponsors mais de l’État je n’ai rien», regrette Bogdan Ioan Roman. Seule la commune de Schuttrange leur permet d’installer des tables une fois par semaine pour s’entraîner. Ailleurs dans le pays, aucune table homologuée et aucun club n’existent. Pour y remédier, «j’espère que l’on va être reconnu bientôt», souffle le président de la LAF.

Le bras de fer de père en fille 

Qui a dit que le bras de fer était réservé aux hommes ? Ce n’est pas le champion du monde polonais Kamil Jablonski en tout cas puisqu’il a entraîné sa fille Julia, 13 ans, dans sa passion. Seulement six mois après ses débuts, cette dernière a participé à Schuttrange à sa première compétition de bras de fer. «Elle a fait de la gymnastique depuis ses quatre ans, donc sa base est parfaite, son dos, ses épaules, tout est costaud», se réjouit son père, devenu son coach personnel. «C’est en regardant mon père que j’ai eu envie de commencer», raconte l’intéressée qui trouve son plaisir dans «les émotions qu’on a en combat, seul(e) face à quelqu’un».

«Elle a l’âge parfait pour commencer, elle va devenir une championne dans cinq ans», prédit son père, impressionné par sa force. Lui est déjà dans le haut du panier. En janvier dernier, il a battu de la main gauche Devon Larratt, plus grand nom du bras de fer mondial, et doit l’affronter, à droite cette fois, le 28 avril prochain pour le titre de numéro un mondial.